Autant vous le dire tout de suite, mon voyage en terre Toscane n’a pas été extêmement productif sur le plan motocycliste !
Tout d’abord, au lieu de prendre les habituels avions et voiture de location, j’ai décidé d’y aller en voiture, sans réaliser qu’il s’agissait du 1er juillet, occasionnant la transhumance de hordes d’Italiens vers la cote Adriatique, c'est-à-dire d’embouteillages monstrueux au niveau de Bologne, le tout sous un orage diluvien : journée de vendredi « morte » !
Ah si, j'oubliais; j'ai quand même rencontré Rossi un peu partout...
Ensuite, comme le circuit est localisé au milieu de pas grand-chose entre Bologne et Florence, je n’ai trouvé qu’un hôtel à 40 kilomètres du circuit, à la frontière entre Toscane et Emilie Romagne...
40 kilomètres, c’est à la fois peu et beaucoup. Mais là, c’était beaucoup ! :)
Cette partie de la Toscane est certes magnifique mais vraiment montagneuse, complètement sauvage et le Tom Tom indiquant plus d’une heure de petites routes avait bien raison !
Les nuits, mais aussi les journées, furent donc réduites à leurs portions congrues.
Pour couronner le tout, l’Italie est le seul endroit au monde où les « Pass Piste » ne sont donnent pas accès la piste, même avec le M "média" et le RC !
« Aberration issue d’une réglementation italienne un peu obscure » m’a expliqué le représentant de la Dorna à qui j’ai demandé des explications.
Si le samedi, j’ai pu contourner le problème en utilisant une navette « média », j’ai dû me contenter de regarder les courses depuis une tribune le dimanche.
Enfin, pas toutes les courses puisque les abords du Mugello sont connus pour être paralysés depuis la fin de la course des MotoGP jusqu’à au moins 20 heures.
J’ai donc quitté le circuit à 14h30, en plein Grand Prix, au moment où les grilles d’accès se refermaient devant les chiens policiers destinés à contrer une éventuelle invasion du paddock !!!
Et oui, la ferveur italienne n’est pas un vain mot...
Une fois toutes ces "excuses" énoncées, on peut maintenant aborder les choses extrêmement positives de ce week-end.
L’arrivée sur le circuit est vraiment spéciale.
Les abords sont bordés de multiples stands à l’effigie des pilotes ou de vente d'accessoires et les dizaines de milliers de spectateurs surchauffés qui dominent la piste engendrent une atmosphère émotionnellement très intense : bêtement, sans raison apparente, je suis entre la chair de poule et les larmes aux yeux !
Le circuit est tout simplement magnifique !
Encaissé au bout d’une vallée, il permet aux spectateurs de dominer agréablement plusieurs parties du tracé, le tout, allongé dans l’herbe, devant sa tente.
Toutes les infrastructures sont impeccablement entretenues comme en témoignent, par exemple, la salle de presse, tous les vibreurs consciencieusement repeints la semaine précédente en rouge-blanc-vert pour fêter le 150ème anniversaire de l’unification de l’Italie, abandonnant ainsi les traditionnels jaunes et rouges d’une célèbre écurie italienne, ou la nouvelle toiture de la tribune principale...
Le circuit appartient en effet à Ferrari, dont les camions servaient même, ce week-end, de bureaux à « l’accréditation center » !
A propos de vibreurs, j’apprends que la FIM, toujours soucieuse de sécurité, a édicté de nouvelles normes concernant la peinture qui les recouvre.
Issue de nombreux tests mécaniques, celle-ci, une fois vaporisée selon une épaisseur extrêmement précise, possède exactement la même adhérence que la piste, que ce soit sur le sec ou sur le mouillé.
Ceci explique pourquoi vous voyez de plus en plus souvent les pilotes utiliser les vibreurs, parfois même sous la pluie depuis cette année !
Sauf erreur de ma part, cette peinture, fabriquée en Italie, n’est pas encore obligatoire mais simplement préconisée par la FIM qui ne peut que difficilement obliger un circuit à se plier à des normes exclusivement liées à la moto.
FIM et sécurité ?
Après les dernières sanctions et polémiques, un passage à la Direction de Course s’imposait !
Le lieu est strictement interdit à tout étranger et bien défendu par plusieurs « filtres » intransigeants, mais que ne ferait-on pas pour satisfaire les membres de Pit-Lane ? :)
Ne me demandez pas comment j’ai pu y entrer et faire des photos !
La pièce, dans laquelle règne un profond silence, est divisée en trois parties.
