Carnets de route : Valencia[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] A peine rentré du très humide week-end du Portugal, il me faut déjà refaire mon sac de voyage pour partir à Valencia, en tenant compte du fait que la cité ibérique en novembre, c’est 22° dans la journée mais des soirées vraiment fraîches.
Jeudi soir, un vol Vueling à moins de 100 euros aller/retour, une voiture de location à 9 euros par jour et me voici dans un motel tout neuf de l’autoroute A7, très confortable et à seulement 15 minutes du circuit Ricardo Tormo de Cheste ; hors saison, l’Espagne est un pays très abordable !
Vendredi matin, je passe à l’Accreditation Center où un pass « piste » m’attend, m’évitant ainsi d’avoir à tourner en rond durant trois jours, puisque le pass « paddock » ne donne pas accès aux tribunes, et vice-versa.
A Valence, avoir un tel césame est d’autant plus important que la piste est souvent très loin des rails, donc des tribunes, pour la sécurité des pilotes, contrairement à Estoril où les photographes pourraient toucher les motos s'ils étendaient le bras…
J’arrive durant la séance des 125cc, seule catégorie dans laquelle le titre n’est pas encore joué.
Les moteurs sonnent "rauques", signe d'une carburation enrichie à cause de la température encore assez basse.
Marc Marquez met un point d’honneur à essayer de faire la pôle, même si ses 17 points d’avance lui assurent un confort relatif au championnat.
Derrière, Nico Terol se doit d’être présent aux avant-postes, en cas de "fait de course" empêchant Marquez de franchir la ligne dans les 9 premiers.
Pol Espargaro, lui, a perdu toute chance pour le titre à Estoril.
Johann Zarco vient de signer avec le convoité team Ajo pour 2011, dernière saison des 2-temps, et a envie de démontrer à la hauteur.
Pour Louis Rossi, une fois de plus, les choses ne se passent pas au mieux et il est sans cesse en proie à des problèmes mécaniques.
Hors piste, Alexis Masbou est là pour essayer de trouver une solution, mais il existe assez peu de chances qu'on le voit en Grand Prix l'année prochaine...
Les MotoGP s’emparent ensuite de la piste, résonnant dans la cuvette ceinturée de tribunes encore désertes.
Certes, le titre est déjà joué, mais Lorenzo a toujours à cœur de battre Rossi, tout comme Stoner tient à rattraper sa bourde de l’année dernière (chute dans le tour de chauffe) et Spies veut se montrer digne de sa future position de pilote usine Yamaha.
J'observe également Simoncelli qui devient de plus en plus consistant.
Du côté des Honda, Pedrosa se ressent toujours légèrement de sa clavicule cassée et Dovizioso est un peu décevant pour tous ceux qui avaient misé de gros espoirs sur lui.
Notre représentant tricolore s’emploie à retrouver son meilleur niveau pour sa dernière course au sein du team LCR de Lucio Cecchinello.
Je note qu'Yves Demaria est maintenant remplacé par un ami d'enfance de Randy.
Les Moto2 terminent cette première journée et, après ses exploits d’Estoril, tous les yeux sont rivés sur Kenan Sofuoglu, toujours inscrit dans le team d’Alain Bronec, sans pour autant oublier tous les ténors de la catégorie que sont Elias, Iannone, Simon, Redding, Luthi, De Angelis ou Corsi.
Côté Français, nos trois représentants sont quelque peu à la peine et même Jules Cluzel fléchit légèrement en fin de saison, face aux attaques des jeunes loups que sont Aegerter ou Abraham.
Mike Di Meglio vient de signer chez Tech3 (une bonne nouvelle, vu ses résultats) alors que Valentin Debise se bat toujours avec son ADV rétive qui dispose aujourd’hui d’un nouveau cadre (version 3.0).
La catégorie Moto2 occupera le devant de la scène durant tout le week-end puisque la majorité du plateau n’a pas encore signé pour l’année prochaine.
Le soir, on ne parle que de transferts et les prix commencent à monter au fur et à mesure que les chaises musicales s’immobilisent, puisqu’il y a plus de demandes que d’offres.
Une place en Moto2 peut se négocier jusqu’à plus de 600 000 euros, en fonction du manque de palmarès du pilote et de la notoriété du team !
