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| Fred, t'es un enfoiré ! | |
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Auteur | Message |
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dga
Nombre de messages : 2561 Localisation : 78 Date d'inscription : 12/01/2018
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Dim 27 Nov 2022 - 12:29 | |
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| | | lucky#45
Nombre de messages : 101 Age : 59 Localisation : toulouse Date d'inscription : 22/07/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mar 29 Nov 2022 - 10:40 | |
| - lucky#45 a écrit:
- Je suis en train de relire la carte postale ou Fred est en prison à Daytona (because il avait picolé avant de vous retrouver et picolé en vous retrouvant d’après ce que j'ai compris).
Comment était il rémunéré par Moto Journal?C'était à chaque fois qu'il envoyait un récit ou il avait un fixe? Et comment arrivait il à vous envoyer ses aventures? Hello les moto journaleux, pas de réponse snif.... le sujet est tabou? |
| | | jack177071
Nombre de messages : 1996 Localisation : Lorraine Date d'inscription : 26/06/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mar 29 Nov 2022 - 11:48 | |
| peur d'être condamné pour travail au black ?? de toute façon je crois qu'il y a prescription |
| | | bubu
Nombre de messages : 10177 Localisation : ile de france Date d'inscription : 15/02/2011
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mar 29 Nov 2022 - 15:08 | |
| pas du tout y'a rien de secret : Fred avait sa carte de presse, était le plus souvent rémunéré en piges pour avoir sa liberté, des fois au réel, des fois au forfait, parfois brièvement salarié en cdi, avec lui, c'était fluctuant - mais son salaire c'était qu'une partie de l'iceberg : avec Fred, y'avait des frais, des avances sur piges, et là, on faisait dans le bizarre, dans l'irréel - on m'a d'ailleurs parfois reproché en tant que red chef puis dirlo de l'avoir toujours soutenu, à un moment il avait un an de salaire d'avance, il a apuré tout ça, mais je ne compte plus le nombre de mails où il m'a injurié, me traitant de tantouse, de pédale et autres qualificatifs lgbt, c'était ses injures favorites, parceque j'avais décrété un mois sans note de frais - dans ces cas-là il pouvait péter les plombs - il a un jour braqué mon prédécesseur Claude Austin avec un Colt Frontière chargé parce qu'il avait, injure suprême, osé repousser un de ses papiers d'une semaine quelques temps après, il était venu à un séminaire de rédaction avec ce colt chargé à bloc et avait vidé le barillet en tirant en l'air à la sortie de la classe ... dire qu'il était parfois insupportable c'est comme dire que nadal joue parfois bien au tennis |
| | | lucky#45
Nombre de messages : 101 Age : 59 Localisation : toulouse Date d'inscription : 22/07/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mar 29 Nov 2022 - 17:49 | |
| wouah!!!!!! ah oui quand même ,il était vraiment dans l’extrême dans tout....Et comment il vous envoyait ses récits fin des années 70 alors? parce qu'à l'époque il y avait pas grand chose.Le moindre coup de téléphone devait couter un bras.Telex?Pigeons voyageurs ? |
| | | Le Xav
Nombre de messages : 1113 Localisation : La verte Picardie Date d'inscription : 26/01/2013
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mar 29 Nov 2022 - 18:44 | |
| Par pneumatique ! |
| | | bubu
Nombre de messages : 10177 Localisation : ile de france Date d'inscription : 15/02/2011
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mar 29 Nov 2022 - 18:46 | |
