(Marc pourra deménager ce fil si il le juge necéssaire.)
Avant tout, la lecture de cette histoire doit être interprétée dans un contexte et une période où les ordinateurs étaient encore de la taille d’un HLM, des machines réservées à l’industrie de pointe ou la défense nationale, et où les écuries de courses de pointe se composaient d’un pilote et trois ou quatre mécaniciens, le tout voyageant dans des conditions pour le moins héroïque de circuit en circuit. L’aérodynamique était aussi mal comprise et n’en était qu’à ses balbutiements. De 1968 à 1980 quand cette aventure s’est terminée pour moi, mon crayon et quelques idées de base ont été les seuls facteurs qui ont déterminé le succès ou l’échec de mes élucubrations. De plus, mon intermède chez Morbidelli a été relativement bref, et je n’ai jamais été, comme la presse Italienne me présentait assez faussement, le “remplaçant” de Jorg Moeller.
Pardonnez aussi mon orthographe car j’ai beaucoup de mal de nos jours a taper en Francais, et je dois rajouter des accents car mon clavier sur mon vieux HP refuse de collaborer pour un changement de type de language.
Cette petite aventure commence en 1962, quand tout en participant aux courses Françaises avec un budget virtuellement inexistant, je rêve de créer une moto de conception nouvelle. Quand on est jeune et sans fortune, on rêve beaucoup, et le mien tournait autour d’une nouvelle conception de l’usage d’une moto de course où les pneus seraient d’une section plus importante et d’un profil bien rond, l’opposé des Dunlop “triangulaires” utilisés universellement a l’époque, qui permettrait un contrôle très different de la moto en courbes et au freinage.
Mon idée était que vu les limites de ces Dunlop ne permettant qu’un angle fixe pour avoir une adherence maximale, la largeur de la jante déterminait ce facteur, une plus étroite permettant un angle supérieur et vice-versa. Malheureusement une jante étroite permettait aussi au pneu de se tortiller latéralement, causant bien plus de problèmes d’instabilité, tandis qu’une plus large permettait un maintien latéral de la carcasse mais limitait l’angle possible.
J’ai commencé à penser qu’une moto très abaissée et utilisant des pneus de section plus importante et en demi-cercle, avec un pilote en position fixe (donc pas de “body english” ou de genoux dehors pour éviter un déséquilibre) pourrait glisser à volonté si la direction pouvait être très démultipliée et contrôlée d’une manière bien plus sensible qu’avec un guidon classique. Un système traditionnel transmet directement les réactions des roues et les contre-réactions amplifiées du pilote, ce qui provoque des réactions difficiles à contrôler car trop brutales, et des chutes. Pour cela, je pensais que la fourche télescopique traditionnelle devait être remplacée par une suspension du type automobile à triangles superposés offrant un contrôle supérieur a la torsion de l’ensemble et au changement de la chasse en accélération et au freinage.
Mon inspiration etait le travail realisé par Ray Amm sur sa Norton conçue en 1952, ou le pilote était en position fixe vu en section, ses jambes prisonnières de genouillères, alors que sa tete, torse et bras restaient mobiles sur un plan vertical, montant et descendant suivant les besoins de la résistance au freinage. Cette moto a prouve son efficacité avec Amm, mais il n’y a eu de suivi que sur les sidecars de competition qui eux, restent verticaux! Mes croquis simplistes (le seul ayant survécu date de 1968, voir ci-dessous) comprenaient des roues monobloc plus rigides que celles a rayons classiques (une vraie nouveauté à l’époque), une coque en aluminium encadrant un moteur porteur contribuant à sa rigidité et comprenant des réservoirs de carburant latéraux, tout en permettant aux échappements (bien plus légers que le carburant) de prendre l’emplacement du réservoir traditionnel, sous un faux réservoir dont l’intérieur serait recouvert d’isolant thermique. La coque comprendrait des genouillères, les commandes se retrouvant tout à l’arrière de la moto. La garde au sol restant la même que celle d’une moto traditionnelle, le dos du pilote se retrouverait plus de 30 centimètres plus bas, donc un rabaissement du centre de gravite assez conséquent. L’idée était de réduire l’angle nécessaire pour virer en faisant glisser l’arrière de la moto comme une moto de Speedway, mais sans l’incliner beaucoup. Une vraie nouveauté etait la disparition des amortisseurs arriéres, car je pensais a une suspension a amortisseur unique et palonnier, réduisant le poids non suspendu et permettant un ajustement raffiné avec un amortisseur Armstrong réglable en rebond comme utilisé sur les voitures de compétition a l’epoque. Le meme type d’amortisseur se retrouvait a l’avant.