Ce week-end, j'ai rencontré un héros. Lors de cette première du championnat FSBK, au
Mans, les pilotes n’ont pas démérité, au contraire, tellement les conditions météorologiques étaient peu propices à la compétition moto, les pneus offrant des performances proches de celle d'une savonnette…… quand ils ne cassaient tout simplement pas au montage ou, pire, au roulage, à cause du froid glacial!
Vous avez dit « dangereux » ?
En
Supersport, par exemple,
Nico Salchaud, le gendre idéal, tête de beau gosse, parle et écrit bien, remporte le Promosport 2012 et domine directement toutes les séances du Supersport 2013, devant les habitués de la catégorie.
Mais il n’est pas mon héros, tout comme ne le sont pas
Lucas Mahias qui impose sa surprenante MV Agusta en deuxième position, ni
Valentin Debise qui part 20ème avec un pied cassé et termine sur le podium après avoir serré les dents durant toute la course.
Lucas et Valentin, on les connait ; capables d’authentiques exploits dans des conditions difficiles; des durs au mal.
D’ailleurs, si j’ai bonne mémoire, ce dernier nous avait déjà fait le coup de la remontée météorique l’année dernière, sur le même circuit, (celui des stickers de pneus également) avec un pied cassé en moins, il est vrai.
Et que dire d'un
Kévin Longearet, aux touts premiers postes pour sa première participation en FSBK, avant de casser une bielle en course, ou d'un
Jordan Levy, galérant comme un débutant après un titre de champion de France en 2011?
Mais aucun des deux n’est mon héros du week-end pour autant.
Tout comme, en
Moto3, ne l’est pas
Jules Danilo, seul véritable opposant au toujours jovial
Livio Loi.
Le jeune Belge (très jeune, trop jeune même, pour faire le début de saison de GP) à des raisons de sourire. Il reçoit tout l’appui de la puissante structure du Marc VDS et, à l’image d’un Marquez, sa voie semble toute tracée jusqu’en MotoGP.
Jules connaît bien Livio. Non seulement, ils sont en contact en ce moment car ils roulent sur (presque) la même moto et reçoit des informations, voire prochainement des pièces du Marc VDS, mais surtout, ils ont couru l’un contre l’autre dans le passé.
Et Jules a toujours fini devant Livio, comme il l’a également fait ce dimanche matin lors du warm-up, qui faisait figure de véritable étalonnage puisque toutes les séances qualificatives ont été annulées. Et Jules aurait également pu gagner cette course puisqu’il avait réussi à se porter en tête à quelques tours de la fin, avant de commettre une toute petite erreur (accélération un "chouille" trop tôt sur l’angle déclenchant le rupteur et permettant à Livio de passer dans la ligne droite).
Il est vrai un peu handicapé par un pot visiblement monté trop horizontalement (le pot frottait, cela s'entendait), Livio a fait, après la course, une déclaration qui manquait quelque peu de modestie, sans doute dictée par son attaché de presse.
Pas bien grave ; Jules a montré qu’il avait au moins le niveau de Livio, ce qui lui ouvre immédiatement une wild card au GP de France et sans doute plus dans l’avenir.
Mais il n’est pas mon héros du week-end, tout comme ne le sont pas le sympathique
Juanfran Guevara qui finit troisième avec sa moto du CIP complètement stock , le malheureux
Enzo Boulom, infortunée victime d’un accrochage dans le premier tour alors que, lui aussi, aurait pu monter sur le podium, le très jeune
Corentin Perolari (drapeau noir et abandon, mais qu'on ne s'y trompe pas; lui et son team occuperont les premiers plans cette année!) ou le consistant
Christophe Arciero qui a un peu souffert de la mise au point tardive de sa très belle Suter.
Juanfran Guevara
Christophe Arciero
Soupe à la grimace pour Corentin Perolari
Enzo Boulom
Et comment passer sous silence le style de
Karl Croix?
Mon héros n’est pas non-plus
Julien Dacosta qui, en
Superbike, semble pouvoir changer de moto comme de chaussettes et continuer à s’imposer comme si de rien n’était, à la plus grande joie du LMS Junior team de
Damien Saulnier et de l’ensemble du "staff" Suzuki présent sur le circuit (François Eterlé, Dominique Méliand , etc).