| j'oubliais les PCV... mais sinon fred envoyait textes et photos par la poste et ça arrivait toujours, après il a eu des ordis, donc un mail, et c'est vrai que c'était plus facile et plus rapide pour m'injurier, ou injurier le red chef, ou les deux, c'était selon ... allez y'a prescription.... un jour on reçoit un paquet bizarre à MJ venant des zuhéssa - un gros tube de carton assez lourd - en déclaration de douane y'a écrit US flags with wetallic poles - de fait y'a plein de drapeaux américains avec des bouts de tubes, et au milieu un canon long pour le colt avec un petit mot disant que c'est pour un pote quand il était en Inde il me mettait régulièrement une fine plaquette de manali ou de népalais avec ses photos - un jour arrive un maousse paquet à destination du red chef, sans nom - en gros dessus y'a le sigle Radjoot Motorcycles et déclaré en douane "magazines and advertising books" from Radjoot Company - quèzaco ? j'ouvre le truc et planqué au milieu des cartons et prospectus tous estampillés Radjoot je trouve une plaque enveloppée dans diverses couches et films d'alu et de plastique - je déballe et je découvre un bon kilo et demi d'opium avec un petit mot "fume ce que tu peux et vend le reste, ça me fera un peu de pognon quand je rentrerai en france" quand une dizaine de potes bien allumés t'ont chacun acheté deux ou quatre grammes, tu fais quoi des 1460 restants ? j'ai dû passer à l'étage supérieur via un gros dealer de shit qui fournissait des potes, qui a refusé d'y toucher, il touchait pas aux opiacés, trop dangereux pour lui, mais il m'a donné le contact avec un vieil opiomane qui avait fait partie de la bande à Cocteau, un drôle de mec qui est venu un soir au journal, a testé la came et pour finir a tout pris pour une somme relativement petite, m''expliquant que c'était de l'opium indien à manger et pas à fumer, que ça valait pas cher, bref il m'a bien baratiné pour payer le moins cher possible mais quand Fred est rentré en France il était tout content de récupérer ce fric - cet opium est resté un bon moment dans l'armoire de mon bureau au journal, tous ceux qui passaient me disaient "ça sent bizarre ici" , de fait l'op ça daube pas possible, quand on le fume c'est encore pire et celui là particulièrement hé oui, c'était ça aussi moto coin-coin à la belle époque ça devait être en 82/83 cette histoire, on peut le dater en recherchant les cartes postales du Népal et tout ça, la rencontre avec le Petit Prince et puis un matin Boulmé est arrivé au journal, y'avait un gamin blondinet debout sur un bureau qui balançait des verres d'eau à ceux qui passaient et Meboul a dit "sauve qui peut, Fred est revenu avec son marmot" et le mec qui m'a acheté tout ça , pris de remords m'a offert une pipe ayant appartenu à Cocteau, qui lui avait offet sa propre collection tout le monde peut pas dire "moi j'ai eu une pipe par Cocteau" et posthume encore, yerk yerk , une des expressions sataniques favorites de fred
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| | | lucky#45
Nombre de messages : 101 Age : 59 Localisation : toulouse Date d'inscription : 22/07/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mar 29 Nov 2022 - 19:24 | |
| oh punaise j'en ai pleuré de rire merci Bubu pour les anecdotes.Magique!!!!!! |
| | | BOOZE
Nombre de messages : 938 Localisation : Nord 91 Date d'inscription : 03/05/2011
| | | | Joel Enndewell 2424
Nombre de messages : 3150 Age : 78 Localisation : LOT Date d'inscription : 02/03/2020
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 11:59 | |
| A oui ça été très loin cette histoire. Quelle vie de déglingué |
| | | yannick tmax
Nombre de messages : 73 Age : 64 Localisation : loudeac Date d'inscription : 16/09/2015
| | | | Joel Enndewell 2424
Nombre de messages : 3150 Age : 78 Localisation : LOT Date d'inscription : 02/03/2020
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 12:49 | |
| BUBU ! Ne dévoile pas tout Écrit un livre sur la vie de MJ |
| | | bubu
Nombre de messages : 10177 Localisation : ile de france Date d'inscription : 15/02/2011
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 13:01 | |
| si j'écrivais un truc sur MJ, ce serait mon histoire avec MJ, donc très subjectif.... mais on va encore me reprocher de me mettre en avant , comment il dit déjà didier ? |
| | | tripotemascagne
Nombre de messages : 1819 Age : 66 Localisation : nouvelle aquitaine Date d'inscription : 29/08/2010
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 15:36 | |
| Le livre des 50 ans de Moto Journal est quand même pas mal... |
| | | DidierF
Nombre de messages : 7864 Localisation : Paris 11ème Date d'inscription : 10/02/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 15:54 | |
| - bubu a écrit:
- si j'écrivais un truc sur MJ, ce serait mon histoire avec MJ, donc très subjectif....
