Mon premier week-end de team manager.
Tout a commencé par un malentendu. Un gros malentendu.
Au moment d’inscrire Valentin en championnat de France, nous avions le choix de le faire en tant que simple pilote ou en tant que team.
La deuxième solution offrant l’avantage d’obtenir plus de pass, « banco » ; une licence au Motoclub MGB d’Alès, une licence à 30 euros à la FFM et c’est parti, le Pit Lane Racing était né!.
Muni d’un tel Sésame, je me voyais déjà, non pas en haut de l’affiche, mais arpentant le circuit pour interviewer les gens et prendre mes petites photos, comme à l’habitude.
Erreur, grossière erreur…
A peine arrivé dans le paddock du Mans, le
jeudi après-midi, toute l’équipe, qui ne se connaissait pas une heure auparavant, commence à me poser des questions avant de descendre la moto immaculée du camion d'Yves Kerlo: « la tente, on la monte où ? On sépare comment la zone de travail ? Les pass, on les a quand ? Quand doit-on aller au contrôle technique ? On aura le transpondeur, aujourd’hui ? Pour les pneus, ça se passe comment ?
- On n’a qu’à la monter là. On met la moto devant et l’hospitality derrière. Je vais me renseigner. Je vais me renseigner. Je vais me renseigner. Je vais me renseigner… »
A partir de là, telle une fourmi au travail, je passe le plus clair de mon temps à sillonner le paddock au guidon de mon antique scooter en quête d’un renseignement, d’un outil ou d’une pièce mécanique pendant que toute l’équipe entreprend le montage de notre abri et Valentin le rangement de sa camionnette : « vous aviez dit, courir à l’ancienne ? ».
Je croise bien "du monde" connu mais j’ai à peine le temps de dire « bonjour » et d’échanger quelques mots avant de repartir dans ma ronde frénétique.
Louis Rossi
Robin Anne et Martial Garcia
Jean-Michel Mattioli, François Gomis et Hubert Rigal
Karim Djaouk et "Cinar"
Yves Kerlo et Clément, qui donne maintenant ses conseils à la structure de Laurent Pradon
Le soir, la moto est à peu près prête, avec son acquisition 2D (prêtée par le CIP) montée, mais on casse une petite rotule de capteur de suspension et me voilà reparti chez MG Compétition trouver la pièce de rechange. A noter le fair play de l’équipe de Martial Garcia qui me dépanne instantanément, et avec le sourire.
Peu après minuit, c’est bon ; la moto est terminée, avec ses vieux pneus pour le lendemain matin (économie oblige) et son carénage en carbone (en cas de chute, on n’a qu’un seul carénage en fibre de verre autorisé par le règlement)…
« Direction l’hôtel ! »
Oui, sauf que « le team manager » en herbe a oublié de les informer de notre arrivée tardive, que l’hôtel est tout simplement fermé (oui, c’est un hôtel « modeste ») et que le lecteur de carte bleue de fonctionne pas.
Et, à une heure du matin, nous voilà partis dans une nouvelle ronde, allant d’établissement complet en établissement complet jusqu’à trouver refuge au centre ville, au prix fort, bien entendu.
« Roulage à 9h30, les couvertures à 8h15, réveil à 7h ; bonne nuits les gars, j’ai encore un petit mot à mettre sur le forum… »
Vendredi matin, préparatif de la moto et première séance d’essais libres : « excusez-moi les gars, je peux aller faire des photos ?
- oui, mais tu reviens tout de suite après. Et n’oublie pas d’aller acheter à manger à midi.»
La solidarité « forumesque » est toujours présente et TimK nous dépose un autre scooter pour nous déplacer.
Durant la séance, Valentin prend ses marques « tranquillement » et le Marabout qui exploite la 2D commence à décrypter des signes aussi complexes que non-signifiants à mes yeux.
La moto est adaptée en conséquence et on chausse des pneus neufs, « pour voir », en attendant que je revienne des courses, les bras chargés de boîtes de pâtes à réchauffer : "au fait, on les réchauffe avec quoi ? "
Silence…
Heureusement, la deuxième séance, elle, se charge de nous réchauffer, au moins le cœur, puisque valentin y fait le 4ème temps.
Nouvelle séance de décryptage du Marabout pendant que la moto passe au contrôle administratif et technique.
Coup de téléphone : « ils demandent les papiers de la moto ! »
J’avais soulevé le problème trois jours auparavant puis j’ai complètement zappé l’affaire.
Quelques secondes de panique et les vieux réflexes reviennent ; coups de téléphone à Hubert, Yves et Cyril, recherche du numéro de fax du circuit par Mickaël et le problème est réglé en quelques minutes… en attendant le suivant.
