On doit quand même à l'ingénieur Choulet l'aérodynamique des 917 longues queues qui ont atteint des vitesses au Mans qu'aucune autre voiture de course n'a jamais reproduites :
En fait, ces records ont ete battus par les WM-Peugeot. Mais la voiture en question etait preparee specialement pour battre ces records. De plus les 917LH etaient notoirement instables a grande vitesse, et demandez a Vic Elford ou a Gerard Larrousse les frayeurs qu'ils se sont faits au coude des Hunaudieres... :)
Choulet a aussi travaille sur les Rondeau M379, 382 et 482, mais la 482 n'a jamais marche correctement, jouant les dauphins...
Gilles_a_paris
Nombre de messages : 738 Age : 70 Localisation : region parisienne Date d'inscription : 23/08/2010
Robert Choulet est un grand ingénieur mu par une approche scientifique de la compétition, et j'ai eu la chance de travailler à ses cotés pendant 6 ans ; j'en ai évidement appris énormément !
A ma connaissance, Robert n'a pas travaillé sur les Rondeau LeMans, les 300 ont bénéficié je crois de conseil de Marcel Hubert (ex Alpine Renault) tandis que la 484 a été dessiné par Max Sardou. Il a en revanche dessiné la carrosserie de la petite Rondeau Formule Ford issue de chez Reynard, merci T54 de cette précision !.
Avant 1969, au Mans, il y avait eu des voitures très profilées (les DB et CD du Mans par exemple) et des moteurs puissants, mais jamais en même temps ! A l'époque, les directeurs de service compétition disaient : l'aéro, ça ne marche pas ! Aujourd’hui dans la compétition moderne, c'est le facteur n°1 et elle dicte l'architecture des voitures !
L'accident de la 640 est arrivé car la voiture était mal calée, faute d'essai précédents. La polémique post-accident a été aussi attisée par la concurrence entre les deux projets Matra...
Robert Choulet a ensuite compris et mis en équation le décollage des voitures, objet d'un article dans FISITA (société mondiale des ingénieurs de l'automobile) que l'on peut résumer en 10 lignes :
De même qu'une aile d'avion a une portance qui varie sensiblement linéairement avec l'angle d'incidence, toute voiture voit sa portance augmenter linéairement avec l'angle de cabrage.
De même qu'un avion a besoin d'un angle de cabrage fort pour décoller, pour qu'une voiture reste au sol, il est nécessaire que son tangage reste neutre, ce qui veut dire des portances avant et arrière impérativement homogènes, éventuellement positive (portante) mais préférentiellement négative (déportante).
La tendance naturelle d'une carrosserie automobile peu travaillée est d'avoir une portance avant positive et une arrière négative. Avec la vitesse, on a donc un cabrage qui ne fait qu'augmenter, prédisposant au décollage.
Même quand le tangage est neutre, la perte d'appui avant lorsque la caisse s'éloigne du sol qui est universelle, est une anti-raideur mécanique, mais en V² et donc finit par dominer la raideur positive des ressorts: si l'on va assez vite, on ne peut que s'envoler.
L'architecture (empattement, poids sur l'avant) et les suspensions (raideurs verticales) jouent donc un rôle important.
On remarquera que les envols des protos ont continué au Mans, même après le rabotage de la bosse des Hunaudières, les chicanes ensuite ont cassé la vitesse maxi et changé le compromis vitesse de pointe/appui, mais aussi ailleurs sur d'autres circuits montrant bien le caractère intrinsèque et déterministe du phénomène.
Pour le "640 revival" en 2006, j'ai été chargé de mettre à niveau la voiture : choix de ressorts et amortisseurs modernes, réglage des trains et de l'aileron arrière, puis de diriger le roulage.
Aucun déflecteur n'a été ajouté. Seul le calage de l'assiette a été modifié ; les essais sur l'aérodrome militaire de Bretigny sont intelligemment racontés par José Rosinski dans Retroviseur de Juillet 2006.
Donc pour la 640, on peut surtout dire que l'on est rentré dans une zone à l'époque inconnue. Remarquons que les freins ont été inventés après les moteurs...