Sur la gauche, les écrans de la direction du circuit devant lesquels Paolo Poli, le directeur du circuit, gère ses 250 commissaires bénévoles en temps réels par radio.
Au moindre incident, les drapeaux sont agités, les motos évacuées par les fourgons ou les docteurs prévenus.
A droite, devant un nombre similaire d’écrans, on surveille chaque seconde de chaque séance d’essais ou de course, sans en perdre la moindre miette.
De gauche à droite sur la photo, la Direction de course est composée de Javier Alonso (Dorna), Paul Butler (Directeur de course), Claude Danis (FIM) et Franco Uncini (représentant des pilotes pour la sécurité).
En cas de gros problème, Paul Butler dispose d’un bouton rouge pour interrompre automatiquement toute activité sur la piste mais il préfère généralement passer par le directeur du circuit.
Les décisions et sanctions sont généralement prises à l’unanimité.
Enfin, hors photo, une triple batterie de magnétoscopes enregistre tous les écrans en permanence : difficile de faire mieux !
Entre deux séances, il arrive que la Direction de Course aille inspecter un endroit spécifique de la piste, souvent après un accident.
A ce stade de la lecture, et à la demande d'Eric Offenstadt alias "Pépé", il convient de faire une petite pause pour reposer ses yeux...
Retour au sport avec les qualifications du samedi.
En 125cc, Johann Zarco, toujours dans une spirale ascendante, s’impose facilement en pole position tandis que Louis Rossi arrache une très belle 10ème place sur la grille.
Ce dernier n’arrive cependant pas à décolérer !
Cela fait plusieurs Grand Prix qu’il subit avec impuissance des pannes à répétitions malgré tous les efforts et l’expérience de Christian Boudinot.
Celui-ci, après avoir vu passer "son" pilote dans la ligne droite, lui confie même : « je suis désolé pour toi !»
Ici, pas de langue de bois : chez Matteoni, il semblerait que l'on ait tendance à user les pièces jusqu’à la corde et même au-delà !
Devant l’énervement de Louis, un nouveau cylindre est monté sur sa moto, lui permettant ainsi de retrouver instantanément une place « dans les dix »... et le sourire!
Alexis Masbou s’en sort moins bien avec une 20ème place.
S’il est content d’avoir signé jusqu’à la fin de la saison, il subit la pression de son team qui entend bien figurer au moment de postuler pour deux Moto3 en 2012.
Les MotoGP entrent en piste sous un ciel de plus en plus sombre.
Avec 1141 mètres de ligne droite, certains Rookies se font un peu surprendre au freinage et vont "jardiner"...
Stoner est imbattable devant un surprenant Spies qui précède lui-même un Simoncelli dont la popularité ne cesse de grimper.
Sur ce plan, Dovizioso n'est pas bien loin, du moins sur ses terres...
A l’inverse, si celle de Rossi est encore de loin la plus grande, un grand nombre d’Italiens estiment maintenant que l’onéreux recrutement de la star transalpine, impliquant l’arrêt officiel en SBK, était un mauvais calcul.
Sa piètre 12ème position, derrière son coéquipier, et malgré l’utilisation de la contestée GP11.1, ne les fera pas changer d’avis aujourd’hui !
Lorenzo, toujours solide et dont la pureté du style ne cesse de m'émerveiller.
Côté français, Randy se débat toujours avec des problèmes mécaniques et ne voit malheureusement toujours pas le bout du tunnel.
Après quelques minutes, une fine pluie s’abat sur le circuit et les pilotes ne ressortiront que pour saluer une dernière fois les tifosis qui n’ont pas bougé d’un centimètre : ici, on soigne son image devant un public averti !
Le scénario n’est pas le même en Moto2 puisque toute la séance se déroule avec une piste légèrement mouillée. Il faut donc attaquer coûte que coûte !
A ce jeu, Marc Marquez est le plus fort, bien aidé en cela par ses essais privés sur le même circuit, il y a deux semaines, ainsi que par un bras oscillant plus court, une exclusivité du package « High Level » souscrit par l’Espagnol et ses puissants sponsors, apportant un meilleur grip…
De Angelis, sur son unique TSR Motobi, est juste derrière...
A noter la très belle prestation de deux Tech3 Mistral : Bradley Smith, bien sûr, que l’on sait très rapide sous la pluie, mais aussi un inhabituel Xavier Siméon, un autre spécialiste du goudron mouillé.
Puis viennent Krummenacher, Pol Espargaro et Bradl...
