enfin un peu seulement.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que les gens sont cons. Si c'était le cas, l'humanité aurait une autre allure depuis longtemps.
Mais quand on dit "les gens", il faut se méfier car on est toujours le con de quelqu'un.
Avant même Gutenberg il existait des manuscrits qui énonçaient à peu près la même chose que certains posts de ce sujet. Ecrits peu lus à cette époque où leur diffusion était à très court rayon d’action par nature mais il existait des chansons médiévales, plus répandues que ces manuscrits, dont des paroles ont des accents qu'on ne renierait pas aujourd'hui. Bien entendu lles ne touchaient pas pour autant presque tout le monde comme les médias modernes le permettent. Rien de nouveau sur le fond.
C’est dans cette large et moderne diffusion, dont on ne connait pas vraiment les limites, que la différence se fait avec le passé.
Au premier abord, on pourrait penser que plus le savoir est diffusé et plus les gens sont moins cons. Je conseille à ce propos une chanson, pas médiévale mais presque pour les fans de B. Spears, qui place beaucoup d’espoir dans cette idée que le savoir doit être acquis quel que soit le prix à payer : Vivre pour des idées, Lenny Escudero.
Mais alors, la faute à qui si nous sommes encore cons? Les médias sont-ils les coupables de notre connerie ?
Mais les médias ne sont pas seuls. Il y a l’école qui nous permet de comprendre le langage et d'autres institutions démocratiques qui nous permettent d'avoir la jouissance de ces médias.
Si on perçoit l'école et autres institutions comme des facteurs de progrès de l’humanité et que nous sommes toujours aussi cons, c’est bien que nous sommes intrinsèquement trop cons pour les utiliser. Circulons, mourrons comme nous vivons, en cons !
Si on les perçoit comme de belles chimères, maquillées comme des voitures volées par des maquignons malhonnêtes, c’est bien que la faute n’est pas la nôtre. C’est LEUR faute, ouf ! Nous ne sommes pas si cons que ça en fait! Non mais !
Mais que nous prenions l’une ou l’autre de ces positions, en d’autres termes que nous nous sentions cons ou intelligents (Coluche déjà cité disait qu’on ne peut juger de son intelligence qu’avec sa propre intelligence), nous avons été à l’école et y envoyons nos enfants, nous utilisons les institutions démocratiques (cet adjectif est le condiment miracle, il fait bonnes toutes les sauces en bouche… c’est la digestion qui est difficile parfois) et nous lisons la presse, écoutons la radio, regardons la télévision et surfons sur internet.
Si nous nous sentons intelligents, savons nous mieux y naviguer que notre voisin, ce plus con que nous?
Comme le dit Jean-Michel « Fügner », il y a plus de fange que de miel dans cet océan. Qui est si bon nageur qu’il est sûr de ne jamais s’y noyer à un moment ou un autre ?
Alors, il est facile de railler la télévision et ceux qui la font mais nous la regardons tous ou presque.
Nous croyons faire notre choix mais le fait de la regarder, quelque soit la pertinence présumée de son choix, est la cautionner. Certains d’entres nous sont très sélectifs : seulement les films, seulement les "documentaires intéressants" , seulement le MotoGP avec ou sans menuisier, seulement les reality shows, seulement les séries américaines, seulement... Mais même ceux là participent à sa puissance. Eurosport n'existerait pas sans les grandes chaînes hertziennes, idem pour Planète ou pour Série Club et comme ces "petites" chaînes appartiennent aux grandes... A la limite, plus on est sélectif et pointu, d’aucun dirait élitiste, et plus on permet à la boucle de se boucler. On peut même alors s’y enfermer car à réduire son champ de vision on a encore plus de risques d'y voir une faille en forme de sortie. Pris à son propre lasso, qui est pris qui croyait prendre, en somme.
Mais alors à vouloir être intelligent, ne serait-on pas plus con encore ? Terrible de penser ça ! Ne serions nous prisonniers comme des rats ? Faudrait-il creuser un tunnel dans nos cerveaux devenus ordinateurs abreuvés d’informations à traiter pour nous en échapper ? Comment faire ?
