Déterrage d'un message écrit cet hiver dans le topic des "Premières fois sur un 2 roues à moteur"
http://www.pit-lane.biz/t4740-bla-bla-bla-votre-premiere-fois-sur-un-2-roues-voire-3-a-moteur (page 6)
Message justement relatif à ma première course de côte ... la côte Lapize !
Ca ne me paraît pas trop hors sujet de le dupliquer ici, finalement.
"Malédiction, je viens de rater un rapport !!! Ah, le c.. !!!
Le temps de rattraper ma bévue de débutant (d'ailleurs, j'en suis un) et le moteur a perdu ses tours et moi toute chance d'être bien classé. C'est vraiment ballot, cette première fois aurait pu être honorable, elle sera anonyme.
Vous allez me dire, manquer une vitesse c'est pas la fin du monde, on peut toujours se refaire un peu plus loin. Sauf que là c'est pas possible, Je dispute ma première course avec la Ossa, c'est une course de côte … et il n'y a qu'un virage.
12 Mars 1972 – Côte Lapize à Montlhéry.
A cette époque, « Lapize », c'était souvent le début de la saison de vitesse en France et des types la traversaient (la France) pour participer à cette course de 800 mètres, bosselée et sans trop d'intérêt avec son unique virage à droite. On en pouvait tellement plus de cette interminable intersaison, que comme lors d'une rentrée des classes studieuse, les pilotes et les spectateurs escaladaient gaillardement le plateau de Saint Eutrope, passaient sans s'arrêter devant les stands et les tribunes de l'Autodrome et, privilège assez rare, empruntaient le circuit routier au-delà des « 2 ponts » pour rejoindre le parc coureur ou le parking spectateurs.
Cette première course depuis les deux épreuves Jeunes Tigres disputées en 1967, j'ai eu le temps d'y penser, de l'espérer, d'en rêver. Mais ça s'est réalisé d'une façon inattendue. En ce début d'année 1972 j'effectue mon service militaire depuis un peu plus de dix mois. Je suis affecté-détaché au service météo de l'Aéroport civil du Bourget dans le 9-3. Une sorte de « planque » tout à fait imprévue et inespérée. Grâce à une organisation « optimisée » des vacations mise au point par les heureux appelés eux-mêmes, il est possible d'être de service trois ou quatre jours d'affilée 24/24 puis de partir pendant une semaine pleine. Il semble que tout le monde se br..le du pourquoi et du comment du système tant qu'il y a des grouillots pour remplir les cartes météo toutes les 4 heures. Et durant tout mon passage dans ce service ça a fonctionné.
Colombes-Le Bourget c'est pas un énorme trajet et je le parcours à moto. Une BSA Rocket3 achetée pas très cher en puzzle à un type de chez Britannic Motos. Remontée pendant les périodes de « permission » on ne peut pas dire que ce soit l'affaire du siècle. Le caractère et le bruit sont superbes, mais le démarrage est parfois délicat, l'embrayage patine un peu à pleine charge et le bloc suinte … Qu'importe, c'est une belle moto, elle m'emmène au boulot et m'attend fidèlement au pied de l'immeuble où sont logés les bidasses. Jusqu'au jour où en quittant mon service je ne la retrouve pas devant la porte. Après m'être assuré que mes copains ne m'ont pas fait une mauvaise blague, je me rends à l'évidence : on l'a volée. Frustration … puis consolation lorsque j'apprends que l'assurance me remboursera 6500 Fr.
Ca fait déjà un moment que je traîne du côté de la SANI-CHAUF à Argenteuil, fief de Marcel Seurat l'importateur OSSA. Une SPQ, l'outil qui va bien pour disputer le Critérium 250 et la Coupe des 4 Saisons créée cette année là coûte 6400 Fr. Alors, je ne me pose pas trop de questions : j'achête !! Je crois que j'en prends possession courant février. Vite, vite, j'envoie ma demande de licence à la fédé et tout naturellement je pense débuter en course à la côte Lapize. La Oss', en tant que machine homologuée pour la route est équipée d'un silencieux riquiqui qui la bride terriblement. Elle ne respire vraiment bien qu'avec un pot de détente. J'ai prévu d'en faire faire un chez Tebec, mais je ne l'aurai pas à temps pour Lapize où j'aurais eu le droit de le monter car la distinction n'est pas faite entre motos « Sport » et «Course ». Tant qu'à faire de rouler contre des Yam compé-client, ça aurait été bien qu'elle sonne clair. Tant pis.