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les rêves, c’est beau mais sans capitaux, assez durs à réaliser et en 1970, je suis devenu “réfugié économique” aux USA, où mes problèmes de survie ont été resolus assez rapidement vu les opportunités disponibles à l’époque. De 1970 à 1973, je n’ai que peu suivi la transformation et l’importance croissante de la course en France et sur le Continental Circus, car j’etais devenu champion en… slot cars, ces voitures electriques roulant sur pistes geantes en bois. La, j’ai developpé de nouveaux types de chassis, un aérodynamisme avancé et un nouveau systeme de controle. Puis au milieu de 1973, j’ai acheté une Yamaha TA125 neuve et un ami m’a confie une TD2 apparemment en bon état. J’ai commencé à courir dans les deux catégories dans les clubs Californiens, l’AFM (de qui sont sortis pas mal de champions Américains qui ont ensuite atterri en Europe, comme Roberts, Mamola, Spencer, Baldwin etc.) le CMC etc. Beaucoup de succès en 125 cm³, beaucoup moins en 250 ou la moto cassait tout le temps et m’a fichu par terre de temps en temps quand elle serrait violemment. En fait le proprio la réglait toujours trop pauvre et le moindre changement d’humidité dans l’air posait des problèmes et elle perçait des pistons un peu trop souvent. Finalement j’ai abandonné la 250 pour me consacrer aux 125 cm³, une catégorie des plus disputées dans les états du sud-ouest, avec quelques sorties en 50 cm³ sur des machines Italiennes (Villa, Ringhini…) prêtées par des amis.
Pendant ce temps-là et entre mes occupations d’ingénieur dans une compagnie de jouets très connue aux USA, et celles a All-American Racers, la compagnie de Dan Gurney ou j’étais en charge de dessiner et d’appliquer les couleurs sur les voitures de course Eagle, je continuais à penser à ma moto de rêve, maintenant en sketch avec le moteur Yamaha 4-cylindres de la fameuse et fantomatique GL750 de 1972, qui bien sûr n’a existé qu’à l’état de prototype (avant la TZ700). J’avais déjà pensé à une direction hydraulique et un simple bras oscillant avec direction dans le moyeu, technologie existant dans les années 1930 (voir en exemple, la Neracar), mais seulement appliquée en “direct”, sans la démultiplication nécessaire pour que mon idée fonctionne. Quelques croquis ont survécu, voir ci-dessous, mais tous les plans dimensionnes de tous ces projets ont disparu, sauf celui du chassis de la 250 cm3 experimentale.
Vu les progrès enregistrés à AAR sur ailes de profil très sophistiqué, je pensais ajouter des ailerons non sur le carénage à la MV, mais directement de chaque côté de la roue avant et avec un angle en dièdre pour générer une force d’appui en virage, puisqu’il était important pour moi de planter la roue avant avec force pour permettre un appui sur et un contrôle de la glissade de la roue arrière.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En 1973, le premier Grand Prix des USA en motocross était organisé par Bruce Cox et Gavin Trippe, et comme nous étions amis, ils m’ont demandé d’écrire un petit article illustré sur ma vision personnelle de la moto de Grand Prix du futur. J’ai fait quelques dessins en couleur qui résumaient quelques unes de mes idées, plus le dessin d’une suspension arrière à palonnier permettant d’ajuster la course et l’amortization tout en enlevant du poids non suspendu, puisque le seul amortisseur et son resort ne faisaient plus partie du bras oscillant, meme sa partie mobile. Ce dessin comportait aussi un frein a disque sur l’axe du bras oscillant, cet axe lui-meme partie integrale des carters moteurs, donc permettant une chaine a tension constante quelque soit l’angle du bras oscillant. Je pense que Harley-Macchi ont essayé ce systeme un peu plus tard ou un peu plus tot, je ne me rappelle plus.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une fois publié, il y a eu deux réactions, la première un contact de la part de Kawasaki, intéressé par mes idées pour produire une 250 de Grand Prix qui pourrait être une concurrente directe de laYamaha TZ qui venait juste de sortir, plus une 125 compé-client monocylindre “pour les debutants”. Je leur ai fait une série de croquis pour fournir de nouvelles idées, certaines qui seront retenues sur la KR250. La deuxième réaction était celle de Yamaha, qui reprit l’article et le publia en 1975 dans le Yamaha International Magazine en plusieurs langues dont l’Italien.
