Suite Motobécane RAIMerci à tous pour vos encouragements.
- Emmanuel Laurentz a écrit:
- je trouve la moto très réussi esthétiquement
Je suis d'accord avec toi, mais le mérite en revient à Michel Nava, qui a dessiné
et réalisé les modèles du réservoir
et de la selle.
Il avait fait une école d'arts appliqués (en même temps que Bernard Fau)
et c'est lui qui faisait les petits dessins dans la revue Motocyclisme.
SuspensionsLà, le chapitre risque d'être un peu long,
et je crois que je vais être obligé de le scinder en deux parties. Car si la RAI a coïncidé avec la toute première implication de Motobécane dans la course, elle peut également se targuer d'une autre "première" : celle de la première fourche télescopique avec amortissement contrôlé par clapets (
et non par de simples orifices), amortissement en compression aussi bien qu'en détente,
et amortissement réglable. Trois caractéristiques qu'on trouve actuellement sur toutes les fourches de compétition.
Les suspensions ont fait l'objet d'un soin tout particulier car, quelque temps auparavant, en calculant le rapport entre le braquage de la direction
et ce qu'il en résultait au niveau du sol, j'avais mis en évidence la relation existant entre suspensions
et louvoiements.
Il faut savoir qu'à l'époque l'opinion générale était que, si une moto louvoyait en courbe, c'était parce que son cadre ou son bras oscillant manquaient de rigidité (
des expressions comme "cadre en guimauve" ou "bras oscillant en guimauve" étaient souvent utilisées en pareil cas). En même temps, il était connu que certaines marques d'amortisseur (Girling, par exemple) ou certaines fourches (Norton Roadholder, Ceriani) avaient un effet bénéfique sur la tenue de route mais sans trop savoir comment
et pourquoi
des fois ça marchait,
et d'autres fois... un peu moins bien.
Ma contribution a été de démontrer que les mouvements
de tangage de la suspension induisaient
des louvoiements
et qu'il convenait donc de les limiter dans toute la mesure du possible.
Une solution pour cela consiste à faire appel à
des tarages d'amortissement tellement énormes que tous les mouvements sont étouffés. C'était ce que beaucoup de constructeurs faisaient de façon empirique (
et certains le font encore aujourd'hui, y compris en compétition au plus haut niveau). Mais cela ne va pas sans inconvénients, tant sur le plan du confort que sur celui du grip (sans parler de la durée de vie
des pneus).
Une solution bien meilleure consiste à apparier les
fréquences des suspensions pour tenir compte du décalage de temps existant entre les sollicitations reçues par la roue avant
puis par la roue arrière : en utilisant une fréquence de suspension légèrement plus élevée à l'arrière qu'à l'avant, il est possible de s'arranger pour que les mouvements de la suspension arrière "rattrapent" ceux de l'avant.
Si l'écart entre les fréquences est bien calculé (en fonction de l'empattement
et de la plage de vitesse que l'on veut privilégier)
et l'amortissement adéquat (pas trop faible, mais sans exagération) il est possible de ne conserver que les mouvements de
pilonnement (translation verticale) en éliminant les mouvements de
tangage. Ce qui résout le problème
des louvoiements sans nuire au confort
et au grip.
En conséquence de quoi, j'avais soigneusement calculé les
raideurs des ressorts, à l'avant comme à l'arrière, ainsi que les
courbes force/vitesse des amortisseurs arrière
et de la fourche. Petit détail : le bras oscillant possédait plusieurs points d'ancrage pour modifier la raideur effective à la roue, de façon à ajuster
et obtenir la fréquence souhaitée sans changer le ressort, quel que soit le poids du pilote.
Restait à trouver les fournisseurs.Pour les amortisseurs arrière, la question ne s'est pas posée longtemps : Koni, qui en automobile équipait la totalité
des voitures de F1, voulait se lancer sur le marché de la moto. Ils fabriquaient
des amortisseurs de qualité
et, de plus, réglables (même si pour modifier le réglage c'était plus compliqué que d'ajouter ou d'enlever un clic : il fallait déposer le ressort
et la butée élastomère, enfoncer la tige à fond
et compter le nombre de demi-tours). En plus, cette firme néerlandaise avait une petite usine en France (à Villeneuve Loubet, près de Nice), avec banc d'essai, etc.
Le contact est bien passé, sur le plan technique d'abord,
et commercial ensuite, puisqu'ils ont accepté de participer au financement du projet.
Pour la fourche, le problème ne se posait pas trop non plus : Ceriani bénéficiait dans le monde de la course moto d'une notoriété comparable à celle d'Ohlins aujourd'hui. Mais quand je leur ai fait parvenir la courbe force/vitesse, ils sont restés un peu perplexes
et, au lieu de me dire s'ils pouvaient fournir les caractéristiques d'amortissement que je leur demandais, ils m'ont fait parvenir le dessin de la fourche équipant la MV d'Agostini qui, selon eux, représentait le summum de la technologie.
à suivre...