Cette fois, ce fût devant un
Grégory Leblanc très énervé du manque de grip de sa verte monture chaussée de pneus italiens et un
Etienne Masson content de compléter le podium d'une catégorie exceptionnellement fournie; pas moins de 35 motos sur la grille!
Julien Dacosta
Grégory Leblanc
Etienne Masson
Et mon héros ne fait pas partie du
Pirelli 600 où, pourtant, la lutte fut chaude avant que
Morgan Berchet ne s’impose sur la plus haute marche du podium devant les bouillants
Hugo Clere et
Maxime Cudeville.
Morgan Berchet
Hugo Clère
Maxime Cudeville
A propose de mérite, on peut saluer la très belle cinquième place d’
Erwan Quellet qui fait tout lui-même ; pilotage, structure, et même la très jolie décoration de sa moto!
Erwan Quellet
Alors, qui est mon héros?
Louis Rossi, venu en voisin et avec lequel j'ai passé un bon moment?
Que nenni!
Non, aucun de ces pilotes n’est mon héros du week-end, pas plus d’ailleurs que tous les teams managers qui ont dû gérer les multiples reports successifs et ont bien cru que, finalement, tout allait être annulé alors qu’il semble évident que les budgets 2013 sont encore plus restreints que leurs homologues de l’année passée.
Finalement, les courses ont bien pu avoir lieu, in-extremis, mais rien n’a été épargné aux organisateurs ; froid, pluie, givre et neige !
Gérer cela en temps réel, sans mettre en danger les pilotes et sans annuler le week-end a demandé une responsabilité et une expérience certaine ; bravo à l’
ACO et à la
FFM !
Alors, ce sont donc eux mes héros du week-end ?
Non. Désolé.
Mon héros est un autre passionné de course moto. Il a les yeux pâles, le cheveu blanc et un très beau sourire accroché aux lèvres.
Ce sourire n’est ni forcé, ni de convenance ; il est le fruit d’une authentique joie de vivre, au sens premier de l’expression.
Sans rentrer dans les détails médicaux, en début de semaine, cet homme qui a déjà fait deux infarctus se sent mal et appelle les pompiers.
Au bout de deux heures durant lesquelles, de ses propres dires, il voit défiler sa vie et s’assure qu’il peut partir en paix, c’est l’arrêt cardiaque, dans le véhicule des secouristes.
Combien de temps ? Suffisamment pour que, en ouvrant les yeux, il lise dans ceux du pompier qui lui caresse la joue, que, cette fois, cela aurait dû être «la bonne ».
Pas la peine de parler, un regard suffit pour comprendre et arrêter le temps. Puis, soudainement, c'est le retour à la conscience de l'environnement et la frénétique activité autour d'un cas gravissime; sirène, urgences, médecins et opération, lundi dernier...
Cet homme connaît tout le monde mais la réciproque est un peu moins vraie.
Du moins en partie ; vous connaissez tous sa voix, qui vous accompagne durant chaque week-end de course, à travers le son nasillard des haut-parleurs du circuit.
Et, ce dimanche, chose véritablement extraordinaire, cette voix était encore là, plus gaie que jamais malgré les circonstances imprévues, puisque
Jean-Claude Bruneau a fait le choix de vivre sa passion pleinement, jusqu’au bout, quitte à la faire passer avant la raison.
Sur la Pit-Lane, très peu de gens étaient au courant. Moi si, puisque j’avais parlé pendant une demi-heure avec lui, en attendant que la salle de presse ouvre, alors que le soleil essayait vainement de réchauffer le paddock encore endormi.
Plus tard dans la journée, en arpentant les box, j’entendais sans cesse sa voix interviewant les pilotes, toujours de façon à les mettre en valeur, toujours positivement, avec la plus totale abnégation.
En écoutant cette voix partiellement couverte par les moteurs rugissants, et en m'imaginant l'homme avec son micro, tout simplement heureux d'être là, j'étais heureux.
Le championnat est rempli de vrais passionnés (il ne survit d’ailleurs que grâce à eux), anonymes ou pas, mais là, je pense que c’est plus qu’une simple passion ; c’est un sens à la vie, c’est une vie.
Merci Monsieur Bruneau.