En attendant, la traditionnelle présentation du GP, je me permets une petite disgression touristique...
Pour aller à Jerez, vous pouvez soit suivre le rythme de la majorité des journalistes en prenant le vol Paris-Séville du jeudi soir puis en parcourant les 80 kilomètres d'autoroute qui séparent l'aéroport andalou du circuit en une cinquante de minutes, soit vous pouvez partir plus tôt dans la journée pour découvrir un peu la région.
C'est ainsi que je me retrouve à 8 heures du matin à Orly.
Après deux heures et demi de vol, c'est l'arrivée à Séville et son petit aéroport au toit en jolies tuiles bleues vernissées.
Ayant déjà travaillé dans cette ville, je préfère explorer le delta du Guadalquivir; contournement de la ville puis quelques kilomètres après la sortie de celle-ci, prendre la direction "Isla menor", une zone industrielle à priori très peu touristique.
Juste avant d'entrer dans la zone, il y a une toute petite route sur la gauche, repérée sur ViaMichelin...
A partir de là, ATTENTION: durant les 5 heures et demi nécessaires de
route piste pour faire la centaine de kilomètres de ce trajet, je ne verrai absolument PERSONNE; si vous avez des propensions à faire des crises d'angoisse, abstenez-vous et prenez l’autoroute!
Je me retrouve donc rapidement seul avec ma monture, une pimpante Ford Ka de location, qui a bien fière allure au milieux des orangeraies qui bordent la petite route en bon état.
Les dix premiers kilomètres offrent un paysage bien caractéristique; à gauche de la route, les orangeraies, à droite, le Guadalquivir, un très large fleuve dont l'aspect boueux retire toute velléité de baignade...
En fait, quand je dis que je suis seul, c'est un mensonge car je m'aperçois que je suis constamment sous surveillance depuis les lignes haute-tensions qui alimentent la zone industrielle entre-aperçue auparavant...
Les orangeraies laissent peu à peu place à une zone semi-désertique, semi-marécageuse; c'est cette région qui s'appelle 'Isla menor" à proprement dit.
Les marécages se transforment rapidement en rizières s'étendant à perte de vue...
Au milieu des champs immergés, semblant directement surgir de "La mort aux trousses", un avion d’épandage est en train de cuire au soleil...
A droite de la route, le Guadalquivir est toujours là, chargé d'alluvions.
On y pêche avec des petits bateaux mais des grands filets...
Encore quelques kilomètres et je tombe sur le quartier général des "observateurs": un lieu hors du temps et de l'espace qui vous projette au fin fond d'un Western mexicain!
Impressionnant, d'autant que je suis à plus d'une heure de toute présence humaine...
Un peu plus loin, une autre église abandonnée marque la fin de la route.
A ce moment, un léger m'envahit; bien qu'ayant étudié autant que possible la carte Michelin, je ne suis pas sûr du tout que la piste qui commence aboutisse à un endroit civilisé qui me conduise à Jerez.
De plus, le réseau téléphonique a disparu depuis bien longtemps; pas question d'appeler à l'aide l'équipe qui doit commencer à m'attendre sur le circuit espagnol!
D'un autre côté, cela fait maintenant presque deux heures que je roule et je n'ai pas envie de faire le chemin en sens inverse...
La piste se détériore à vue d'oeil.
Ma petite Ford Ka est bien vaillante mais ses dessous bronchent parfois en franchissant les nids de
poule dinosaures qui parsèment une piste se rétrécissant de plus en plus; séquence "suis-je vraiment intelligent?"
Un peu plus tard, elle se remplit progressivement d'une sorte de Fech-Fech jaune; il faudra que je me rappelle de la rendre la nuit à l'agence...
L'endroit est vraiment sauvage et ses habitants semblent déconcertés par ma présence...
En cas de problème majeur, on peut toujours essayer d'appeler à l'aide les gros navires qui entrent dans le delta du fleuve...
Enfin, après plus de cinq heures de silence et d'isolement total, j'arrive à une preuve flagrante de civilisation; une interdiction de passer!
Evidemment, je préfère argumenter avec d'éventuels gardes que de faire machine arrière...
Je parcours donc les salines sans m'arrêter.
Immédiatement après, je débouche sur des filets, des pêcheurs, des maisons et des voitures; je crois me souvenir que ça s'appelle un village!
Voilà, à partir de là, l'aventure est terminée, et il est temps de retrouver un spectacle bruyant à l'opposé de ce que je viens de vivre...
Si un jour vous avez l'occasion d'aller à Jerez, et que vous n'êtes pas pressés, stressés, tendus, en retard, pensez à cette petite possibilité de se retrouver seul face à la nature pendant quelques heures... c'est assez rare, de nos jours.