A l’inverse, c’est une bien sombre journée pour nos pilotes Français : Jules, 33, Mike 35 et Valentin pas qualifié !
Nos représentants se plaignent d’un manque de ressenti malgré l’utilisation de différents pneus neufs. On apprendra par la suite que, dans ces conditions, et avec le nouveau resurfacage du bitume, la solution passait au contraire par un pneu complètement usé permettant d’exploiter la fine trace sèche sur la trajectoire en fin de séance.
Corsi, sur le podium du championnat à ce moment, se fait également piéger par cette séance atypique.
Un seul homme reste constamment joyeux au milieu de cette Bérézina ; Ferchou, qui essaie de me piéger avec ses Umbrella Girls tchèques mais qui se retrouve piéger lui-même : Fanny, tu vois à quoi passe son temps ton père au lieu de régler la moto de son pilote … :)
Au CIP, on est également déçu après les 5ème et 6ème temps du matin : si Kenan Sofuoglu « sauve les meubles » avec une 13ème place, son coéquipier helvétique se retrouve en 30ème position !
A propos de Suisse, il semblerait que les journalistes de ce pays aient abandonné leur célèbre neutralité pour monter au créneau afin de défendre Tom Luthi.
Ce dernier est en effet nettement plus terne que durant l’année dernière et nombre de rédacteurs en imputent la faute à la politique strictement commerciale de Suter, l’entreprise suisse-allemande ayant fait passer sa fibre patriotique après la bonne santé de son carnet de commande.
Du coup, les journalistes prennent contact avec les autres clients de Suter pour essayer d’y trouver un soutien. Pour le moment, en vain.
A noter le style plus que déhanché de Redding...
Revenons de ce côté de la Manche pour constater qu’Alan Techer n’a pas pu se placer à son rang habituel en Red Bull Cup.
Il conforte néanmoins sa troisième place au championnat derrière les inaccessibles Sissis et Baldassarri.
Alan avait néanmoins le sourire et sans doute que la présence de son papa et de sa maman y était pour quelque chose ; n’oublions pas que nous avons affaire à de très jeunes pilotes plongés dans un monde très difficile !
La journée se termine avec mon habituel tour sur la Pit-Lane désertée permettant d’observer la traditionnelle chauffe des MotoGP de très près.
Les premières à sortir sont les Tech3 ; ici, c’est un peu la révision expresse de chez Renault !
Juste après, la Ducati d’Abraham : on se demande au passage pourquoi il garde encore ses ailerons…
Toujours une "satellite", la Honda du LCR :
Un peu plus tard, c’est au tour des « usines » :
Visiblement, les Yamaha usine ont progressé depuis le début d'année.
Peut-être en partie grâce aux nouveaux moteurs montés en Catalogne, peut-être également grâce à de petites améliorations des divers gestions électroniques...
Enfin, c’est au tour de la GP11.1.
On a beaucoup travailler dessus, porte du box fermée (mais ça ne va pas m'empêcher de vous montrer les dessous de la bête).
Une fois la moto remontée, a eu lieu une réunion de tous le staff.
J'en profite encore un peu...
Puis, sous l'oeil du « Dotore » venu assister en personne à la mise en route, je continue à photographier, l'air souriant… :)
L'ambiance n'est pas au beau fixe chez les rouges et l'absence de Jeremy Burgess peut-être pas uniquement liée à des raisons familiales...
La GP12 qui devait sauver la saison prochaine se révèle incapable de combler le gap avec ses concurrentes à cadre classique, malgré son nouveau moteur, sa nouvelle boîte et sa nouvelle géométrie arrière.
A ce jour, le nombre de victoires de la GP11 est toujours à zéro...
Ducati s'acharne sur son concept moteur porteur/éléments carbone, mais pour combien de temps?
La scène se déroule sous l’œil de Rossi mais également sous l’œil très intéressé d’un personnage dont on reparlera prochainement au sujet de la catégorie Moto3 ; le T-shirt bleu siglé F.C.C ne laisse aucun doute quand à son appartenance au constructeur japonais TSR, une petite entreprise dont les liens avec Honda ont supplanté depuis un moment ceux que le géant japonais entretenait avec Moriwaki.
Je retrouve le personnage un peu plus loin devant le HRC...