Quelques dessins pour Kawasaki ont survécu, en voici des échantillons:
La 250cc GP telle que je la voyais:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La 125 mono:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Discussions sur l'utilisation d'une coque type automobile:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Du reve pur:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En 1974 et avec des moyens toujours limités (mais quand meme superieurs a ceux que j’avais en France), comme j’étais loin d’être satisfait du comportement de la TA125, je me suis construit une petite moto basée sur des carters de Yamaha AS3, la fonderie d’un bloc cylindre LJM venant de France et modifié avec des chemises acier Américaines (LA Sleeve), des pots maison dont les cotes venaient de chez Yamaha sur les machines de l’usine (YZ623), une boîte 6 vitesses maison a partir de la 5 vitesses de la TA, le tout monté dans une partie-cycle personnelle avec amortisseurs très inclinés permettant une course plus importante et un meilleur contrôle de l’amortissement. Ces amortisseurs inclinés, fabriques spécialement par Mulholland, seront inspectés par Merv Wright, alors directeur du Suzuki Racing Team aux USA durant une visite a l’atelier de Bob Hansen, ou Hurley Wilvert et moi-meme travailllions sur nos motos. Merv etait trés curieux et voulait tout savoir sur le besoin de cette inclinaison, pas vue sur une moto depuis belle lurette, en fait depuis les Velocette dans les annees 1960. Ils seront ensuite vus chez Suzuki sur les TR750 de 1975. Coincidence? Une fourche Italienne Ceriani raccourcie et modifiée, un frein a disque maison en aluminium et tout un tas de petits details plus un aérodynamisme soigné ont rendu la bestiole extrêmement efficace. En 1975, après 2-3 courses de mise au point, elle a écumé les courses AFM pendant deux ans au grand dam des écuries semi-officielles Yamaha International (avec des twins a air comme celles utilisees en France par Thierry Tchernine) et Honda (qui arrivait avec des prototypes de la MT qui allaient bougrement vite) qui pourtant avaient des pilotes de talent non négligeable.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image](Cette moto existe toujours et a ete restaurée dans les ans 1990, et fait maintenant partie d’un musée a Los Angeles). Nous avions porté la puissance des 24 ch du moteur TA a pres de 30 ch. Mais à la fin de 1976, j’avais atteint ses limites et ai commencé à regarder ailleurs.
D’ou mon interét pour acquérir un moteur Morbidelli, pour construire une nouvelle moto qui refleterait des idées nouvelles. En 1977, j’ai fait un voyage en Italie pour aller étudier les possibilités. Une fois a Pesaro et sans rendez-vous, je me pointe chez Morbidelli et donne ma carte de visite a la dame dans le bureau a l’entrée de l’usine, qui me dit en un Anglais cassé que le boss est en conférence avec son distributeur Suedois. Je repond, “pas de probleme, je peux attendre.”, mais elle prend le telephone et met le patron au courant. Il se passe moins de 30 secondes et Giancarlo Morbidelli apparait avec le Suédois, et il a en main, le magazine Yamaha, et me demande en Italien si je suis l’auteur de l’article. Je suis assez etonné mais bien sur, acquiesce, et il me demande d’attendre quelques minutes. Il revient avec le Suédois qui servira d’interprete, car Morbidelli me fait comprendre qu’il ne parle vraiment qu’Italien…
Il me fait alors une offer de travailler pour lui, mais je ne peux accepter: je venais juste de me marrier et il aurait eté impensable pour ma nouvelle épouse de quitter les USA pour aller vivre en Italie. De nos jours elle hésiterait moins après les quelques voyages que nous avons fait la en 38 ans de mariage, amoureuse qu’elle est de l’art et de la musique Italienne de la Renaissance jusqu’au debut du 20eme siècle.
