DANIEL ROUGE Pilote/Reporter son histoire

Depuis ma naissance l'air était parfumé au effluves de ricins brûlé, réflexe conditionné dés que je sens cette odeur, j'ai envie de mettre la poignée dans le coin .
MOTUL avait aromatisé la Century avec du ricin synthétique.

Je constate que nous sommes quelques-uns  à avoir été vaccinés au ricin dès notre plus jeune âge.
Et qu'il n'y a pas besoin de "rappel", ça fonctionne toujours plusieurs dizaines d'années plus tard.
Même si aujourdhui on n'en respire bien plus rarement.

Par les nostalgiques des "cylindres à trous", il existe des bougies d'ambiance qui sentent le 2 temps (mais pas le ricin)

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Daniel, désolé de "polluer ",ton sujet, toujours très passionnant
Mais je ne résiste pas au plaisir de dire une ânerie...

Daniel, je n'interviens pas mais je me délecte...

Le nombre de vues du sujet confirme qu'on est assez nombreux à se délecter.

Pour le parfum du ricin chauffé ( car il est dur à cramer) il y avait les motos à la Castrol R30 ( 4T) et aussi les micros moteurs d'avion qui carburaient au méthanol additionné de 20 % mini d'huile de ricin ( pas de chez Castrol, de la pure je pense), bonjour le nettoyage des ailes du taxi à l'alcool avec cette pège.
Bien entendu les autos aussi en utilisaient en circuit et courses de côtes.
Dan

Je ne suis pas resté longtemps chez Jean Souper ; je l'ai quitté pour rejoindre le clan Murit où les conditions de travail étaient plus avantageuses. Avec l'arrivée des constructeurs japonais, le marché était en pleine expansion, et Jean Murit en avait profité pour abandonner ses vieux locaux de la rue Paul-Barruel pour un atelier sur trois niveaux rue Lacordaire, le long de l'hôpital Boucicaut, toujours dans le 15ème arrondissement de Paris. Il y avait là une équipe assez extraordinaire : le patron, tout d'abord, ancien champion de sidecar, et Paulette qui, sous ses airs de "patronne", était aussi adorable que son mari ; et puis René Lecaplain, qui courait en side, Robert Assante, qui courait en solo, et Marc, et Miguel,  sans oublier Lucien Bastide, qui construisait là les derniers sidecars "Précision", ni Georges Prichard alias Jojo la bielle qui, à l'aide d'un matériel antédiluvien, faisait des merveilles avec tous les vilebrequins qui lui passaient entre les mains. Il avait notamment taillé dans un bloc de titane une magnifique bielle nervurée pour la G 50 de Jack Findlay.
Tout s'imbriquait alors : le boulot "alimentaire" qui occupait mes journées, la préparation de la Bultaco qui mangeait une partie de mes nuits, en alternance avec les papiers pour "les Motards". Jean Pierre Drexler m'avait en effet demandé de lui fournir pour chaque numéro une petite chronique, un "papier d'humeur" que j'avais intitulé "Au travers de la Bulle".
La première sortie de la Bul eut lieu sur le "routier" de Montlhéry, à l'occasion de la séance d'entrainement du MCF dont j'ai déjà parlé. La moto était quasiment neuve, et même mieux que neuve tant le niveau de préparation assuré par Bernard Fargues était élevé : peinture epoxy pour le cadre, une technique avancée pour l'époque, et qui remplaçait avantageusement la peinture espagnole d'origine qui avait une fâcheuse tendance à se dissoudre à l'essence... Frein avant Oldani, amortisseurs Ceriani, et pour le moteur, Bernard avait sorti le grand jeu : carters neufs, vilebrequin neuf, piston neuf, et la machine m'avait été livrée avec deux Dunlop "triangulaires" neufs ! Mais comme la moto n'était pas encore finie de payer, j'étais un peu crispé avant de prendre la piste.
Le premier tour fut donc effectué plutôt calmement, tout d'abord pour m'accoutumer à la boîte 6 vitesses, ensuite pour me remémorer le tracé du routier sur lequel je n'avais plus roulé depuis trois ans, lors de la séance d'entrainement avec la Terrot à l'issue de laquelle j'avais rencontré Jean Pierre Beltoise. Et après un passage tranquille aux "Deux Ponts", j'attaquai un deuxième tour, qui ne fur jamais bouclé : à la sortie de la cuvette de "Couard", un bruit curieux côté gauche du moteur, puis plus rien... Roue libre jusqu'à la bretelle en haut de la côte Lapize, puis, à l'arrêt, une vitesse enclenchée, de petits allers-retours pour tenter de situer le problème : toc dans un sens, clonc dans l'autre, bizarre, voire franchement suspect. Il ne me restait plus que trois bons kilomètres à pousser avant de rejoindre les Deux Ponts.
Je venais juste de sortir du "S des Gendarmes" qu'une bécane faisant un raffut épouvantable s'arrête à côté de moi, une 305 Honda bricolée avec des mégaphones largement ouverts ; le gars me hurle "accroche-toi à mon dosseret, je vais te tirer". A peine agrippé, il embraye et commence à monter ses rapports comme si je n'étais pas là, et j'avais l'impression de voir mon bras gauche s'allonger un peu plus à chaque fois qu'il passait une vitesse... En vue des Deux Ponts, je lâche le dosseret pour redonner à mon bras une longueur normale, le gars se retourne, me fait un petit signe de la main, et repart s'amuser sur  le circuit. Je venais de faire la connaissance de Michel Rougerie.
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Première sortie avec la Bultaco ex-Auréal : un peu crispé, prémonition ? (Photo A. Adelheim)