mais on va encore me reprocher de me mettre en avant , comment il dit déjà didier ? C'est une attaque ignoble. Ou tu fais l'âne pour avoir du son, ou tu es un âne. Je ne te reproche pas de te mettre en avant, je t'ai reproché de l'avoir fait quand tu n'étais pas le sujet. D'ailleurs, pourquoi me défendre ? Tous les lecteurs auront vu la manœuvre. Bouh ! À poil eul' bubu ! Et goudron, et plumes ! |
| | | dga
Nombre de messages : 2561 Localisation : 78 Date d'inscription : 12/01/2018
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 16:28 | |
| Vous allez arrêter les deux chochottes ? On n'est pas là pour ça. |
| | | lucky#45
Nombre de messages : 101 Age : 59 Localisation : toulouse Date d'inscription : 22/07/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 16:34 | |
| ah ah ah! Pour ceux qui ne suivrait pas cette joute verbale (comme moi pendant un petit moment),rendez vous sur le post "Des livres sur la course moto" ça démarre depuis le lundi 28/11.Bravo messieurs ,vous allez arriver à pourrir 2 post sur la même semaine ,j'aime cette attitude |
| | | Sacha
Nombre de messages : 87 Date d'inscription : 28/09/2022
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 16:48 | |
| Moi il n'y a pas très longtemps que j'avais vu la vidéo avec Inser, alors je ne vois pas trop ce que Didier reproche à Bubu ! Par contre la période "Hardeur" du gars Jacques n'a pas été traitée et on aurait aimé que le sujet soit agrémenté de photos d'Insermimi debout sur les freins pour leur refaire l'intérieur.... |
| | | DidierF
Nombre de messages : 7864 Localisation : Paris 11ème Date d'inscription : 10/02/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 17:00 | |
| - dga a écrit:
- Vous allez arrêter les deux chochottes ? On n'est pas là pour ça.
À poil Ganneau ! (J'espère qu'il y a bien deux 'n' à ton nom, Didier-san.) |
| | | bubu
Nombre de messages : 10177 Localisation : ile de france Date d'inscription : 15/02/2011
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 17:48 | |
| - Sacha a écrit:
- Moi il n'y a pas très longtemps que j'avais vu la vidéo avec Inser, alors je ne vois pas trop ce que Didier reproche à Bubu ! Par contre la période "Hardeur" du gars Jacques n'a pas été traitée et on aurait aimé que le sujet soit agrémenté de photos d'Insermimi debout sur les freins pour leur refaire l'intérieur....
Jacques ne tient pas à revenir sur tout ça, donc j'ai respecté ce souhait ça ne l'a pas empêché de m'en raconter quelques unes croustillantes console toi avec le titre de ce film : l'arrière train sifflera trois fois |
| | | dga
Nombre de messages : 2561 Localisation : 78 Date d'inscription : 12/01/2018
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 17:58 | |
| @ didierF : oui, y'a bien deux "n", mais vous me désolez tous les deux à vous friter comme les mégères dans l'hécatombe de Brassens, alors que j'appréciais globalement l'un et l'autre jusqu'alors.
Quitte à combiner deux topics, et pour calmer les esprits, j'engagerais volontiers tout le monde à relire les très belles pages que Fred avait écrites à propos d'Alep. Ce qui nous ramène au docu d'Ushuaia TV, dans lequel -si Tesson est parfois irritant- la "carte "postale" de Palmyre et de la Syrie est tout à fait poignante. Ok, le ton de l'ensemble rappelle un peu trop les "séquences émotion" de Nicolas Hulot, mais l'info passe et c'est l'essentiel. |
| | | lucky#45
Nombre de messages : 101 Age : 59 Localisation : toulouse Date d'inscription : 22/07/2016
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 18:27 | |
| tres bonne idee !merci Dga
Alep, dimanche
Alep, seconde ville de Syrie, première à mon hit-parade personnel. Depuis longtemps, je voulais y retourner, j’y suis arrivé, j’y reste…
Je n’avais pas de quoi payer les cinq litres d’essence dont j’avais besoin pour faire Lattaquié- Alep, mais j’avais entre autres un stock de bougies de rechange. L’Arabie, c’est le berceau du troc. Quoi de plus simple que d’échanger des bougies, même ultra-froides et à culot court, contre de la liqueur de derrick ?