Giancarlo m’offre alors un contrat de consulting pour l’aider a progresser techniquement et lui fournir de nouvelles idées venant ‘de l’exterieur”, car il se retrouve sans technicien après la defection de Jorg Mueller, de Pier-Paolo Bianchi et du mecanicien Bonaventura chez Benelli-Armi.
Seulement en 2014, durant ma récente visite, ai-je pu comprendre ce qui s’etait vraiment passé:
-En 1974, Morbidelli avait engage Paolo Pileri comme pilote numero un pour remplacer Nieto, après des essais avec d'autres pilotes dont Ieva. Pileri avait fait cette course trés courageuse avec son omoplate fracturée, Paolo m’ayant dit qu’il hurlait a chaque freinage car cela diminuait la douleur. Giancarlo avait un respect immense pour Pileri. Pour deuxieme pilote, il avait engagé Bianchi, un petit jeune qui “allait fort” mais qui était aussi très ambitieux. Avec les nouvelles motos concues par Moeller, Morbidelli était certain de pouvoir battre les Yamaha officielles, et en fait ses motos n’ont fait qu’une bouchée des Yamaha, mettant fin a la domination des motos Japonaises dans la categorie pour bien des années a venir, car après les Morbidelli, il y eu MBA, Minarelli, Garelli, toutes basées sur le meme moteur en evolution. Il faudra attendre le bannissement des moteurs bicylindres pour que cette situation change au profit de Honda, puis Aprilia.
Pileri etait chargé de gagner le championnat du monde, pendant que Bianchi devait gagner le championnat Italien, aussi important pour Morbidelli que le mondial. Mais Bianchi ne voyait pas cet arrangement d’un bon oeil et malgre son contrat, essayera de gagner le titre en trichant sur la bonne foi de Pileri, un sujet loyal qui ne fera jamais d’entourloupette a Bianchi ou a Morbidelli dans les epreuves Italiennes. Bianchi a beaucoup changé de nos jours, et m’a expliqué qu’il regrettait maintenant ses actions de jeune stallion…
A la fin de 1977 et après un troisieme titre mondial en 125 cm3, il y a eu une dispute entre le Commendatore et Moeller, qui a ete renvoyé. Je n’ai jamais su exactement ce qui s’etait passé, mais Moeller a alors séduit Bianchi pour le suivre chez le Commendatore Minarelli, et le mecanicien Giancarlo Bonaventura qui lui, a carrément trahi son engagement et son contrat avec Morbidelli, car toute la technologie avancée developpée chez Morbidelli et donc, proprieté de la compagnie, a eté effectivement volée et tranferrée a MBA. C’est a ce moment que les motos clients, qui etaient appelées “Morbidelli-Benelli-Armi”, sont devenues “MBA”, la societé changeant de raison sociale tout en mettant la societé existante (Morbidelli-Benelli-Armi) en faillite technique, permettant d’eviter de payer la moindre royaltie a Morbidelli.
Pas bien propre tout cela, car Giancarlo Morbidelli est et a toujours eté un homme d’une honneteté morale impeccable, et une telle trahison était un coup de poignard dans son dos. Morbidelli aurait pu poursuivre en justice mais Giancarlo a preferé s’en garder.
Donc j’arrive au milieu de ce drame Italo-Germanique, et comme j’ai un peu de mal a comprendre ce que l’on veut de moi qui suis encore un peu vert pour etre dans un univers ou la politique creée par la presse était féroce, j’etudie les differentes machines qui etaient alignées au service course et après quelques jours, présente une proposition sur quatre niveaux:
1/ Création d’une nouvelle 125 beaucoup plus legere et mieux profile, suivant les recherches aérodynamiques de Bombardier (Can-Am) au Canada plus les decouvertes en 1972 chez All American Racers du fameux “Gurney flap” maintenant utilisé sur toute voiture de course moderne. Ce “flap” a pour mission de re-attacher les couches d’air en pleine turbulences bien plus pres de l’arriere du vehicule, reduisant la trainee aero dans des proportions elevees tout en produisant plus d’appui quand sur un plan horizontal. Le moteur deviendrait “porteur” pour une reduction du poids.