Tiens, justement, le suivant, c’est le ressort que le Marabout me demande de trouver dans le paddock ; je cherche chez tous les fournisseurs et tous les teams, mais ma quête reste vaine ; pas le choix, on fera sans!
Dans l'équipe, on a un nouveau "mécano". Il s'appelle Valentin Debise et s'occupe de plein de petites tâches.
Avant, il était juste pilote de GP, "mais ça, c'était avant!"
Le soir, c’est « grasse mâtiné » puisque nous quittons le circuit à 23 heures et que notre lit nous attend,.
Enfin, après le traditionnel compte-rendu sur le forum, évidemment.
Samedi, c’est le grand jour.
Du moins l‘après-midi, puisque le matin froid et brumeux ne sert qu’à affiner un peu plus les réglages de suspensions malgré les pneus usés de la veille.
Avec une telle température, les pneus se détruisent rapidement et Pascal Serra (Pirelli France) vient nous en expliquer les subtilités.
Pour le moment, la moto réagit logiquement à tous les réglages et on croise les doigts pour que tout se passe bien l’après-midi où l'on passe un pneu neuf à l’arrière.
Les suspensions K-Tech sont du matériel haut de gamme (utilisée également par Fabien Foret qui les amènera sur la plus haute marche du podium, ce week-end, à Imola) et deux ingénieurs anglais sont là pour nous épauler.
Cela se déroule à peu près bien, avec une accélération du rythme progressive jusqu’à ce que Valentin n’arrive sur un concurrent beaucoup plus lent en pleine trajectoire et ne manque de le percuter.
Le problème, c’est que les pilotes sont souvent des personnes à fort caractère, et cela dégénère un peu trop, allant jusqu’à entraîner la chute du concurrent quand sa roue avant vient à toucher la roue arrière de Valentin.
Bilan : une moto détruite, altercation dans le paddock et convocation par la Direction de Course.
A ce moment, je commence à trouver que ma formation est assez rapide…
« Bon, Valentin, de toute façon, tu t’excuses, regrettes évidemment ce qui s’est passé et promets que cela ne se reproduira plus.
- Ok. »
Entrée devant le jury, l’air penaud : « Valentin, raconte-nous ce qui s’est passé, stp.
- J’étais dans un tour rapide, je me relève de la bulle et je découvre une moto quasiment au ralenti en milieu de trajectoire. Vous savez, c’est très dangereux et on avait déjà le problème en Moto2. Vous n'insistez pas assez là-dessus et il faudrait mieux informer les pilotes au briefing », etc…
Coups de pied sous la table mais rien n’y fait, le discours continue !
Un peu surpris, le Jury nous demande de sortir pour délibérer quelques instants: « Valentin, mais qu’est-ce que tu m’as fait, là ?
- Tu sais, c’est vraiment une question de sécurité pour les autres pilotes et je ne pouvais pas ne pas le dire."
Que voulez que je réponde ?
La décision tombe : avertissement oral, à ne surtout pas oublier.
Par moments, je me sens un peu fatigué dans mon rôle de team manager…
Le soir, on quitte le circuit vers 20 heures car le warm up est à 8h30 le lendemain.
Dimanche matin, le thermomètre affiche 3°. On passe chez Total pour acheter notre essence « racing » personnelle puis on se gèle sur le circuit. Dans ces conditions, il n’y a rien à gagner et tout à perdre, aussi Valentin ne fait que quelques tours avant de rentrer.
La suite, vous la connaissez déjà, avec le podium en première course (Valentin aura droit à la bise d’Hubert Rigal) puis l’oubli qui entraîne la fermeture de la pit-lane, un départ en dernière ligne et, indirectement, une petite chute.
Il faut gérer les courses mais aussi la présence des membres du forum.
Si la plupart se rendent utiles, certains s’occupent tout seul …
Après la course, grosse séance « média » avec Motors TV, Sport-Bikes, Moto Journal et Moto Revue !
On démonte la tente et répartit les choses entre les deux camionnettes. La moto de course repart à Chartres pour être remise en état tandis que Valentin charge la moto « Liberty Yam» destinée à bientôt retourner à son propriétaire.
Félicitations, remerciement mutuels et séparation de l’équipe du Mans.
Juste avant de partir, Valentin me donne son casque, ce qui me touche très sincèrement.
Il figure maintenant en bonne place devant ses couleurs...
Moralité de cette première expérience: team manager, c’est fatiguant, on court partout, on, dort mal, on mange mal, on ne voit pas les courses, on a souvent les yeux humides, voire plus, mais on est heureux sur la route du retour, en essayant de rester éveillé en se remémorant les moments que l’on vient de vivre.