Bon. Ben, j'y vais :
L'opération RAI constitue la toute première implication officielle de Motobécane dans la course.
L'idée du "Trophée RAI" est née du cerveau toujours en ébullition de Marcel Mastantuono ("Tonton Marcel"), le patron de la revue Motocyclisme.
Quand je dis "en ébullition", n'imaginez pas de l'eau qui bout mais, plutôt, du lait. C'est-à-dire qu'il y avait parfois intérêt à le surveiller et à l'arrêter à temps pour pas que ça se termine en catastrophe. Moto-Revue avait la Coupe Kawasaki. L'idée de Tonton Marcel était de faire un peu la même chose mais avec notre constructeur national, lequel venait de se réveiller après une très longue hibernation (mise sur le marché de la 125). Comme les performances d'une 125 de série étaient évidemment un peu justes pour être prises au sérieux, il s'était dit qu'avec un gonflage raisonnable
et une partie cycle racing, ça pourrait le faire : "Tu crois que ton copain Marandet pourrait faire ça ?"
Le jour même j'appelais Charles Marandet, le constructeur
des ERAM (
voir vincent91 Partie Cycles de Vitesse Françaises de 70 à... / page 19)
et celui-ci se montra d'autant plus intéressé qu'il commençait à y avoir un peu de tirage entre lui
et son associé Thierry Tchernine.
Très rapidement le projet prenait forme : Charles pensait pouvoir amener la puissance à 18 chevaux (50% de plus que la moto de série) sans compromettre la fiabilité. De mon côté, je devais lui dessiner un cadre treillis sous lequel le moteur aurait été suspendu.
Dans le même temps, Tonton Marcel avait rassemblé un panel de partenaires dans le but d'alléger le prix de vente de la machine (7000 F au lieu de 12000 F, soit environ 6000 euros au lieu de 10000) : Motobécane, bien sûr, mais aussi Gurtner (carburateurs), St Christophe (casques), Koni (amortisseurs), Béru (bougies), Dunlop.
MoteurL'idée était d'utiliser
des moteurs de série dont Charles aurait retouché le diagramme. Mais Motobécane nous apprenait alors qu'ils disposaient d'un moteur amélioré développant "plus de 25 chevaux".
À l'époque (début 1972), il n'était pas question de service compétition chez Motobécane. Mais, comme j'ai pu m'en rendre compte par la suite chez ce constructeur, à défaut de politique commerciale
et technique bien affirmée
et clairement définie, chacun pouvait faire ce qu'il voulait dans son coin.
C'est ainsi que le patron du service "bancs d'essai moteurs", Claude Roche, avait pris sur lui de développer une version compétition du moteur de la 125. Ce moteur étant destiné à Gérard Carlier, pilote national qui travaillait dans le service "électronique"
et qui se retrouvait donc avec le statut de "pilote officieux".
Quand Motocyclisme a frappé à la porte de Motobécane pour le "trophée RAI", Claude Roche
et René Moutet (le patron du service électronique) ont pensé que le moment était venu de dévoiler leur projet
et de le faire adouber par la direction.
Le moteur était donné pour "plus de 25 chevaux" à 11500 tr/min... car le banc d'essai ne permettait pas d'aller plus loin (à moins qu'ils avaient peur de tout casser) alors que le couple n'avait pas atteint son maximum à ce régime.
En fait, ce moteur a causé quelques soucis au début : le volant d'allumage, un peu lourd, n'avait pas été prévu pour les vitesses de rotation
et, surtout, les montées en régime d'un moteur de course.
Et dès les premières sorties sont apparus
des problèmes d'allumage qui ne s'étaient pas manifestés au banc d'essai.
Certes il ne s'agissait que de problèmes de jeunesse qui ont été réglés assez rapidement mais, quand ils se déclarent sur une vingtaine de moteurs, ça fait un peu désordre. En fait, l'erreur de Motobécane a été de lancer en série (très petite, mais série quand même) un moteur qui n'avait pratiquement jamais tourné sur piste.
ChâssisSur la moto d'origine, le moteur est suspendu dans le cadre. Il était donc prévu de reprendre cette disposition mais en remplaçant le double berceau de la série par un treillis triangulé. Ça aurait donné quelque chose un peu comme les cadres de Linto.
Malheureusement, au moment où je devais me mettre au dessin, je me suis fracturé la main droite (ainsi que la cheville) lors d'un essai. Compte tenu
des délais, il n'était pas possible d'attendre le déplâtrage. Nous avons donc changé notre fusil d'épaule
et décidé d'utiliser le cadre ERAM, que Charles avait conçu au départ pour un 125 Maïco (monocylindre) mais qui pouvait aussi bien accueillir un bicylindre Yamaha.
Si le cadre prototype a été construit par Charles Marandet, la petite série pour les clients (une vingtaine) a été fabriquée chez Pierre Piron*, à La Loupe. Petite différence entre le cadre made by Piron
et le proto : pour
des raisons de commodité de fabrication, le bras oscillant en tube rond avec tendeur de chaîne type Seeley du proto était remplacé par un bras en tube rectangulaire.
* Est-ce que Yves Kerlo a participé à ce travail ?
FreinsLe frein avant est un double disque en alu, fabriqué à Nice par la société Pini (un atelier d'usinage). Il avait déjà été utilisé en course par le fils Pini (ou par un employé de la maison ?). Malgré l'emploi inhabituel de l'alu, on ne prenait donc pas vraiment de risque. Du reste, si nous avions eu le temps de faire
des essais, sans doute serions-nous arrivés à la conclusion qu'un seul disque, un peu plus grand, aurait été suffisant (les disques étaient légers mais les pinces étaient lourdes).
Le frein arrière était fabriqué par la société Leleu, qui était le fournisseur attitré de Motobécane pour ses mobylettes. Là aussi, il était probablement un peu surdimensionné mais on a pris sans trop se poser de question ce qui existait chez ce fournisseur partenaire.
SuspensionsElles ont fait l'objet d'un soin tout particulier car...
(à suivre...)[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Motocyclisme "Spécial Noël 1972"
Moto Journal N°109 du 15 mars 1973 : essai par Gilles Mallet
moto légende N°230 / janvier 2012 : article de Thierry Léraud