Dernière édition par Gilles_a_paris le Jeu 26 Fév 2015 - 8:37, édité 2 fois
JH42
Nombre de messages : 4845 Age : 69 Localisation : 07 Devesset Date d'inscription : 26/08/2012
L'anecdote selon laquelle Lagardère téléphone au préfet de la Sarthe pour demander (et obtenir) la fermeture des Hunaudières à la circulation pour tester la voiture est excellente.
Dan42
Nombre de messages : 8938 Localisation : Margerie-Chantagret 42 Date d'inscription : 06/04/2014
On se rend compte qu'à l'époque certains avaient visité la lune et que sur terre atteindre 300 km/h était un réel danger, c'est assez surprenant car bien plus tôt les Jaguar D de Malcolm Sayer ( issu lui aussi de l'aviation et performant en aérodynamique) prenaient 270 Km/h au Mans, certainement sur des oeufs mais effectifs. En tous cas chapeau à Pesca et à Gilles pour ses infos précises A+ Dan
cristogrr
Nombre de messages : 1761 Age : 60 Localisation : sirault belgique Date d'inscription : 26/04/2010
A ma connaissance, Robert n'a pas travaillé sur les Rondeau LeMans, les 300 ont bénéficié je crois de conseil de Marcel Hubert (ex Alpine Renault) tandis que la 484 a été dessiné par Max Sardou. Il a en revanche dessiné la Rondeau Formule Ford.
Gilles, J'etais a l'epoque (1981-1982), l'importateur-distributeur des Rondeau aux USA. Choulet a bien travaille sur les Rondeau en tant que consultant a partir de la SERA, d'apres ce que nous avions appris directement de Jean Rondeau, se servant du tunnel Eiffel pour raffiner les profils de la 382. Je crois que j'ai meme dans mes dossiers, une phote de Robert en train de travailler sur le modele de soufflerie. La 480 a bien ete dessinee par Sardou, mais Choulet avait aussi donne son avis sur sa forme. La Rondeau FF n'etait autre qu'une Reynard Anglaise construite sous license, raffinee par Aérodyne, la compagnie qu'avait formee Choulet.
Gilles_a_paris
Nombre de messages : 738 Age : 70 Localisation : region parisienne Date d'inscription : 23/08/2010
C'est ça le problème du texte, on oublie des facteurs....
La question de la stabilité met en jeu des forces aérodynamiques qui sont proportionnelles au carré de la vitesse et à leur surface au sol. Elles sont à relativiser à la masse du véhicule ;
Quand on fait du circuit, on fait léger pour accélérer et freiner fort et passer vite dans les virages. Les voitures LM pesaient environ 800 kg, ce qui n'est peut-être pas le cas de Jaguar D à 278 km/h (so far, so good !), et encore moins des véhicules de record de vitesse sur lac salé (5t pour la motricité et la stabilité). Les vitesses critiques sont donc proportionnelles à la racine carrée de la masse.
Enfin, Porsche a baptisé du même numero 917 les voitures du Mans et la Canam, 5.4l, double turbo, 1100 cv, conçue pour les courses aux Amériques (CANada-AMerica), une des toute première voiture (la 1ere ?) à faire tout pour l'appui. La forme en S de son nez comme les persiennes sur les ailes sont des inventions de Robert pour casser la linéarité de la croissance du délestage avant avec le cabrage.