2/ Une nouvelle 250 experimentale utilisant une suspension avant anti-plongée naturelle accomplie par géometrie au lieu d’un blocage de fourche comme sur les motos Japonaises de l’epoque (ce plan sera modifié a la suite de l’abandon de la categorie 125, voir ci-dessous).
3/ Un chassis monocoque en aluminium/carbone pour la future 500 4 cylindres (l’idée sera transformée en simple chassis en tole d’aluminium soudée similaire a celui de la 250 Ossa)
4/ Creation d’une moto profile pour etablir de nouveaux records de vitesse pure, le but etant de depasser les 300 km/h avec un moteur de 125 cm3.
5/ Fournir des idées nouvelles pour developpement futur.
Pendant ce temps, Pileri et moi devenons amis, et Mario Lega est remplacé par Graziano Rossi, qui apparait comme étant d’un calme etonnant dans cette situation difficile, et semble trés interessé par tout progrés technique permettant d’aller de l’avant. Il n’y a plus que deux mécaniciens chez Morbidelli, Franco Dionigi qui fera un travail admirable avec Giancarlo Cecchini après le depart de Moeller, et un petit jeune dont je ne me rappelle plus le nom. D’autres seront engagés après mon retour aux USA.
Ma pomme et Paolo au service course en 1977:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je repart aux USA armé en plus d’une moto officielle pretée pour deux ans, pour remplacer mon bolide essoufflé, juste a temps car pendant ce temps, Honda a maintenant acquis les services de Jody Nicholas et de Mark Homchik equippés de MT speciales a refroidissement liquide et qui vont plutot vite. Ma Morbidelli étant un modele 1975 a 3 transfers d’environ 36-37 ch, fera quand meme la loi.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]36 ans plus tard, je remonte sur "ma" moto au musée:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je commence les dessins de la nouvelle 125 a cadre ultra-léger en tube d’aluminium, avec fourche a balancier et roues en aluminium dans un premier stage (voir ci-dessous), puis en fibre de carbone, ce qui etait vraiment trés nouveau a l’epoque. J’etais ami avec un ingenieur de chez Hercules (un pionnier du carbone, qui ont construit les premiers chassis aluminium/carbone pour McLaren), et il m’avait montré comment on pouvait former la fibre en deux pieces identiques a une époque ou le carbone etait utilisé “a plat”, les deux pieces collées et passées a l’autoclave. Ceci permettrait ensuite dans un deuxieme stage, l’utilisation du bord de jante comme disque de frein, réduisant le poids non suspendu (deja vu sur le Honda 50cc twin de 1965). Le réservoir se retrouvait sous la machine et derriere le moteur, les cylindres retournés permettant de passer les echappements sous un faux reservoir isolé et débouchant derriere la selle, les gaz d’echappement aidant a une réduction des turbulences sue l’arriere de la machine. Le carénage et la selle faisaient partie d’une étude en soufflerie a l’echelle 1/10eme, puis a l’echelle 1/1 realisée au California Institute of Technology (Caltech) sous un programme ou des étudiants construisirent un tunnel provisoire et le feront “tourner” avec un de leurs propres jeunes en place du pilote sur la machine prototype. Ces carénages et selles incorporaient les idees (prouvées en soufflerie et au lac salé a Bonneville) de Bombardier, plus les fameux “Gurney flap” sur toutes les bords des pieces. Les mains etaient aussi couvertes par les flancs de carenage, car les chiffres montraient qu’il y avait un gain serieux.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une page d'un numero de Motosprint publie en 1982 apres la "fin" des Morbidelli de competition:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une fois ceci terminé, Morbidelli nous fera savoir qu’ils abandonnaient la categorie 125 pour se consacrer aux 250, en partie parce qu’ils avaient déjà gagné 3 ans de suite et voulaient developper une 500 a 4 cylindres. Nous avons alors adapté les selles et carénages aux 250 et 350 Morbidelli, ce qui a eu deux effets benefiques:
1/ Réduction importante du “lift” permettant une plus grande confiance quand a la vitesse d’entrée en courbes (les anciens carénages levaient l’avant de la moto et faisaient glisser la roue avant, causant un survirage. Le chassis experimental de Bimota et leur carénage n’avaient pas résolu ce probleme, et Giancarlo Morbidelli m’a fait comprendre que son opinion est que c’etaient de beaux parleurs, mais les resultants n’etaient pas la).