Boycotter la TV ? Boycotter Internet (dommage pour plb) ?
Individuellement, peut-être une solution mais pour l’humanité ? Que pourrait faire un intelligent face à des milliards de cons?
Et puis, pourrions nous vraiment les boycotter pour toujours ?
Leur énorme diffusion fait qu’ils nous nourrissent. Si ils ne sont pas l’air que nous respirons, ils sont les véhicules de bien des savoirs qui nous font croire qu’on est un homme et non un singe, ils nous sont nécessaires. Par réflexe ou en conscience.
Est-ce bien nous qui les utilisons ou eux qui nous utilisent ? Qui est Geppeto, qui est Pinocchio ?
A la manière d'un Pinocchio, nous pourrions désobéir et nous échapper mais cela ne dure pas. Pinocchio après son escapade rentre au bercail et utilise les outils mis à sa disposition par Geppeto, il en devient si conforme que de bois il devient chair et fait le bonheur de celui qui l'a façonner. Et pourtant Gepetto avait de bonnes intentions!
Les faiseurs de média ont-ils de bonnes intentions? Assurément non en majorité. Alors, ne nous étonnons pas que nous soyons tous des cons. Certains le sont par moment, d'autres toujours mais , ce qui est certain est que cela n’est jamais par hasard.
"Mais moi, je veux être moins con !" Chacun se le dit, une fois de temps en temps ou souvent. Comment faire pour ne pas être con? Ah, si j'avais la recette, je serais moins con!
Pourtant j’ai tout fait comme on m’avait dit. On m'a dit "Va à l'école et tu sauras mieux les choses qui te feront intelligent".
A l'école on ne m'a pas appris à lire la poésie autrement qu'en comptant les pieds avec mes doigts sans me dire que Rutebeuf criait fort, que Baudelaire chantait beau ou que Rimbaud exultait sans extase.
A l’école on ne m’a pas appris les mathématiques autrement qu’en me faisant calculer des intégrales absconses sans me dire qu’elles étaient utiles, dessiner des fonctions emprisonnées dans leur papier millimétré comme pour leur ôter toute relation à la vie.
La poésie et les mathématiques sont riches de millénaires d'existence et nous les enseignons comme si elles étaient nouvelles, comme si elles étaient pauvres et presque sans utilité quotidienne.
Si nous acceptons cela de l’école, ce grand moyen de devenir intelligents, nous sommes prêts à accepter bien pire des médias à qui nous ne prêtons pas, apriori, la vertu de nous rendre intelligents.
Quel lien entre l’école et les médias ? Le lien qui existe entre l’histoire et la modernité.
Ce lien qui nous fait, tant nous sommes indubitablement enfants des deux. Plus ce lien est faible et plus nous sommes des enfants faibles et mal armés.
Tout être vivant est le fruit d’une évolution faite de changements, il y ceux qui ont été et ceux qui sont. Il y a l’histoire qui nous apporte les savoirs et la modernité qui donne vie à ces savoirs.
Mais comment faire mieux que nos ancêtres si nous ne savons pas faire le lien ?
J’accuse l’école comme certains accusent la télévision mais je me trompe, je choisis la facilité car je ne sais pas qui vraiment accuser.
Jamais la diffusion du savoir n’a été aussi grande et croissante. N’est-ce pas la source de mon désarroi à l’explication de ma connerie ? N’est-ce pas cette accélération en dehors de l'échelle d’entendement humain qui me fait encore plus oublier ce lien histoire-modernité ?
Formaté, j'ai oublié que l’histoire n’est jamais continue. Parfois elle respire calmement, parfois elle a des spasmes mais surtout elle fait des apnées. Elle fait des pauses comme des étapes qui permettent aux choses de passer de l’histoire à la modernité justement.
Ne serait-on pas dans une de ses pauses plutôt que dans un tourbillon de changements comme les médias (tiens, tiens…) nous le rabâchent et rabâchent encore ?