Samedi, le ciel est immaculé et les séances qualificatives ne révèlent que bien peu de surprises sur le sinueux tourniquet espagnol …
Les 125 débutent le bal et, au bout des 40 minutes, on retrouve Marquez, le plus rapide devant Terol: « comme d’habitude » serait-on tenté de dire.
Johann Zarco n’arrive toujours pas en enfoncer le fameux « mur des 2 secondes » et Louis Rossi va de Charybde en Scylla avec sa jolie Aprilia nacrée.
En Moto2, Toni Elias, toujours lui, est en pôle devant Bradl, vainqueur à Estoril, Iannone, Redding, De Angelis, Sofuoglu et Simon.
Jules Cluzel parvient à décrocher une honnête 11ème place.
Mike Di Meglio est "loin", tout comme Valentin Debise, dont le nouveau cadre de s'avère moins rapide que le précédent...
En MotoGP, Stoner partira en première position, devant Lorenzo et un étonnant Simoncelli.
Le soir, le paddock s'illumine dans une débauche de diodes et de néons.
Les négociations concernant la Moto2 reprennent de plus belle et on apprend qu’après avoir entamé des négociations avec le team Gresini, Kenan Sofuoglu vient de signer au CIP : une place de moins sur l’échiquier !
(Ici avec Stéphane Egea qui pilotera la Suter du CIP Equipe de France lors des deux dernières manches du CEV)
Autre bonne nouvelle, le Belge Xavier Simeon a été retenu par le puissant sponsor espagnol Holiday Gym pour défendre ses couleurs en 2011 (On rappelle que ce sponsor ne renouvellera pas son association avec le team des frères Nieto, après avoir dépensé environ 3 millions d'euros en 2010).
On parle aussi beaucoup de Moto3 puisque le règlement vient de sortir et que les projets fleurissent de toutes parts (Gianpierro Sacchi, MG Compétition, Toullec, TVX, etc).
Les limitations, à la fois techniques et financières, ne semblent pas empêcher quelques prétendants de poids de s’intéresser à la catégorie.
S'il semble acquis que Honda dévoilera très prochainement sa 250 NSR (en indiscrétion, on parle de 45 chevaux, carters moteur spécifiques n’incluant pas l’axe du bras oscillant et boîte de vitesses extractible similaire à la 125 RS), il se murmure qu'un « artisan » suisse déjà extrêmement impliqué en Moto2 semblerait vouloir présenter son châssis ET son moteur…
Dimanche matin, craignant les traditionnels embouteillages, j’arrive très tôt sur le circuit.
Finalement, l’affluence ne sera pas vraiment au rendez-vous et seuls 80 000 spectateurs seront dénombrés, soit un tiers de moins que l’année dernière.
La faute en incombe-t-elle aux quatre Grand Prix se déroulant en Espagne ou à la crise économique que subit ce pays, y compris dans le secteur de la moto où les chiffres de vente s’effondrent de 50% chaque année ? Sans doute les deux…
Durant les « Warm Up », on ne dénote pas grand-chose, à part une nouvelle panne de la moto de Louis Rossi (!).
Immédiatement après, le paddock est littéralement coupé en deux au niveau de la clinique mobile. Ce "no man's land" n'accepte personne, sans aucune exception, pilotes et cameramen officiels compris, ce qui crée un petit mouvement de panique à quelques minutes du départ des 125cc.
Un bourdonnement précède l'arrivée d'un gros hélicoptère qui se pose sur le tarmac. Le Prince des Asturies, titre officiel et traditionnel de l'héritier du trône d'Espagne, Felipe de Borbón, en descend, dûment accompagné.
Il se dirige sur la pré-grille, accompagné entre autre de messieurs Vito Ippolito, président fraîchement réélu de la FIM, et Carmelo Ezpeleta, président de la DORNA, pour serrer la main de Marc Marquez : on a bien cru que celui-ci allait mourir par étouffement !
La course reprend bientôt ses droits et les pilotes se reconcentrent.
Dès le feu vert, l’Ecossais Bradley Smith creuse l’avantage et Marc Marquez, que l’on sent toujours rapide, préfère se maintenir derrière les deux Aprilia bleues-vertes du team Aspar, évitant ainsi un éventuel « fait de course » pouvant lui faire perdre le championnat.
De même, lorsque Pol Espargaro remonte sur le trio de tête, le pilote Ajo, en vrai professionnel conscient des enjeux, lui fait un petit signe de passer dans la ligne droite : pas question de prendre le moindre risque quand Repsol et Red Bull ont misé 900 000 euros pour gagner le titre !
