- JSB a écrit:
- Oui oui on veut tout savoir ! Braun freinait tard ? accélérait tôt ? avait un moteur beaucoup plus puissant que le tien ? dis-nous tout des impressions vécues derrière la bulle..
Ça y est ! La YAMAHA TD2 est dans la 404 break avec tout le barda. Mon grand-père François - 73 ans – m’accompagne. Il est à la fois mon principal sponsor, mon mécanicien et surtout mon plus fidèle admirateur. Direction
Charade le circuit mythique - 8kms - 51 virages – pour mon premier (et dernier, mais ça je ne le savais pas encore) GP.
Le pilote : Après les « Jeunes Tigres » (voir Blog Mondial Monneret sur Pit-lane) 5 ans pratiquement sans courir, sauf une saison tronquée en 68 (Ah les grèves) sur une Aermacchi Alaverde coursifiée. En 71, une saison honorable en « National » avec une Aermacchi 125 Alettadoro ex-Auréal achetée à Mr Borie. Une 3eme place me donne le droit d’acquérir une licence « INTER » pour 1972. Avant de partir pour
Charade je n’ai fait qu’une seule course sur le micro-circuit de Pau-Lescar (Championnat de France quand même) qui m’avait value une remarque de Thierry (Tchernine) : « faudrait que tu te bouges un peu quand même ! » toujours un peu taquin le Thierry ! Ma seule expérience de
Charade c’est 2 tours du circuit en 1964 sur un 50 Italjet d’emprunt et sur route ouverte.
La Yamaha TD2 : Achetée d’occasion 10.000 F et à crédit à B. Ley pendant l’hiver. La revente de l’Aermacchi me permet de peaufiner la préparation du destrier. La TD2 a été révisée par Jacky Germain. Pistons, segments, cylindres neufs, boîte aux crabots retaillés. Tout est « stock », pas de préparation exotique, juste un remontage soigné. Bertrand et Bréjat ont fabriqué une platine spéciale pour monter un allumage électronique Kroeber. Pour la partie cycle rien de spécial, tambour d’origine énorme à l’avant, celui qui est si difficile à régler, juste le bras oscillant qui a été « rallongé » un peu « à la dégueulasse » par quelqu’un (l’ancien proprio ?). Les Dunlop Racing « triangulaires » ne sont pas tout neufs mais à l’époque ont faisait bien 4/5 courses et les essais avec ces pneus « en bois ».
Arrivé à
Charade, le parc coureur est déjà plein à craquer. En pente, bien poussiéreux, quelques brins d’herbe par ci par là, si il pleut c’est un bourbier. On arrive à caser la 404 dans un coin un peu à l’abri des regards, on la ramène pas trop c’est du lourd autour de nous. On descend la TD2, un coup de chiffon, du mélange dans le réservoir, la pression des pneus et elle est « prête à partir ».
Le gros problème c’est que je ne suis pas « invité ». J’ai même reçu un courrier comme quoi « Nous ne pouvons retenir votre demande d’engagement et que …..bla…bla…bla ». Alors je fais le siège dans le bureau des organisateurs et les discutions durerons bien 3 heures avant qu’ils ne me jettent le laissé-passé quelques minutes avant les premiers essais. Le n° 80 peint vite fait sur le carénage, vite- vite le pesage et en avant.
Première séance d’essais libres.Je ne connais pas du tout le circuit et mon « pilotage » c’est plus du Grand Tourisme Sportif que de la grosse attaque. Comme je n’avance pas et qu’on a mis des gros gicleurs, la moto engorge un peu c’est tout. Après 4/5 tours j’essaye de m’accrocher à quelqu’un (qui ??????) la tête dans la bulle dans la ligne droite après le gauche après les stands. Au bout de la ligne droite je rends un peu la main et là……….. Craaac , serrage. Je débraye et laisse aller le long des rails. Séance terminée. Un tour de circuit dans la camionnette « balais » et retour au paddock. Papy François est rassuré, je ne suis pas tombé. On commence à démonter ! Bougies ? : Très blanches donc carburation trop pauvre ! Culasses ? : Très blanches mais rien de spécial ! Cylindres ? : Houlà ! Un des deux cylindres « chromé dur » tout neuf est bien entamé ! Pistons ? : Un côté rayé bien sûr ! Segments ? : Toujours dans leurs gorges et « libres » ! Les cages à aiguilles de pieds de bielles sont toujours là ! On ne démonte pas plus. Normalement vu la gueule du cylindre on devrait changer piston, cylindre et segment. Mais je n’ai pas de pièces et même si j’en trouvais sur le circuit je n’ai pas un rond pour les payer. Alors ? Ben avec Papy on attaque le cylindre et le piston fautif…….au papier de verre !!!!! Y a bien quelques regards dubitatifs et réprobateurs mais on fait comme si on ne voyait rien ! On remonte tout le bazar mais je ne sais pas pourquoi j’ai serré ! On met les plus gros gicleurs possibles et on croise les doigts.