Plus assez de sous pour acheter un carénage, mais pour une côte de 800 m ça n'a pas trop d'importance. Je me mets en devoir de roder la moto sur la route, histoire de voir un peu comment ça fonctionne et la libérer un peu. Elle est d'une légèreté-vivacité incroyable, dure comme du bois et pousse pas mal dans les tours.
Le Grand Jour finit par arriver. Je suis, comme il se doit, paralysé par le trac en ce dimanche matin de mars un peu frisquet. Sans fourgon ni remorque, mon jeune frère (17 ans), « se sacrifie »;-) pour amener la moto au circuit, accompagné de mon copain Bernard et sa Trident équipée d'un 3 en 1 + mégaphone dont j'ai encore le son dans la tête … J'irai de mon côté avec mon équipement et trois outils dans l'Opel Kadett paternelle, accompagné d'un pote et du papa. Trop tendu pour rester passif je prends le volant d'autorité, déjà équipé de mon cuir Dada raide de neuf, pour ne pas avoir à m'habiller dans le froid. C'est parti et je pense que BAR2 a installé une caméra espion dans la voiture et dans ma tête, car lorsque je lirai la planche du Joe Bar Team relative à « La Première Course » plusieurs années plus tard, je découvrirai qu'il a tout pompé sur moi, l'escroc.
Le trajet est un calvaire. Mon pote bavasse de tout et de rien avec mon père sans se rendre compte de mon malaise. Mon estomac fait grouiiiiccc et je ne sais plus conduire. Arrive enfin le circuit. Je présente mon engagement aux différents contrôles et pénètre enfin sur le routier. A l'entrée de la zone paddock, je retrouve Bernard et mon frère. Je lui demande si la moto va bien. Il se marre et me répond : » Pas mal ! Sur le plateau entre la sortie d'Orsay et le Christ de Saclay j'étais à 170 compteur à l'aspi de la Trident ». Bon, le compteur de la Ossa n'est pas une référence, mais c'est encourageant car le moteur n'a que 500 km et est loin d'être libéré. Je prends place dans le parc et vais faire un petit tour pour évaluer la concurrence. Et il y a du monde puisque la catégorie 250 compte 30 participants. Deux montées pour montrer de quoi je suis capable. Allez, on y va, ça va être mon tour.
L'aire de départ en ciment plutôt glissant, maintes fois observée en tant que spectateur, m'impressionne un peu. Surtout, ne pas rater mon départ. Premier essai, j'assure et je me rends compte dès la sortie de « la » courbe, là où ça monte vraiment et où il n'y a pas de pilotage, que je tire beaucoup trop long et que je n'arrive pas à passer la 5. Verdict : 31,6 sec. Je n'ai pas d'autres pignons-couronnes, il faudra donc faire avec …
Seconde montée, il est temps de se lâcher un peu. Tout se passe bien jusqu'à la sortie de la courbe où le gr$%# de rapport mal engagé se décroche … Caramba, raté. Malgré ce gros loupé, j'accroche 31,4 sec, mais je me les mords de ne pas avoir pu concrétiser le bon début de montée. De retour au parc je me fais engueuler par le frangin, qui est lui aussi déçu par le résultat. Bien sûr j'ai évité de trop en faire et de finir la courbe à droite sur le dos comme c'est arrivé à pas mal de pilotes, mais je m'en veux d'avoir manqué un meilleur résultat. Libéré maintenant que la course est finie, je vais voir quelques passages de pros, au cas où je reviendrais un jour. Mes notes indiquent que je termine 10è National et que le vainqueur a claqué 27,3 sec.
Ma récompense viendra le lendemain soir quand je passerai à Argenteuil après le boulot. Trônant derrière son comptoir, Marcel Seurat, qui avait ses informateurs, m'accueillera d'un »Alors, paraît que tu t'es bien défendu hier ? », qui avait à mes yeux plus de valeur qu'une coupe.
Encourageant pour la suite et mes futurs re-débuts en circuit.
Mais ceci est une autre histoire ..."