Parlons de Bimota. Je ne vais pas faire œuvre d’historien, mais plutôt parler en tant que témoin de l’intérieur pour la première « vie » de Bimota, à l’époque de Tamburini et de Morri. Je vais essayer de remettre les choses dans un cadre en m’aidant d’un livre hors commerce (1000 exemplaires imprimés) paru vers 1984 « 10 anni di Bimota » voulu par Morri et rédigé par Claudio Porrozzi, directeur de la revue italienne la moto et distribué par Bimota soi même.
Bimota fut créé en 1965 par Valerio Bianchi, Guiseppe Morri et Massimo Tamburini et était alors une entreprise qui s’occupait principalement de conditionnement d’air et de chauffage.
En 1968 Massimo Tamburini, mécontent de la tenue de route de sa Honda 750 ( il s'était sorti à la parabolique de Misano ), décida de se construire un cadre, à temps perdu, avec des tubes de chauffage. Cette moto était tellement belle et efficace qu’un suisse demanda de lui construire la même pour les courses de côte : il fut sacré champion. Cela fit réfléchir Morri et Tamburini qui décidèrent de se tourner vers cette activité en créant une branche mécanique ( Bimota di Morri et Tamburini ). Ceci provoqua le départ de Bianchi en 1972, ce qui leur laissait le champ libre pour cette nouvelle activité.
En 1973 un premier modèle fut présenté au 200 miles d’Imola avec toujours un moteur de 750 Honda. Ce premier départ en course ne fut pas une vraie réussite ; le pilote, Pietro Anelli, ne put même pas faire un tour. De ce modèle, appelé HB1 environ trente exemplaires furent construits.
La beauté, l’efficacité de cadre amena Paton à se faire réaliser pour sa 500 un cadre chez Bimota.
En 1974 apparut la YB1 à moteur TZ250/350. La moto, toujours pilotée par Anelli, fit une première sortie à Modène. Le moteur cassa, mais ses prestations : deuxième aux qualifs et deuxième position en course au moment de la casse, donnèrent beaucoup d’espoir à l’équipe.
Leur première victoire fut à Zeltweg avec Silvio Grassetti puis à Misano avec Mario Lega.
Cette moto attira beaucoup de curiosité technique, et en 1975, beaucoup de grands pilotes achetèrent une partie cycle Bimota pour leurs TZ : Lega, Pileri, Proni, Kneubuhler, Coulon, Cecotto, etc..
En 1976 Bimota s’engagea officiellement aux Championnats du monde avec Guiseppe « Kocis » Elementi. En même temps, fut construit une nouvelle usine : les 250 mètres carrés du 103 via Covigniano à Rimini, passèrent à 1000 au 195 de la même rue.
A coté d’une très intéressante HD500 fut crée en 1978 la SB1 pour disputer le championnat junior avec des moteurs Suzuki T500 fournis par la SAIAD et produite à 50 exemplaires, ainsi que la YB2 pour les moteurs TZ. A la fin de l’année fut conçue et réalisé une moto de route : la KB1 avec moteur Kawa 900, moto qui fut présentée au salon de Milan et eut un franc succès. En conséquence, Bimota décida de ne plus produire que des motos, soit en kit, soit complète et abandonna la production d’accessoires quelle faisait en parallèle ; guidons, commandes reculées, roues, etc…
Fin de l’année fut également présentée la YB3 à moteur TZ , utilisée par Randy Mamola, Michel Rougerie, Patrick Fernandez, Marco Luccinelli, etc..L’équipe travailla aussi sur les Adriatica, les MDS (pilotes Randy Mamola, Eric Saul, Massimiani).
La consécration de l’année 79 fut le titre de vice-champion du monde 350 avec Patrick Fernandez.
En 1980 il se passa beaucoup de choses : tout d’abord, à la demande de Suzuki Allemagne, fut créée la SB3 à moteur 1000GS. Bimota put ainsi pour la première fois obtenir des moteurs d’une usine japonaise, Suzuki en l’occurrence, et n’était plus obligée d’acheter une moto pour récupérer ce qui les intéressait, ce qui faisait une grosse différence financière. C’est là que je suis intervenu une première fois, j'en parlerai plus bas.
La société Bimota qui était une société en nom collectif devint une SA.
Sur le plan sportif Bimota fut champion du monde 350 avec Jon Eckerold, champion italien junior TT1 avec Mauro Ricci sur KB1, vainqueur du trophée italien Junior avec Montini sur SB2 750 et champion européen de la montagne avec Sauro Valentini.
En 81 fut aussi conçue la KB2 avec moteur Kawa 550 dont 200 exemplaires furent construits et, pour la première fois, Bimota découvrit l’Amérique…
Il y eut une collaboration avec SWM pour l’étude d’une 250 GP.
Tout cela permit la construction d’un bâtiment supplémentaire ( investissement d’un milliard de lires ).
A la fin de l’année Bimota était vice-champion du monde 350, toujours avec Jon Eckerold, Champion italien TT1 avec Lo Rito.
En novembre, à Milan, fut présentée la HB2 avec moteur Honda Bol d’or, ainsi que la KB3 avec moteur Kawa 1000 et la SB4 avec moteur GSX 1100.