Vendredi AM 1er essais chronoJe ne connais toujours pas le circuit mais je me secoue un peu et j’essaye de « prendre des roues ». La moto marche, c’est déjà pas mal. Je fais quelques tours 2 doigts sur le levier d’embrayage, à l’écoute d’une amorce de serrage. La grande remontée vers l’épingle « du pont » est une succession de grandes courbes très rapides entre « à fond » et « presqu’à fond ». Comme je suis un peu au-dessus de mes pompes je coupe un peu les gaz au lieu de vraiment tout couper. Erreur fatale ! Crac (re) serrage. L’endroit est quand même extrêmement hostile ! On louvoie entre les rails, la montagne à droite et le ravin à gauche et c’est très rapide (je crois que Marcellin Herrantz s’est tué dans ce coin-là ?). Je termine débrayé en freinant douuuuucement entre la piste et le rail qui frotte sur le carénage ! Belle frayeur. (re) voiture balais – (re) démontage et : C’est l’autre cylindre qui a serré ! On applique la même punition………papier de verre !
Mais pourquoi elle serre à tous les coins de rue cette bécane ??? Les bougies sont encore très blanches, la carburation est donc toujours trop « pauvre ». On a pourtant mis des gicleurs « ENORMES ». Je me renseigne auprès de Jacky (Germain), Thierry (Tchernine) et d’autres français disponibles. Personne ne comprend rien. On vérifie tout ce qu’on connait, hauteur de cuve des carbus, aiguilles, flotteurs, pipes d’admission (réputées fragiles), calage allumage et….on ne trouve rien ! On remonte le tout, on verra bien demain. J’ai même pas été voir les temps, je sais que c’est nul.
Vous dire la nuit que j’ai passé à essayer de me rappeler tous les virages (et y en a beaucoup) et essayer de comprendre pourquoi j’accumule les serrages. Pour tout dire : je n’ai pas dormi beaucoup !
Samedi matin essais libresPour le « pilotage » disons que ça va un peu mieux. J’arrive à anticiper ce qui va arriver et non plus à « subir » le circuit. J’ai maintenant « la main » complète sur l’embrayage et j’écoute si le moteur monte subitement en régime, signe d’un serrage imminent. Dans la courte ligne droite j’appuie sur la manette du « choke » ce qui devrait enrichir la carburation et faire « ratatouiller » le moteur. Mais la rien ne se passe, le moteur « avale » le surplus de mélange. La carburation est encore trop pauvre et ce qui devait arriver……..arriva ! Serrage n°3. Retour au parc dans la camionnette. On se dit bonjour maintenant avec le conducteur. On est presque intimes ! Démontage et on refait notre traitement radical des cylindres et pistons : Papier de verre (on va être en rupture de stock bientôt). Toujours pas d’explication aux serrages successifs. Vous décrire la « bobine » de mes beaux cylindres qui étaient tout neuf ! Ils sont bien rayés et il manque des petits morceaux de chrome. Les pistons itou, la seule consolation c’est que les segments (1 x piston en L) sont toujours libres dans leurs gorges et restent donc « efficaces ». Je ne sais qui a dit que le secret du 2 temps c’est « les jeux » ! Pour le coup y en a (des jeux). Autour de nous des spectateurs, des mécaniciens, des pilotes sans soucis, errent dans le paddock. A nous voir massacrer les cylindres certains nous regardent faire avec amusement, d’autres avec ironie, d’autres encore avec compassion (pour les plus sympa). Notre voisin de paddock (je pense que c’était Billy Nelson) vient voir l’ampleur des dégâts. Il examine les cylindres sous toutes les coutures en roulant des yeux et me les rends avec une moue dubitative en me lançant un « KAPUTT » tonitruant. En voyant comment il prépare son mélange Castrol R40/essence avec amour, dans un fût de 30 litres, en tournant avec un bâton en bois la potion magique pendant un bon ¼ d’heure. Je me dis que je n’ai peut-être pas mis assez d’huile dans mon mélange ! J’augmente la dose à 6% (j’utilise de la Redex) ça peut pas faire de mal. On revérifie tout pour la Nième fois et on remonte.