Johann Zarco se bat une bonne partie de la course contre Marcel Schrotter et sa Honda, autour de la 12ème position, le jeune Allemand n’arrivant pas à rééditer son exploit de l’année dernière au même endroit (5ème).
Hélas, le Français devra abandonner à 5 tours de la fin, sort partagé un peu plus tôt par Louis Rossi qui, lui, a vu toutes ses chances s’envoler dès le deuxième tour à la suite d’une sortie de piste.
A l’issue de la course des quarts de litre, le jeune Marc Marquez est donc sacré champion du monde !
Les Moto2 se mettent en place sous l’oeil des cellules photo-électriques et les pilotes se concentrent.
Du moins, ils essaient, ce qui n’est pas toujours facile, et ce n’est pas Valentin Debise qui nous dira le contraire...
Toni Elias crée la surprise en arborant une assez jolie livrée chromée agrémentée d’encres translucides du plus bel effet.
A l’extinction des feux rouges, Andrea Iannone, sans nul doute « LA » révélation de l’année s’envole comme il l’a déjà fait plusieurs fois durant cette saison.
Finies les suspicions d’artifices pour expliquer sa suprématie ; tout le paddock s’accorde maintenant à dire que « le gars est vite ! » et ce n’est pas Valentino Rossi, son futur employeur indirect, qui dira le contraire, ni même les hommes de Suter qui fourniront probablement le châssis 2011 du pilote italien, au sein du team de Valentino Rossi et Uccio Salucci…
Comme trop souvent, une fois la plage d’utilisation optimum des Dunlop passée (entre 5 et 8 tours), l’Italien doit ralentir et laisser revenir l’habituel groupe de « chiffoniers » au sein duquel se trouve comme toujours le fin tacticien Elias.
Les pneus Dunlop ont fait quelques progrès, surtout depuis Misano, où les nouveaux "avants" 753 et 717 ont été modifiés, donnant respectivement plus de ressenti au freinage et plus de vivacité à la mise en courbe par la modification du profil du pneu, mais ils restent, aux dires de tous les pilotes, le facteur prépondérant qui limite les performances et donne ainsi la part belle à la combativité plus qu'au talent pur.
Justement, Sofuoglu fait les frais de la combativité récente de Bradl et, après quelques spectaculaires passes d’armes, on retrouve un surprenant Karel Abraham tentant de faire l’extérieur à Simon ou au « géant vert » avant de s’emparer de la tête de la course; l’argent ne nuit donc pas au talent, et c’est une bonne nouvelle pour le Tchèque, avant son arrivée en MotoGP, et après ses pertes de lucidité sur le circuit de son père.
Sur le podium, Iannone mal digérer d s'être fait battre...
Durant la mise place des MotoGP, on craint un instant assister à une catastrophe aérienne ; un Airbus survole le circuit en effectuant un virage à très basse altitude.
Il s’agit en fait de l’appareil d’Air Europa décoré aux couleurs de Lorenzo.
Décidemment, avec son casque doré incrusté de 1800 faux diamants autrichiens, l’Espagnol a bien du mal à mettre en adéquation sa communication avec son pilotage sobre, pur et efficace.
La course voit un excellent départ des deux Ducati, devant Pedrosa, Simoncelli, Lorenzo, Dovizioso, Spies et Rossi.
Au deuxième tour, Lorenzo se retrouve 8ème après une petite "friction" avec Simoncelli...
Au passage suivant, Hayden chute alors que Rossi monte en pression peu à peu.
Dès lors, on assiste à une remontée implacable de Lorenzo, qui le mènera sur la plus haute marche du podium devant Stoner et Rossi, alors qu'on ne se lasse pas du spectacle offert par ces virtuoses et ces machines d'exception!
L’Italien parcourt ses derniers mètres aux guidons d'une Yamaha sur la roue arrière et doté d’un t-shirt « Bye Bye Baby ».
Marco Melandri fait ses adieux à la catégorie, félicité comme un toréador dans une arène...
Le traditionnel feu d'artifice de fin de saison prend des allures un peu inquiétantes de barrage anti-aérien...
Sur le podium, Rossi applaudit son rival espagnol mais, surtout, l’arrose de champagne !
Les deux hommes ne sont dorénavant plus coéquipiers et, qui sait, on pourrait assister à la naissance d'une relation type Prost-Senna...