En 1983 fut crée Bimota UK, Bimota France (c’est là que j’interviens une deuxième fois, voir plus bas) puis un peu après Bimota Allemagne.
Maintenant mes souvenirs personnels :
Chez Suzuki Allemagne où je sévissais alors, il avait été décidé de créer une moto de prestige sur la base du moteur GS1000. Manfred Kugler et moi avons écumé tous les fabricants de cadre capables de réaliser une série ( Martin en France par exemple ) et notre choix s’était porté sur Bimota. Bimota nous a donc conçu la SB3 : le cahier des charges était relativement simple : une bonne et belle moto avec un moteur GS100 qui serait assemblée chez Suzuki Allemagne et qui serait distribuée par le réseau des concessionnaires.
Avec le prototype, qui entre parenthèse était ma propriété personnelle ( Suzuki ne devant pas être engagé avant la réussite de l’homologation par le TUV et le KBA ) nous avons convaincu Itoh, Ishikawa et Shikenoya ( technicien en chef ) de fournir des moteurs : au départ 50 pour nous à Munich puis à Bimota.
A commencé alors un parcours du combattant, parce qu’aucune moto de ce genre n’avait jamais été homologuée PAR TYPE et non à titre isolé en Allemagne. Il fallut faire des tests de choc des roues, faire modifier les pots Termignioni un peu trop « italiens » au son, etc… Je me suis promené avec cette moto à travers l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Autriche. Elle avait été réceptionnée à titre isolé pour le développement et les essais et portait le numéro SB3D0000001.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Jack Findlay, Tamburini, Mitsuo Itoh et moi chez Bimota
Quelques anecdotes : sur le périphérique de Milan, les vis qui tiennent l’échappement à la culasse se desserrent et j’en perds 4. Je sors de l’autoroute et m’arrête chez le premier marchand de cyclos que je trouve. J’ai cru qu’i allait m’embrasser quand il a vu la moto. Bien entendu il n’avait pas de vis du bon type, mais nous avons mis des goujons. Ce fut d’ailleurs une modification que nous avons introduit dans la série. Je n’ai pu repartir qu’après avoir été invité à manger chez eux.
En rentrant de chez Bimota vers l’Allemagne, dans un petit bled du Haut Tyrol je m’arrête un soir dans un petit hôtel. Je mange puis je prends une chambre. Je demande s’il y a un garage pour rentrer ma moto : il n'y en a pas. Le proprio sort avec moi et voit la moto : résultat des courses, ils ont monté la moto à quatre au premier étage.
Sur les cartes grises allemandes les vitesses maxi et le tailles et marques de pneus sont indiquées.
Vitesse maxi : nous sommes descendus à Nardo et j’ai fait les essais de vitesse, résultat 260 km/h et un piston fondu. Le carénage été légèrement modifié pour le refroidissement et 240 Km/h indiqués sur la carte grise.
Modèles de pneus : avec Mr Flick de Michelin Karlsruhe qui nous a fourni un certificat, la « complicité » de l’ingénieur du TUV Gerhardt Spaegele – il y a prescription - nous avons fait mettre des Michelins Slicks (SV quelque chose, je ne me souviens plus exactement ) et c’est probablement la seule moto homologuée route avec des slicks. Evidemment le Herr Funktionär du KBA ne pouvait pas savoir...
Bref 50 motos furent assemblées à Munich et ont été distribuées par le réseau des concessionaires.
Elles ont toutes trouvé preneur.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Manfred Kugler et Tamburini à Munich
En 1983 j’ai quitté Suzuki Allemagne pour travailler chez Bimota et créer Bimota France qui était une succursale directe de Bimota SPA, et non un importateur indépendant. Bimota France se situait à Roissy Paris Nord II, à un jet de pierre du circuit Carole.
Ça n’a pas trop mal marché par rapport aux prévisions, mais les problèmes de Bimota ont commencé et en 1985 Bimota déposait le bilan, peut être par excès d’optimisme, en tout cas par le lâchage de l'importateur américain et les problèmes que cela a entrainé. Le coup de grâce fut porté par le départ pour Cagiva en 1984 de Massimo Tamburini qui était l’âme de Bimota. Guiseppe Morri, au demeurant très sympatique et bon gestionnaire, s’occupait de la partie financière, des ventes et du marketing. L'équipe était composée d'une douzaine de monteurs.
Après cela je suis parti vers d’autres cieux et d’autres buts, mais ceci est une autre histoire.
Chiffres de production route:
HB1 750 Honda 10 dont 9 en kit + une vingtaine pour la course
SB2 750 Suzuki GS 140
KB1 900 Kawa 319
KB1A 1000 Kawa 508 dont 320 en kit
KB2 550 Kawa 177
HB2 900 Honda 193
HB3 1100 Honda 101
SB3 1000 Suzuki 402 dont 51 assemblées en Allemagne
HB3 1100 Honda 101
KB3 1000 Kawa 112
SB4 1100 Suzuki 272
Course :
SB1 500 Suzuki 51
YB1 250/350 Yam TZ une quinzaine
YB2 id peut être une dizaine
YB3 id une trentaine