Samedi AM derniers essais chronoC’est maintenant ou jamais !
Entre les séances de mécanique j’avais quand même eut le temps d’aller voir les 350 et les 500 dans la dernière partie du circuit, entre l’épingle « du pont » et l’épingle « Rosier » et aussi voir les « grands » négocier la courbe à gauche après les stands. Dans tout ce coin-là, j’arrive à me débrouiller ! Par contre dans toute la descente c’est plus qu’approximatif ! Les « jumeaux » en particulier, deux virages à gauche qui se ressemblent mais dont l’un est plus serré que l’autre (lequel ?) ou je me « loupe » presque à chaque tour. Contre toute attente la moto fonctionne. Des mecs me doublent, j’en double d’autres (doivent avoir des problèmes ?). J’accumule les tours 2 doigts sur l’embrayage, en gardant toujours un « filet » de gaz (si je coupe vraiment y a plus d’essence et si y a plus d’essence……….y a plus d’huile !). Dans le gauche après les stands une fusée me double. La moto est toute petite, peinte en vert kaki et le pilote a l’air vraiment très grand. Il me semble reconnaitre le casque de………..DIETER BRAUN !!! La moto ressemble à …… une MZ !!!!. Je déconnecte le neurone qui me reste et je le suis. Je ne vais quand même pas me faire distancer par un « bitza » teuton alors que je chevauche un des fleurons de l’industrie motocycliste nippone. Enfin je le suis !!! Disons que je m’accroche. J’essaie de tout faire comme lui. Les trajectoires, les freinages, j’accélère des que je suis au « point de corde » etc……. A chaque virage il me distance de quelques mètres mais je le « vois » toujours. Ce tour se déroule pour moi comme dans un état second. Jamais je n’aurais cru passer les enfilades aussi vite.
A la fin de ce tour il m’a distancé « seulement » de quelques dizaines de mètres. Et ça continue, moi je suis à l’agonie complet mais ça tient jusqu’au « Belvédère ». Je me « loupe » encore dans « les jumeaux » après c’est terminé, je suis largué ! Au tour suivant dans « Gravenoire », la longue courbe à droite qui termine la descente et attaque la remontée, je serre à nouveau à la sortie. C’est très vite aussi dans ce passage et je me fais encore une belle peur.
Au démontage cette fois c’est terminé, un segment est cassé et on a eu toutes les peines du monde à sortir les cylindres.
A tout hasard je vais voir la liste des qualifiés et là !!!!!!!!!!!!! CHEVALIER G. est sur la liste !!!!!! Aux alentours de la 20/25eme place !!!!!!
CHEVALLIER Olivier est largement devant donc c’est bien moi !!!!
C’est le « hold-up » parfait, j’ai dû faire ce temps en suivant BRAUN sur UN tour. Il y a des différences de temps ENORMES du premier au dernier, des poignées des secondes. Qui a dit qu’on pourrait prendre les temps avec……un boulier ????
Je ne vais pas me faire des amis de tous les pilotes non qualifiés qui restent sur le carreau. Mais bon ! C’est la course !
Le gros problème c’est que pistons et cylindres sont HS et que, même si j’avais les sous, personne n’a de pièces neuves pour la TD2. La TD3 est la compétition-client de l’année et il n’y a aucune pièce commune entre les deux bécanes.
Heureusement la « Déesse de la Course » veille sur moi.
DANIEL ROUGE:pot: qui a une TD2 et ne s’est pas qualifié me propose de prendre toutes les pièces sur sa propre moto. Grand seigneur le Daniel et une belle preuve de l’entraide entre les obscurs du Championnat de France. On commence donc le pillage de la moto de Daniel quand un Monsieur en tenue civile (pas un pilote en combinaison, ni un mécanicien en salopette) me demande :
« Tu roules avec ça ? »
« Quoi ça ? »
« Les carburateurs ! »
« Ben oui, c’est les Mikunis d’origine »
« C’est pas pour une TD2 ils sont trop gros, regarde le diamètre »
Je m’exécute-pied à coulisse-verdict : 34mm
« C’est pour les TR2 (350) les 34 ? Pour une TD2 c’est des 30mm »
« !!!????!!!! »
« C’est pas les mêmes gicleurs »
Eurêka ! Voilà pourquoi je serre tout le temps.
C’est Mr RUGGIA (le papa de Jean Philippe) qui a trouvé la réponse.