2/ Réduction importante de la trainée aérodynamique, permettant sur circuits rapides, un rapport plus elevé et une vitesse de pointe de 8 a 10 km/h supérieure a celle obtenue precédemment.
Voici a quoi ressemblait la moto modifiee:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le resultat net était positif, demontré par la victoire decisive de Pileri sur la 250cc au Grand Prix de Belgique a Spa ou il termina a plus d’une minute devant Walter Villa sur la Harley-Macchi officielle et la Yamaha semi-usine de Franco Uncini, a une vitesse au tour de 8 secondes plus vite que l'année precédente. Il se permit aussi de battre les Yamaha officielles a Misano. Un petit moment de gloire pour moi!
Dans le meme temps, nous faisons un modele a l’échelle 1/5eme de la moto de records pour l’étude en soufflerie. Apres une étude “sur le ventre”, nous decidons de faire la moto avec position pilote “sur le dos”, une coque en sandwich balsa-aluminium en section “U” étant choisie. Les dessins et la maquette sont encore decorées aux couleurs de Morbidelli-Benelli-Armi, et sur les dessins envoyés en italie, Giancarlo s’est empressé d’enlever le nom “Benelli”! Le dessin couleurs existe toujours a Pesaro, et on voit bien la “modification” !
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La seule photo existante de la maquette est bien deteriorée...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]J’ai alors engagé les services de mon ami Hurley Wilvert, qui travaillait au service Research & Development chez Kawasaki, et ensemble nous avons concu une moto de technique avancée (considérant une fois de plus la limitation des pneus disponibles) avec les données suivantes comparées a la 250 de Mario Lega, championne du monde en 1977:
1/ Empattement allongé de 5 cm pour augmenter la stabilité en grandes courbes.
2/ Abaissement du moteur de 4 cms tout en le reculant de 4 cms pour charger la roue arriere.
3/ Renversement des cylindres (échappements sur l’arriere) pour monter le reservoir de carburant derriere le moteur, abaissant le CG considérablement, les pots passant maintenant par la selle.
4/ Conception d’une suspension avant anti plongée a bras oscillant et amortisseur unique, pivotant sur roulements Unibal. Le systeme en etait simple: l’axe partant de la “trace” formée par le point de contact du pneu jusqu’au centre de gravité de la moto avec pilote “relevé” au freinage, passait par l’axe du pivot du bras oscillant. Simple mais trés efficace.
Nous avons construit le chassis en secret, “after hours”, chez Kawasaki, tandis que pendant la journee Wilvert travaillait sur les KR250 qui finalement domineront le championnat mondial pendant 4 ans. Fabcar, une compagnie specialisée dans les voitures de competition en IMSA, fabriquera les pieces spéciales en aluminium, les deux reservoirs et autres pieces, pendant que Camber, qui faisait les carrosseries pour les Eagle Indianapolis feront les pieces en fibre de verre et Kevlar. Une fois terminé, j’ai envoyé le tout a Pesaro pour assemblage et fait le voyage une fois le container arrive. Cet assemblage nous a pris une semaine a 14 heures par jour. Une fois la moto terminée, Graziano Rossi est venue l’essayer d’abord “dans la rue” pour voir si l’anti-plongée fonctionnait bien (réponse, oui!), puis deux jours plus tard a Misano, ou la moto marchait bien sauf au freinage ou il se révela qu’il y avait besoin d’un renfort de “fourche” car la roue avant avait du shimmy, mais dans l’ensemble c’était assez prometteur, car on pouvait freiner fort et la suspension continuait a fonctionner normalement sans s’écraser et la moto s’inscrivait bien en courbes et etait tres stable.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Voici quelques photos de la moto maintenant restaurée au musée:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Toutefois et malgré le support de Morbidelli et de Rossi qui était et est toujours trés enthousiasmé par cette moto (il m’a vigoureusement defendu pendant notre diner a Tavullia le mois dernier contre des arguments de personnes présentes), la presse Italienne a commencé a se méler de l’affaire, expliquant que Giancarlo perdait son temps a s’amuser a des experiments “sans issue”, tandis qu’il était urgent de faire une nouvelle moto plus conventionnelle et fonctionnant “normalement”. Comme les mecaniciens fideles a Morbidelli étaient aussi sous pression de la part des journalistes specialisés, dés mon retour aux USA, il modifieront le chassis pour adapter une fourche traditionnelle et petit a petit, la moto experimentale se retrouva dépourvue de tous ses avantages techniques. Elle a maintenant eté restaurée et est au musée a Pesaro, sans toutefois une bonne partie de ses pieces d’origine. Voir photo ci-dessous.