Quand la panne ne s'est pas traduite par un bruit effrayant, et qu'en s'arrêtant, on ne voit pas le jour au travers des carters, il y a toujours l'espoir que la casse soit bénigne, et réparable sur place pour pouvoir reprendre la piste rapidement. Surprise : en ouvrant le carter gauche, le volant de l'allumage Femsa me tombe sur les pieds ! Ecrou desserré ? Hélas non : queue de vilebrequin cassée, une paille superbe... Et cette casse allait me priver non seulement de cette séance d'entraînement d'avant-saison, mais également me laisser sur la touche pendant plusieurs semaines, le temps de regarnir l'escarcelle afin de faire venir un vilo neuf de San Adrian de Besos.
Cela me laissait un peu de temps libre pour donner un coup de main à mon copain Pierre Blosser. Malgré son titre de champion de France national acquis au guidon de son Ala Verde, il n'avait pas pu trouver place dans l'écurie officielle Aermacchi de Pierre Borie qui disposait déjà de deux pilotes, Jean Auréal et Jean Claude Costeux. "Moustique" avait donc fait l'acquisition de la Kawasaki A1R d'Alain Barbaroux, et à l'occasion, je lui servais de mécano.


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Critérium du Mans : un peu de mécanique pour Pierre Blosser et sa ( ? )



J'avais pu récupérer un vilebrequin et remonter à temps pour participer aux Coupes Eugène-Mauve où la Bultaco allait entamer une longue carrière de mangeuse de pistons...


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Montlhéry : un premier piston, et ce n'est pas fini... (Photo A. Rouge)

Merci Daniel.

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Tiens, une autre photo de la Bul-à-eau préparée par Bernard Fargues pour les Coupes Eugène Mauve de 1968 :

"Bul-à-eau", on peut le dire... Car outre un vilebrequin et déjà une paire de pistons, la coquine allait encore me sortir quelques sorcelleries de son sac à malices !
La course suivante était prévue sur le circuit de Nogaro : enfin aller prendre l'air loin du plateau de Saint Eutrope et de son vieil autodrome...
Faute de disposer d'un atelier, la moto était préparée dans un box faisant partie d'un immeuble complet de places de parking et de boxes, sis entre la place Gambetta et le cimetière du Père Lachaise. Bien entendu, on n'était pas censés faire autre chose que de remiser du matériel dans ces boxes, et quoique travaillant nuitamment et ayant soigneusement calfeutré la porte avec nombre de vieux chiffons pour ne pas laisser filtrer la lumière, le gardien avait éventé la combine et nous avait laissé comprendre que, moyennant un petit quelque chose, il pourrait fermer les yeux... et les oreilles. Car deux étages plus haut, André Luc Apietto qui n'avait pas encore son magasin mécaniquait de même, et lui ou Roger son mécano, ne se gênaient pas pour démarrer la Manx en fin de remontage. Dans l'immeuble tout en béton, ça devait bien valoir un concert des "Tambours du Bronx", mais les voisins du Père Lachaise ne se sont jamais plaints...
Avec Blosser, nous avions récupéré la veille remorque de l'écurie JPB, que "Moustique" attelait derrière le break Ami 6 de son père. Dans un tel équipage, et pratiquement sans autoroute, les sept cents et quelques kilomètres du trajet avaient paru interminables, d'autant que la pluie ne nous avait pratiquement pas lâchés du départ jusqu'à l'arrivée. Au point qu'en descendant la Bultaco de la remorque, une large giclée d'eau jaillit du pot de détente. La Kawa A1R de Blosser n'avait pas été victime du même phénomène, sans doute une différence d'inclinaison des tubes de fuite...
A tout hasard, contrôle du niveau dans le radiateur : vide ! J'avais pourtant fait le plein avant de partir de Paris !? Nouveau remplissage, mais le niveau ne montait pas vite et j'eus vite versé plus que les 4 litres que contenait le circuit. Et en levant la roue avant de la moto, nouveau déversement du pot de détente... Démontage : la petite culasse, pourtant soigneusement serrée à la clé dynamométrique, présentait une large fente ; elle avait cassé sur la remorque pendant le trajet Paris-Nogaro ! Et en 1968 pas question de trouver à la ressouder à Nogaro ou dans les environs... Encore un coup pour rien ! Mais j'avais commencé à perdre confiance dans la qualité des pièces d'origine, et cette culasse serait par la suite remplacée par une taillée dans la masse.