Ce n’est sans doute pas un hasard si un rarissime moteur Honda 250 NSF est en ce moment même chez TSR et le constructeur japonais entend bien fabriquer et vendre son propre châssis à quelques clients, y compris à un certain team français qui a fait une demande officielle, le CIP pour ne pas le nommer…
Le soir, la vie est active à Scarperia, le village qui surplombe le circuit, mais tout cela reste bon-enfant : rien à voir avec les hordes de sauvages qui polluent le Grand Prix de France !
Nouvelle petite pause pour Pépé...
Dimanche, pour les raisons expliquées précédemment, je regarde les courses depuis une petite tribune sans écran et sans haut-parleur ; l’ambiance est loin de valoir celle des collines…
En 125, mon attention est focalisée sur le fascinant duel Terol/Zarco.
Terol essaie de faire le trou. Zarco s'accroche.
Terol a un moteur visiblement beaucoup plus puissant mais Johann rentre beaucoup plus fort dans les virages (ce faisant, il use davantage ses pneus).
Voyant que le Français est toujours là, Terol fait comme d'habitude: il ne roule plus et le laisse passer.
Et là, c'est à mon avis la seule grosse erreur de Zarco; il passe.
Dès lors, on assiste à chaque tour à la même scène: Terol obligé de couper nettement, voire se relever de derrière sa bulle pour ne pas doubler le Français dès le premier quart de la ligne droite.
La cause était entendue, et même si Johann en gardait probablement un peu sous le coude pour le dernier tour, ses pneus ne lui ont pas permis de retrouver le même rythme qu’en première partie de course.
Que pouvait-il faire d'autre?
Ne surtout pas passer Terol, quitte à laisser un revenir le groupe de Vinales très près en espérant que Terol cède devant ce bluff.
Au pire, Vinales, Vasquez et Faubel enflamment les derniers tours et Johann essaie de passer Terol à l'aspiration sur la ligne d’arrivée (celle-ci est placée assez loin sur la ligne droite). Risqué, je le concède...
Deuxième dans ces conditions est néanmoins excellent et Johann se présente dorénavant comme le meilleur pilote de 125cc aux yeux de tous les pros! Terol le félicite.
Louis Rossi a réussi à se maintenir dans un bon groupe, à portée des Oliveira et autre Moncayo avant de se retirer sur un nouveau problème mécanique (embrayage).
On supposait, en début d’année, que les « petits » teams 125cc, surtout italiens, seraient enclins à ne pas investir et à user leurs motos au maximum, arrivée des Moto3 oblige ; cela semble effectivement le cas et tomber malheureusement sur Louis.
Alexis Masbou a eu également beaucoup de mal durant la course. Il a progressivement décroché et finit 16ème à une minute ; j’espère simplement qu’il ne s’agit pas du même syndrome…
La course des Moto2 fut également palpitante.
Marquez s’y est logiquement imposé mais la bataille avec Bradl et Smith fut acharnée, le tout sous de De Angelis.
Iannone a fait le forcing pour recoller au groupe de tête mais, ce faisant, il a trop tapé sans ses pneus et n’a pu suivre le rythme en fin de course.
Une fois la ligne d’arrivée franchie, il a avoué son impuissance auprès de son public.
Xavier Simeon n’a pu conserver le fruit de sa qualification et a décroché progressivement jusqu’à une très honorable 12ème position.
Dominique Aegerter, Jules et Valentin (repêché) ont fait une course splendide, bien que partant du fond de grille.
Aegerter double pas moins de 15 pilotes dans le premier tour, et alors que Marquez réalise son meilleur tour en 1.53.5, Jules fait le sien en 1.54.3 et Valentin en 1.54.1, plaçant ce dernier virtuellement en 12ème position!
Mention spéciale, donc, à notre Valentin national qui révèle aujourd’hui un fort potentiel alors qu’il est extrêmement seul dans sa démarche !
Il continue néanmoins à travailler consciencieusement et méthodiquement (plus particulièrement sur la transition freinage/accélération) comme j’ai pu le vérifier en consultant ses cahiers de notes!
Quand à la course des MotoGP, je n’en ai vu que les premiers tours, me précipitant à travers le paddock absolument désert pour éviter de me retrouver bloqué durant plusieurs heures.
Dernière anecdote, arrivé au tunnel du Mont-Blanc, je crois rattraper deux camions Ducati et n’en crois pas mes yeux : comment ont-ils fait pour arriver avant moi ?
Ah, ok, il ne faut pas confondre Ducati, Mugello et Ferrari, même si parfois il est un peu difficile de savoir chez qui l’on est…
Ciao Mugello! Pépé, la récréation est finie; tu peux retourner à tes calculs...