En fin d’après-midi, on démonte les moteurs des Moto2 pour les rendre à Geo Technology, la société suisse de Osamu Goto, un ingénieur renommé ayant travaillé pour Honda et Ferrari en F1.
L’occasion, en passant sur la pit-lane, d’une petite anecdote.
Je m’agenouille pour prendre en photo la moto de Scott Redding et un homme se met gentiment à l’écart pour être hors-cadre.
Une barbiche, un gilet, des bagues aux doigts… cela ne peut être que le Comte Marc Van der Straten, propirétaire du team Marc VDS !
Je le prie de bien vouloir revenir dans le cadre, et là, son sourire est plus explicite que tous les mots que je pourrais écrire!
Le soleil se couche sur la saison 2010.
Je ne peux m’empêcher de penser à celui qui n’est pas là et que j’avais immortalisé un an auparavant au même endroit. Ce matin, j’ai aperçu sa maman, incognito dans le paddock ; difficile de ne pas avoir les yeux embués…
Quand j’en parle avec Alain Bronec qui partageait la vie de Shoya, il me dit qu’il pense à ses parents pour relativiser sa propre peine ; Putain de sport!
Le soir, tous les intervenants du monde des Grand Prix se retrouvent à la célèbre soirée de l’IRTA : une boîte de nuit, louée pour l’occasion près de la lagune « Albufera », qui accueille environ 2000 personnes.
C’est l’occasion de voir tout le paddock « en mode loisir », un verre à la main.
Quasiment tous les pilotes y feront une apparition, soit en tenue décontractée (Simoncelli et son bonnet sur la tête) soit en tenue de circonstance (Lorenzo en chemise et pantalons noirs).
Pas de photos puisque je considère qu’il s’agit là de la vie privée des intéressés.
On note toutefois quelques absents: les pilotes et mécaniciens qui participent le lendemain aux essais IRTA de Moto2.
Etrange spectacle, le lundi, puisque bon nombre de pilotes ont essayé différentes motos, passant de box en box presque aussi souvent que Didier Langouet ou Eskil Suter, sous l'oeil des team managers comme, ici, Andrea Dosoli (Forward) et Michaël Bartholemy (VDS).
Jacky Hutteau, pour une fois sans travail, puisque toutes les Moto2 tournent avec de l’essence Agip, était lui-même interloqué en voyant certains essayer jusqu'à 4 motos différentes : « en 30 ans de Grand Prix, je n’ai jamais vu ça ».
Un véritable balai qui permet toutefois de remplir peu à peu les cases d’un tableau encore assez vide…
Le mardi, c’est seulement au tour des MotoGP, comme en témoignent les "campers" esseulés dans le paddock.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]A propos de "campers", la nouvelle acquisition de Valentino Rossi est assez impressionnante,..
En piste, Stoner est d’emblée dans le coup (sacré pilote !) sur sa Honda « kangourou » alors que Rossi essaie divers moteurs, allant même jusqu’à tester le « screamer » que Stoner s’était juré de ne plus jamais utiliser.
La Ducati, dans sa livrée en carbone, permet de constater qu’un gros travail aérodynamique a été effectué sur les flancs (apparition des ouies de requin, retour à l’enveloppement de la fourche) et le bas de carénage qui paraît plus fin en commençant à ressembler à l'étrave d'un navire...
L’organisation Honda pour 2011 entraîne alors une conséquence inattendue…
Dans la ligne droite, la moto de Pedrosa a un problème moteur ; trop tard pour prendre la pit-lane et l’Espagnol sort en poussant sa machine entre deux rails.
On pense qu’il va reprendre les essais avec sa deuxième moto, sauf qu’avec l’arrivée de Stoner comme troisième pilote dans le team officiel, l'équipe ne dispose probablement pas encore de 6 motos, et le #26 est donc contraint de regarder ses petits copains depuis le bord de piste durant un bon moment…
Voilà, cette fois, c’est vraiment fini : que l’hiver va être long !
Heureusement, nous allons le passer avec les passionnés que sont Jan Thiel, Eric Offenstadt, Jean Bertrand Bruneau, Frits Overmars, Martial Garcia, Jacky Hutteau, Yves Kerlo, Jean-François de Tournay, et bien d’autres, à analyser, commenter, créer, débattre, se tourner vers le passé, le présent et le futur, mais ça, vous le savez déjà…