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Encore de la mécanique, et pas toujours avec le sourire ! (Photo Micou)

oh Daniel ça c'est la routine, juste un changement de bougie ...
elle est géniale cette image que le migou ne m'a jamais montrée

Ah, euh, aussi, pour les étourdis et les lourdauds (je suis des deux lots), ce Nogaro survolé, c'est bien celui du 6 avril 1969, Daniel, hein ?

En regardant le compteur de vues des sujets on voit vite ceux qui passionnent.
Et en plus avec des images d'époque 100 % pur beurre, on attend la suite avec envie.

Salut daniel
te souviens tu de notre premiere rencontre.c'etait au retour de la course d'inauguration du bugatti,ou j'avais cassé la bielle de ma bultaco (etonnant non).A l'iniative de jean et bernard halte a Conneré pour casser la croute ,tu etais la ,avec ton frére.trés bonne soirée ,les gosiers etaient en fortes pentes.a l'epoque,rouler bourré etait admis,enfin tout le monde est rentré sans problémes.
J'ai perdu le souvenir de ta Bultaco,c'etait des merdes ! tout au moins les tss.je me suis ruiné avec cette moto,je pense que les controles de qualité n'existaient pas.avec de la chance l'on pouvait en avoir une montée avec des pieces conformes.il semble que les choses se sont ameliorées par la suite

D'après ce que je lis et entend depuis des années cette marque était loin d'être fiable.
Pour ce qui est de la culasse fêlée j'avais déjà entendu ce genre de problème, quand au serrage intempestif il fallait être argenté et courageux pour acheter cette marque.

Pour ce qui est du Nogaro très (trop ?) humide, j'avoue mon incertitude entre 1968 et 1969 ; mais une année sur dix sept milliard depuis le big bang, le pourcentage est infinitésimal, et j'ose espérer que nul ne m'en tiendra rigueur...
Quant à la course d'ouverture du circuit Bugatti, c'était en octobre 1965. Je n'étais pas en piste à cette occasion, l'épreuve étant classée "inter" alors que je n'étais que "national". Mais j'étais venu au Mans pour apporter la Bultaco de Patrick Depailler, alors militaire, et lui donner un coup de main.
Le tracé "Bugatti" venait juste d'être achevé. Il utilisait les infrastructures du grand circuit des 24 Heures auto (stands et tribunes) et une partie de son tracé : la ligne droite des stands, la grande courbe Dunlop, la descente vers le Tertre rouge qu'il quittait par une épingle dite de La Chappelle. Venaient ensuite les virages du Musée, du Garage Vert, la grande courbe du Chemin aux Boeufs, puis le S Bleu, et la partie "Bugatti" rejoignait enfin le grand circuit par l'épingle dite du Raccordement.
Pour autant qu'il m'en souvienne, cette première course moto sur le Bugatti, réservée aux 250 cm3, avait été remportée par Guyula Marsowski devant Jean Claude Guénard, tous deux sur Bultaco (à vérifier dans les archives, rares : dans un dossier de presse relativement récent, même l'ACO semblait avoir perdu le souvenir de cette épreuve !).
L'étape de retour à Connéré avait effectivement été très joyeuse, emmenée par Fargues et Auréal qui avait couru avec sa 125 efficacement réalésée  d'un grand coup de vénilia adhésif vert...