« Mais oui Mesdames et Messieurs, vous voyez bien que l’époque est aux changements ! Les frontières bougent ! La mondialisation galope ! La Démocratie se répand à coups de printemps révolutionnaires! L'adapatation professionnelle à outrance est la clé du bonheur social de demain!…»
Que d’affirmations consensuelles ! Qui ne les a pas pensées ? Lui ? Non. Elle ? Non. Moi ? Non !
Mais ne seraient-elles pas le vrai mensonge (sic) en forme de gros manteau qui réchauffe notre connerie pourtant déjà parée d’habits bien épais ?
Pour faire savant dans les salons de cuir ou les forums numériques, on l’appelle pensée unique. Je crois que c’est faux, tout juste est-ce une idée car servie toute chaude à nos cerveaux préparés par l’école et autres bienfaisantes et protectrices institutions. Pour la faire pensée il aurait fallu y réfléchir.
Qui de nous y consacre beaucoup de son temps pour le faire ?
Et si cette idée était fausse ? Si nous n’étions pas dans un tourbillon de changements sociaux et intellectuels mais au contraire ancrés à cette idée unique qui nous ferait aussi immobile et soumis qu’une moule accrochée à son rocher ?
Ce rocher-idée nous fait accepter l’inacceptable car il bannit de toute intelligence l’histoire et la modernité. En nous faisant tourner et tourner dans un océan de changements, elle nous fait sentir la peur de se noyer alors on cherche un rocher. Le voilà, solide et simple à la fois ! Ouf, j’y suis, je m’accroche à cette idée ! J’y suis, j’y reste.
Cette idée stoppe le temps car elle le présente si tourbillonnant qu’il échappe à l’homme et lui fait croire qu’il n’y peut rien que cela se joue en dehors de sa sphère d’actions. Machiavel (qui a étudié en entier "Le Prince" à l'école?) aurait aimé cette idée qui aboutit au contraire de son énoncé.
Petit homme, tu es con comme une moule ! une moule grégaire accrochée avec des milliards de congénères au même rocher.
Mais pourquoi cette idée unique est-elle si pesante qu’elle nous fait accepter ce qui est prétendument être comme ça et pas autrement ?
C’est le poids du consensus! Il transforme les lumières de l’avenir en lumignons de 14 Juillet, les grands desseins en biens matériels prometteurs de bonheur formaté, les aventures en transhumances organisées, les pensées critiques en erreurs intellectuelles.
Accrochés que nous sommes à notre certitude d’être comme nous sommes – qui se voit intelligent et qui se voit con – nous sommes déjà bien contents d’être. C’est la grande capitulation.
« Ah oui mais ça c’est eux pas moi qui le veulent ? », « Ce n’est pas moi qui fait la houle de l'océan, moi j’essaie de vivre sur mon rocher, c’est déjà bien !»
Et si il n’y a avait personne qui faisait la houle ? Et si cette idée unique était si attractive qu’elle aurait déjà envahi les esprits de ceux qu’on aimerait voir (re)faire le monde ? Les politiciens, les professeurs, les journalistes,…
Cette pause du temps intellectuel est devenue si longue que sa banalisation a gagné trop de gens. Nous sommes trop de cons à tous les étages du pouvoir et de la soumission pour que nous puissions réfléchir ensemble. Mettre nos idées communes en commun ? A quoi bon !
Putain, je suis allé à l’école, j’ai appris comment fonctionnait la société, j’ai essayé de faire mes humanités là où il faut, j’ai suivi les routes de l’intelligence indiquées sur la carte… mais je ne sais pas quoi faire ! Je ne sais plus faire appel à mon esprit critique sans passer par la case désespoir !
Je dois vraiment être con car je suis encore con !
Mais je m’en fous, dans une semaine je roulerai en Toscane à 300 km/h sur deux bouts de gomme noire comme ma rose! Au moment de l’extinction du feu rouge, je m’évaderai de cette médiocrité unique et par la grâce d’un coup de pied mécanique au cul, je serai heureux d’être con ! Rhhaaaa Lovely !
Je ne serai pas le con de quelqu’un, je serai con, c’est tout et çà me fera du bien! J'oublierai mon rocher.