Grace à sa grande expérience (il y a un moment qu’il entretien des YAM de course et qu’il a « révélé » des pilotes) il a tout de suite vu ce qui ne collait pas.
Il n’y a aucune différence entre des Mikunis de 30 ou de 34 sauf : le diamètre et la taille des gicleurs !
J’utilise des gicleurs beaucoup trop petits. Je ne me souviens plus exactement mais s’il faut des gicleurs de 100 pour des carbus de 30, il faut AU MOINS des 150 pour des 34.
Le vendeur de la moto ne m’avait jamais parlé de cette « amélioration » apportée.
Merci Mr RUGGIA je vais pouvoir faire mon GP.
Du coup on continue la razzia sur la moto de Daniel avec : les carburateurs !
Dimanche La CourseMe voici au départ en……nième ligne au beau milieu du troupeau, nous sommes au moins 5 par lignes malgré l’étroitesse du circuit, surtout réussir mon départ « à la poussette ». Cà tape dur coté palpitant ! Le grand moment de silence quelques secondes avant le baissé du drapeau !!!! Brrr j’ai les chocottes ! C’est parti ! Le premier gauche en accélération, la ligne droite et la grande courbe à droite (Manson ?), jusque-là tout va bien (comme dit le mec qui tombe du 15eme étage). Je suis cerné ! Y en a devant (beaucoup), à côté, derrière et tout ce beau monde déboule dans la descente la tête dans la bulle. Premier gros freinage en courbe avant l’épingle du « Belvédère » et là je freine beaucoup – beaucoup – beaucoup trop tôt et au moins 10 mecs me doublent instantanément. Je réagis (mal) en ré-accélérant mais le virage est déjà là et je passe l’épingle complètement « en vrac ».
L’affaire est réglée : je suis dernier !
Je ne vois plus personne. Ils sont tous loin devant.
La course ne sera qu’un long calvaire avec 2 « petites » sorties de route en essayant de « forcer » un peu. Dont une fois en perdant mes lunettes de vue (type Sécu) dans le casque. Ouvrir la visière et remettre les lunettes en roulant !!!! Pas facile.
J’ai tout mon temps pour admirer Phil Read et bien d’autres quand ils me prennent un tour (8 bornes dans la vue quand même !!!) dont Olivier CHEVALLIER humiliation suprême.
Au fait ! La moto a parfaitement fonctionnée !
EpilogueJe suis ruiné ! La prime de départ se résume à une chaleureuse poignée de main. Je n’ai pas de « mécène » (on ne parle pas encore vraiment de sponsor), je ne suis pas mécanicien et je n’ai ni la classe ni le charisme des Rougerie, Chevallier, Tchernine etc….. Pour ne parler que des français. La remise en état du moteur me couterait l’équivalent de 6 mois de salaire (voire plus). J’en ai pris un bon coup sur le moral en terminant dernier. Malgré quelques tentatives infructueuses en Championnat de France grâce à la gentillesse de Phil BERTHELIN (celui qui eut l’idée de « retourner » les cylindres de la TZ de Gérard CHOUKROUN) qui tentera de faire des miracles avec des pièces de récupération, jamais je ne terminerai une course avec cette bécane.
Quelques « impressions » en vrac.L’extraordinaire démonstration de pilotage de SAARINEN et LANSIVUORI aux essais en 350, sous la pluie, dans leur « style » novateur. Coude serrés sur le réservoir, les bracelets avec un angle impossible, la tête dans la bulle, les genoux écartés et « en glisse » contrôlée. Je crois (à vérifier) qu’ils tournaient beaucoup plus vite sous la pluie que beaucoup d’entre nous en 250 sur le sec !
La grosse frayeur dans le paddock en voyant revenir la KAWA H1R de René GUILI littéralement coupée en deux ! Il en parle dans le Cheval de Fer.
« L’humiliation » D’AGO quand Phil READ fit quelques tours en tête en 500 avec sa 250 et qu’il voulait faire grosse impression aux gens de La MV Agusta.
La « tension » palpable dans le Parc Coureur, mélange de plaisir (d’être là), d’appréhension (pas encore de peur) et d’excitation.
Merci à Damien
d’avoir « tout retourné » pour retrouver cette photo. « L’ambiance » est là ! Les spectateurs à 2m de la piste (certains étaient même assis sur les rails), les bottes de paille bien collées aux rails, les rails a 50cm du macadam, les Monts d’Auvergne d’un côté, le « précipice » de l’autre. Un coup de bol qu’il ait « shooté » juste au moment où GG passait.