sa 125 efficacement réalésée  d'un grand coup de vénilia adhésif vert...[/quote]


cette métaphore là, elle relève du sublime !

rackhamzeraid a écrit:

Pour autant qu'il m'en souvienne, cette première course moto sur le Bugatti, réservée aux 250 cm3, avait été remportée par Guyula Marsowski devant Jean Claude Guénard, tous deux sur Bultaco (à vérifier dans les archives, rares : dans un dossier de presse relativement récent, même l'ACO semblait avoir perdu le souvenir de cette épreuve !).

..... et Alain Barbaroux troisième. Un prétexte pour signaler à ceux qui ne le connaîtraient pas encore l'irremplacable site du regretté Vincent Glon, la ressource sans aucun doute la plus complète et la plus fiable ( à 99,5 %) sur internet (avec le site de Sidonie pour les Grand Prix, naturellement)

Pour l'année 1965 par exemple : http://racingmemo.free.fr/M%20FRANCE/MOTO%20FRANCE%201965.htm

Ça donnait ça, cette inauguration du 24 octobre 1965 :

250cc : 20 tours ← 88,44 km 1. Gyula Marsovszky CH (Bultaco) 44’ 13” 9, 119,968 km/h, 2. Jean-Claude Guénard F (Bultaco) à 25” 6, 3. Alain Barbaroux F (Aermacchi) à 1’ 7”, 4. Kevin Cass AUS (Cotton), 5. Jean Auréal F (Bultaco) [p-ê à 1 tour, M-R lui donne 45’ 17” 7, moins que Cass], « etc. »
(M-R) Marsovszky s’impose sans peine mais la 2e place est l’objet d’une violente lutte entre Guénard et Barbaroux, ce dernier semblant devoir l’emporter lorsque, au dernier tour, le bris de son câble de gaz donnait la 2e place à Guénard. Cette 2e épreuve du championnat 1966 [!] est fatale à pas mal de supposés protagonistes : Lhéraud s’arrête au T3 alors qu’il était 4e, Depailler abandonne (boîte de vitesse) après avoir fait le meilleur temps aux essais, et Vigreux ne partit pas, faute de machine.

Side-cars : 20 tours ← 88,44 km 1. Otto Kölle / Heinz Marquardt D (BMW) 46’ 35” 9, 113,875 km/h, 2. Barry Thompson / Richard Bradley AUS (BMW) à 42” 5, 3. Harald Wohlfart / Rolf Kappe D (BMW) à 1’ 34” 7, 4. John Tickle / Mrs Cathy Tickle GB (Norton), 5. Bill Boswerger / Jack Mawby AUS/GB (Norton) à 1 tour, 6. Joseph Duhem / François Fernandez F (BMW) à 2 tours, « etc. »
(M-R) « Nette supériorité d’Otto Kölle » [ou plutôt « Kolle » comme l’écrit M-R – M-R qui comme à sa funeste habitude ne donne aucun passager]. Rien d’autre.

bubu a écrit:

sa 125 efficacement réalésée  d'un grand coup de vénilia adhésif vert...

cette métaphore là, elle relève du sublime ! [/quote]

 Tout à fait !

11 mots, dont la (très) subtile et sibylline association suggère plus qu'elle ne révèle.
Une grande latitude est laissée au lecteur, dont l'imaginaire se nourrira diversement de l'information selon son niveau de connaissances mécaniques, complotistes, ou des pratiques en vogue dans les paddocks.
Quand la nature ou la fortune n'a pas doté sa machine d'un piston aussi gros que ses ambitions, il reste au pilote "imaginatif" le vénilia adhésif vert.

PS : il s'est dit que le vénilia adhésif vert pouvait également suppléer à un piston trop gros ... Mais ceci est une autre histoire.
Le vénilia adhésif vert, "l'outil" à toujours emporter avec soi en plus de sa servante d'atelier, bien sûr.

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le vert et le jaune, Mykeul, les deux étaient indispensables, le bleu était facultatif, quoique pas tant que ça - et l'alliance vert jaune ça fait des traces ....

Et il se dit que du temps des TZ, le venilia adhésif vert aurait même eu le pouvoir d’améliorer une place sur la grille en 250. C’était vraiment le truc à avoir dans sa caisse à outil !