Avec la moto modifiée, Rossi gagnera trois Grand Prix et se classera troisieme du championnat. Il était en mesure de le gagner mais un peu de malchance dont une chute lui coutera beaucoup.
Voici mon epouse faisant un "plat" sur la moto durant notre visite en Septembre:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Pendant ce temps, je fournissais a Morbidelli de nouvelles idées pour fabriquer la fameuse moto experimentale, le “Kneeler” (“genouillere”) a coque carbone, suspension de type automobile a triangles superposés de la meme largeur que les epaules du pilote et “fourche” dessinee comme un porte-moyeu de voiture, en fonderie de magnésium (on verra quelque chose de similaire plus tard chez Fior mais avec triangles plus etroits), direction hydraulique demultipliée et réglable, bras oscillant arriére en fonderie de magnésium et double chaine de transmission permettant une tension de chaine fixe quelque soit la position de la suspension arriere. Encore une fois il ne reste que peu de documents, voir ci-dessous. En 1982, Motosprint publiera quelques uns de croquis qui ont survécu a Pesaro, et Morbidelli m’a honoré en encadrant certains de ceux qui ont survécu sur l’historique de la marque au musée (voir ci-dessous)
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Celle ci incorpore un casque a becquet aerodynamique, je pense le premier a adresser le probleme du "lift".
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]On voit bien aussi la suspension avant avec triangles superposés et direction ajustable controlee par un maitre-cylindre et deux lignes hydrauliques.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La presse Italienne avait appelée ce sketch (a droite) "La Elf avec deux ans d'avance". C'est un peu rapide puisque la Elf, elle, a vraiment existée! En fait ce petit dessin avait été fait sur une nappe de restaurant a Pesaro durant un dejeuner avec Giancarlo... et il l'avait gardé!
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Nous avions meme pensé a des solutions bien plus radicales:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]D’autres idées seront explorées et en 1982, nous commencions a faire le planning de construction d'un prototype de la moto a "genouilleres", mais une “révolte” des employés de la fabrique de machine-outils, poussés par leur syndicat procommuniste (a l’Italienne bien sur!), forcera Giancarlo a arréter la course et a vendre ses 250 a Ad Majora qui ne fera pas grand chose avec. Toutefois et heureusement, la plupart des machines “usine” seront conservées ou rachetées par Morbidelli, en exposition d’abord dans le musée original en dessous de sa maison sur les collines de Pesaro, puis dans le nouveau musée au 33 Via Fermo après qu’il ait vendu son entreprise a une compagnie a Bologne tout en gardant l’un des buildings.
Mais la course moto était finie pour lui, Giancarlo s’occupant maintenant de la carriere automobile de son fils Gianni, qui ira jusqu’en Formule 1, conduisant meme une Ferrari en Australie après que Alain Prost ait refusé de la conduire sous une pluie battante. Gianni finira en 2eme position derriere Senna, il fallait quand meme le faire.
