Tubes carrésCe projet utilise un tube carré pour la simple raison que, quand il s'agit de servir d'appui pour les tôles de la coque, un tube carré est beaucoup mieux adapté qu'un tube rond.
Sinon, en dehors de cet aspect pratique, un tube carré est en tout point moins intéressant qu'un tube rond.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, à savoir la technologie de la coque proprement dite, examinons les "avantages" apportés par un tube carré dans la conception d'un cadre classique, comme dans le cas des japonaises des années 80-85 évoquées par Dan42.
EfficacitéCe qui définit la rigidité à la flexion d'un tube, c'est le moment d'inertie de sa section : I.
Ce qui définit sa masse (masse linéaire, en kilogrammes par mètre de longueur), c'est tout simplement l'aire de sa section : S.
Le principe d'un tube, c'est d'optimiser le rapport rigidité/poids en reportant la matière le plus loin possible du centre de sa section.
Donc, si on compare un tube rond et un tube carré de même épaisseur et de même dimension nominale (A = D), on trouve sans surprise que le tube carré est à la fois plus lourd et plus rigide. Mais c'est aussi ce qu'on aurait obtenu en choisissant un tube rond de plus gros diamètre.
Si, au contraire, on compare un tube rond et un tube carré de même encombrement maximum (D = diagonale du carré), on obtient le résultat inverse.
Dans un cas comme dans l'autre, la comparaison a peu d'intérêt, puisqu'elle revient à comparer des tubes de dimensions et de poids différents.
Ce qui est intéressant, c'est de comparer deux tubes de même masse linéaire et de même épaisseur (facilité de soudage).
Même masse linéaire <==> même section S (voir formules ci-dessus).
Dans ce cas, on constate que le tube rond est nettement plus rigide que le tube carré.
Exemples :
Tube carré 20 x 1.
Tube rond de même poids au mètre : Ø 25 mm x 1.
Le tube rond présente une rigidité de 18,6 % supérieure à celle du tube carré.
Tube rond Ø 30 x 1.
Tube carré de même poids au mètre : 24 x 1.
La rigidité du tube rond est supérieure de 18,0 % à celle du tube carré.
Ça, c'est pour l'efficacité (rapport rigidité/poids). Côté pratique, ce n'est pas mieux.
Mise en œuvreAlors que le tube rond se cintre très facilement, le tube carré est difficile à cintrer sans déformation. Plus grave : ce cintrage ne peut être que parallèle aux faces du tube.
En conséquence, tous les cintrages doivent se situer dans le même plan ou dans deux plans perpendiculaires. Tandis qu'avec des tubes ronds, des cintrages successifs peuvent être orientés dans des plans différents, ce qui autorise une liberté de conception beaucoup plus grande.
Au vu de ce bilan, on peut se poser des questions sur les motivations du premier constructeur à avoir adopté cette solution** Suzuki (pour les deux autres, on peut penser que c'est l'effet Panurge,
très fréquent en matière de partie-cycle de moto).
À l'époque j'avais émis l'hypothèse que ce cadre était probablement l'œuvre d'un stagiaire qui ne savait pas dessiner les raccordements
entre tubes ronds…
En fait, je pense que la vraie raison était qu'ils voulaient utiliser des tubes en alliage d'aluminium et que les seuls tubes disponibles dans un alliage présentant des qualités mécaniques élevées étaient des tubes carrés, parce qu'utilisés en construction aéronautique.
Fin de la parenthèse sur les cadres classiques en tubes carrésAu moment de publier ce post, je m'aperçois que vous ne m'avez pas attendu pour évoquer le problème de l'étanchéité.
Celle-ci n'est pas assurée par une outre : technique utilisée plutôt dans l'aviation militaire*, pour laquelle elle permet (ou permettait ?) de faire des réservoirs auto-obturants quand ils étaient traversés par une balle.**
* et reprise en automobile où, en cas de crash, elle minimise les risques de fuite, et donc d'incendie.
** mais dans le cas d'un missile ça ne peut pas faire de miracle...
En fait la technique employée est celle utilisée classiquement en aéronautique civile. L'opération se fait en deux temps.
D'abord, les surfaces à assembler (tôle et tube) sont enduites d'une pâte qui s'applique comme l'a décrit
jack177071. Celle-ci, à base de caoutchouc synthétique, laisse tout le temps nécessaire à l'assemblage avant de prendre.
Dans un second temps – et là c'est ce qu'a évoqué
MacPepR – lorsque la coque est assemblée, on introduit une solution (également à base de caoutchouc synthétique). Ensuite on remue la coque dans tous les sens (on la baratte), puis on évacue le trop-plein. Une fois le solvant évaporé, l'intérieur se retrouve recouvert d'une pellicule caoutchouteuse, qui vient parfaire l'étanchéité dans l'éventualité où la première opération n'aurait pas été parfaitement exécutée.
Avant d'aborder la partie la plus intéressante – celle qui concerne l'aspect résistance et, surtout, rigidité de cette technologie mixte de coque "tôle + tube" – et afin d'éviter tout risque d'indigestion, je propose qu'on fasse une petite pause.*
*
surtout, ça me laissera le temps de terminer de rédiger cette seconde partie. à suivre...