Un jour en essai au Ricard 5.8, les ingénieurs Porsche se sont amusés à debraquer les ailerons, ça a fait le fameux 409 km/h (de mémoire) qui est resté dans le livre des records Guiness. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Selon notre ami Wikipedia, La Porsche 917 fut nommée « Voiture de compétition du siècle » (« greatest racing car in history ») par 50 experts internationaux des sports mécaniques pour le magazine britannique Motor Sport3 et reste pour beaucoup la voiture de course ultime du début des années 1970. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Pour les amateurs, l'interview de Robert Choulet par Didier Braillon dans AutoHebdo est lisible ici ! enfin après login sur le site et quand ImageShack fonctionne... [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Dernière édition par Gilles_a_paris le Mar 10 Mar 2015 - 14:14, édité 2 fois
zeze
Nombre de messages : 254 Localisation : nogent sur marne Date d'inscription : 05/10/2010
Sujet: Technique] Aérodynamique moto Mar 24 Fév 2015 - 20:57
Merci beaucoup a tous les contributeurs pour toutes ses infos "sourcées"....Je me régale.Zézé
Jarno
Nombre de messages : 8661 Localisation : Imatra sur Seine Date d'inscription : 10/11/2009
Article de vulgarisation assez moyen, et même erroné concernant le changement de règlement en CanAm fin 73 pour éliminer les Porsche : les turbos n'ont pas du tout été interdits, c'est une limite de consommation qui a été introduite, officiellement en raison de la crise du pétrole, mais en fait uniquement parce que les Porsche Turbo consommaient énormément comparées aux concurrentes équipées des big blocks atmosphériques américains que les organisateurs voulaient voir gagner pour essayer de retrouver le public des grandes années.
La preuve : En 1974, à Mid Ohio, Brian Redman a fini second de la course, sur une 917/30 Turbo du team Penske, devant Hurley Haywood sur une 917/10TC du team Brumos. Il semble que ce circuit permettait aux Porsche Turbo d'être à peu près compétitives tout en respectant les restrictions du règlement 74.
Dan42
Nombre de messages : 8938 Localisation : Margerie-Chantagret 42 Date d'inscription : 06/04/2014
Pour info les Jaguar D ( 1954 à 57) pesaient 861 Kg et tapaient 260 à 270 Km/h ( chiffres constructeurs) suivant circuit, démultiplication et mise au point certaines dépassaient même ces valeurs, pas mal pour des voitures ouvertes de 270 HP maxi, elles avaient certainement des formes aérodynamiques proches de la perfection, et elles restaient sur la piste A+ Dan
T54
Nombre de messages : 1133 Localisation : California Date d'inscription : 29/01/2010
Dan, les dernières à injection Lucas dépassaient 300 CV et 300 + km/h. C'est l'aérodynamicien et mathématicien Malcolm Sayer qui venait de chez Bristol qui avait les rênes du bureau de dessin sous William Lyon. Il avait commencé par le Type C, puis le Type D et son extrapolation routière, la E, et ses versions de compétition "Lightweight". La vitesse enregistrée dans les Hunaudières la plus élevée pour un Type D a été de 192.3 mp/h ou 309 km/h eh 1956.
Dan42
Nombre de messages : 8938 Localisation : Margerie-Chantagret 42 Date d'inscription : 06/04/2014
Dan, les dernieres a injection Lucas depassaient 300 CV et 300 + km/h. C'est l'aerodynamicien et mathematicien Malcolm Sayer qui venait de chez Bristol qui avait les rennes du bureau de dessin sous William Lyon. Il avait commence par le Type C, puis le Type D et son extrapolation routiere, a E, et ses versions de competition "Lightweight". La vitesse enregistree dans les Hunaudieres la plus elevee pour un Type D a ete de 192.3 mp/h ou 309 km/h eh 1956.
A oui tout de même! ce n'était pas du mou de veau ces Jaguar D, de plus avec un design magnifique, jamais égalé ( à mon avis), rien qui cloche sous n'importe quel angle de vue, à part peut être les roue un peu trop rentrées dans la coque conçue comme une cellule d'avion de chasse. J'imagine les sensations des pilotes à 310 Km/h, derrière le saute vent haut de 25 cm, la tête au dessus, chaussée de casque à visière d'époque et d'une paire de Melton ou Climax comme protection, un grand moment. Comme quoi une aérodynamique optimisée peut donner de belles choses, on se demande comment elles ne se sont pas envolées ces autos, toutes petites, plates et arrondies de partout ,pas un appendice stabilisateur à part la dérive derrière pilote un avant qui ne demande qu'à prendre l'air, pas d'effet de sol, un arrière très court et soit un short soit un long nose suivant circuit et une mécanique relativement simple , dérivée de la série en comparaison à celle des Ferrari, une des fameuse recettes British d'époque, i like it Le Graal pour un amateur de belles autos de race: une copie Lynx en alu of course ( agréé Jaguar) doit chiffrer dans les 100/120 K Eu, une des dernières survivantes dépasse allègrement le 2 à 3 M Eu et encore, vu l'inflation constatée pour les vieilles ruines sans gloire. A+ Dan
loupio
Nombre de messages : 1577 Age : 64 Localisation : Jodoigne - Belgique Date d'inscription : 15/02/2011
dans la rubrique "les voitures s'envolent", il y avait les monoplaces des années 60 et 70 sur le Nurbürgring... où elles décollaient allègrement. J'imagine que l'atterissage ne devaient pas être tendre mais pour autant, il se faisaient quand même sur les roues et dans le bon sens. Un miracle à chaque fois ?