Une revanche sur MBA quand la compagnie deposera son bilan: Morbidelli etait présent a la vente aux enchéres et achetera a trés bas prix, des 125 et 250 MBA pour son musée…
Ma collaboration avec Morbidelli etait celle d'une recherche de solutions techniques qui permettraient a la moto de course de progresser. Mais la technologie des pneus a tout changé: mes idees n'étaient valables et possibles qui si les pneus ne progressaient pas! Donc, obsolescence d'une bonne partie de mes élucubrations.
Pendant des années, nous sommes resté trés amis, et pendant une de mes visites en 1989 il me fera cadeau d’une des 125 “usine” de 1975, avec le tout premier moteur de la generation Moeller, numero 001! Nous la gardons dans un musée privé a Los Angeles. En 1995, il viendra en visite aux USA en Californie avec son épouse et bien sur, nous passerons des journées a explorer les attractions locales, y compris un dejeuner a un restaurant Italien ou son épouse, revoltée par la qualité médiocre du repas, ira apprendre aux "Italiens" ( en fait, Mexicains!) officiant dans la cuisine, comment on fait de la VRAIE bouffe Italienne. C’etait assez rigolo…
En meme temps, nous revions toujours, et comme Gilera devait revenir a la course, et le patron etait pote avec Giancarlo, nous ressortirons le crayon une derniere fois, pour creer un projet de 125 cm3 snas chassis, ou le moteur est totalement porteur, et ou ma suspension a triangles, montee sur une piece en acier estampe, se boulonne directement sur ce moteur. Reservoir-cellule en souple, moteur a compresseur interne (apres tout, la FIM a l'epoque ne parlait que de compresseurs "ajoutes" aux moteurs), derriere un clapet. Ce moteur n'avait pas de lumiere d'echappement, celui ci se faisant par quatre soupapes radiales dans la chambre de combustion, commandees par des solenoides et un ordinateur avec sonde sur le vilebrequin. Roues carbone, frein avant incorporee dans le porte moyeu.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Giancarlo Morbidelli a maintenant 80 ans, et il est toujours trés actif et totalement dedié a son musée et les restaurations de motos, surtout les Benelli de course des années 1950. Malheureusement, un accident en Afrique durant un safari ou il a ete piqué derriere une oreille par un insecte apparemment assez vicieux a forcé une opération chirurgicale qui lui a enlevé une patie du cerveau et une bonne partie de ses cellules de memoires. Le résultat est qu’il ne pourra pas finir le projet du V12 commencé en collaboration avec Honda. Ce projet etait tres avancé, et il est possible que son fils le termine, mais il faudra faire du “reverse engineering”.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]A Tavullia en Septembre au Fan Club Valentino Rossi, avec Giancarlo et Pier-Paolo Bianchi:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un grand honneur pour moi, Graziano Rossi m'introduit au public avant la projection du documentaire sur l'histoire de Morbidelli, la veille du MotoGP a Misano, avec Jeffrey Zani et Pier-Paolo:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Avec Jeffrey Zani et Giancarlo Morbidelli:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Paolo Pileri est maintenant disparu, Pier-Paolo Bianchi est toujours passionné de moto et on le voit souvent dans des manifestations, et il n’est plus le jeune anxieux et un peu trop ambitieux qu’il était, mais toutefois, malgré qu’il ait fait sa paix avec Giancarlo, on sent qu’il y a encore de la tension dans l’air, et il semble qu’il n’est pas admis a la meme table dans un restaurant…
Mario Lega n’est plus beaucoup interessé a la moto mais est trés actif sur Facebook. Quand a Graziano, il a eté le meilleur pere possible pour son fils prodige, qui le lui a rendu en devenant l’un des tous grands dans l’histoire de la course motocycliste.
Quand a Moeller, qui a prouvé etre l’un des génies principaux du developpement non seulement du moteur 2 temps mais aussi de la métallurgie necessaire a sa fiabilité, on le voit de temps en temps dans des manifestations historiques, mais je pense qu’il n’est pas exactement le bienvenu dans certains quartiers de Pesaro.
Giancarlo Morbidelli me laisse le souvenir d’un homme d'une modestie remarquable comparée a ses accomplissements, d'une génerosité et d'une authenticité étonnantes qui commandent un respect immediat, et a la passion jamais diminuée au fil des ans. Mon association et amitié avec cet homme est l'une des grandes fiertés de ma vie.