et puisqu'on discutait des Matra, rappelons qu'Henri Pescarolo a le record du tour le plus rapide jamais effectué sur un circuit routier. C'était à Francorchamps en 1973 à l'occasion des 1000 km de Spa... il a atteint la vitesse moyenne de 262,461 km/h au volant de la Matra 670B. C'est toujours bien dans un CV ! Disons que cette fois-là, la Matra a volé bas...
T54
Nombre de messages : 1133 Localisation : California Date d'inscription : 29/01/2010
J'imagine les sensations des pilotes à 310 Km/h, derrière le saute vent haut de 25 cm, la tête au dessus, chaussée de casque à visière d'époque et d'une paire de Melton ou Climax comme protection, un grand moment.
En fait, la tete du pilote sur une Type D ne depassait pas beaucoup et le pare-brise avait une deflection aero qui permettait au casque de ne pas se balader ou essayer de s'arracher comme sur baucoup de monoplaces de course jusqu'a tres recemment... meme pour Mike Hawthorn, qui faisait pourtant plus d'un metre et 90 cms... J'ai eu la chance il y a quelques annees d'en conduire une, une vraie en plus, a plus de 180 km/h et il n'y avait aucun probleme.
cat
Nombre de messages : 6288 Age : 62 Localisation : Normandie Date d'inscription : 14/04/2011
Je sais que l'on devie un peu de la moto, mais j'ai le meme probleme sur ma vieille voiture d'Indianapolis, ou le pare brise ressemble bien a celui de la Type D. Et pourtant a plus de 300 km/h (eh oui, on roule vite avec ces vieilles bagnoles), je n'ai aucun probleme de pression aerodynamique, ni de "lift" du casque. En fait, comme sur une Type D, l'environnement dans le cockpit est totalement "calme" et confortable, ce qui est necessaire pour une course de 24 heures come pour une de 500 Miles.
@Dan42 et T54 : Magnifique Jag et très efficace ! Et jolie ballade dans la campagne sur la vidéo !
Mais ne croyez pas qu'elle avaient un truc pour empêcher de décoller : Elles étaient simplement comme les voitures de l'époque : les petits pneus favorisaient la Vmax, tandis que le moteur avant, le volume assez réduit de la carrosserie, le fonctionnement assez loin du sol et ses 800 kg donnaient des vitesses de décollage au dessus de sa Vmax. A 309 km/h, elles n'en étaient peut être plus très loin, ces courbes sont assez brutales, et à 95% de la vitesse de décollage tout va pour le mieux. "So far, so good"....en version anglaise, ou Monsieur de Lapalisse, 5 minutes avant sa mort, était toujours vivant... en version bourbonnaise.
J'ai conclu plus haut : "Donc pour la 640, on peut surtout dire que l'on est rentré dans une zone à l'époque inconnue".
J'explicite : On peut dire qu'une 640 c'etait conceptuellement parlant une très grosse CD avec un V12, Réaliser 230 km/h avec 70 cv (CD DKW) ou 250 km/h avec 105 cv (CD67 Peugeot) c'est extraordinaire, mais cela ne fait pas rentrer dans la zone technique du décollage.
C'est la combinaison (voiture très profilée) x (gros moteur) qui a fait rentrer pour la première fois dans la zone délicate alors inconnue, depuis mieux connue et mieux maîtrisée.