Le pompiste n’a pas hésité une seconde, à vrai dire, il ne m’était même pas venu à l’idée qu’il puisse refuser. L’argent n’est guère qu’un vecteur entre une marchandise et une autre, alors, quand on peut s’en passer, on s’en passe.
En trois tours de roues et demi, on est arrivé à Alep, traversant des paysages qui auraient pu être ceux du Massif central. Alep est construite comme un village, sans buildings de 500 mètres de haut.
C’est un dédale de petites rues, de petites places, d’arcades et de passages à couvert. Un village d’un million d’habitants.
La plupart des rues n’ont pas de nom, quand on écrit aux copains, ça donne des adresses folkloriques du genre : Syrie, Alep, Khaleb et Absi, près de la gare Bagdar, à côté du marchand de pneus, derrière le cinéma « Ech Cahrk ». Authentique !
A première vue, c’est poétique, mais pas rationnel pour une piastre. En fait, c’est très pratique. Je le prouve : imaginez qu’en France vous alliez rendre visite à un pote dont vous savez tout juste qu’il habite 2, rue des remparts à Monthey-sur-les-Monneaux. Vous arrivez dans le bled en question, il est onze heures du soir, par miracle vous trouvez un quidam dans la rue, et lui demandez s’il connait la rue des remparts. Comme de juste, la rue mesure trente-sept centimètres de long, il n’y a qu’un teulé et deux pondus qui y habitent.
Vous êtes fait, je parie même que vous n’avez plus de sous, plus d’essence, y’a plus qu’à coucher dehors, mon pote ! Maintenant, imaginez que l’adresse de votre pote soit une adresse à l’arabe : « près de l’église, à côté du marchand de motos ». Vous ne croyez pas que ça vous donne plus de chances de trouver quelqu’un « qui connait » ?
Bon, c’est pas tout ça, on est en Syrie, on va donc parler de la Syrie pendant un bon moment, je n’ai pas l’intention de la traverser en coup de vent, because… Vous avez deviné, j’aime beaucoup la Syrie. Ici donc, comme en Italie, objectivité ma fi.
Objectivité, d’ailleurs connais pas, moâ messieurs. Le jour où le Bon Dieu a fait la distribution, j’étais tombé en panne sous la, pluie du déluge à cause d’un fil de bougie poreux qui tirait des arcs sur les ailettes de culasse au lieu de convoyer sagement la foudre essentielle jusqu’au feu central qui fait marcher la machine.
Bref, quand je suis arrivé, le Grand Barbu avait déjà distribué tous ses stocks de sérieux, de raison, d’objectivité. A vrai dire, y’avait presque plus rien dans ses sacoches à Dieu le Père, en grattant bien au fond, il a trouvé un vieux stylobille et une graine de folie qu’il m’a donnés en disant « faudra faire avec ça mon Poth » (poth ça veut dire ami en hébreu).
Il avait les mains bougrement sales, il ne s’est pas gaffé que sous ses ongles, il charriait un bouillon de culture de virus de Sioux, le virus de la moto. Je vous raconte ça pour vous montrer à quel point, souvent, le cours de notre existence ne tient qu’à un fil.
Enfin j’aime la Syrie. D’abord les Syriens sont beaucoup plus cultivés que les Français, la preuve en est que tous ceux que j’ai rencontrés parlaient couramment l’arabe, alors qu’en France c’est beaucoup plus rare, quoi qu’en disent Le Pen et ses joyeux lurons.
Brèfle, avec le système d’adresses syrien, ça a été très facile de trouver la maison de mon pote Mamoun.
Mamoun, Puce et moi avions fait sa connaissance dans la rue, à Alep, il y a trois ans, lors de mon voyage de noces avec Puce en Jordanie.
Les Syriens sont fichtrement sociables, aiment prendre contact avec les étrangers, pour un oui ou pour un non, ils vous invitent à prendre le thé, à manger et à dormir chez eux.
Comme ça, Puce et moi avions vécu deux ou trois jours chez Mamoun il y a trois ans, ensuite on s’était écrit en gros une fois par an, histoire de se dire qu’on n’était pas mort. Et tac, comme ça, au débotté, Mamoun a retrouvé, trois ans après, la Puce et moi devant sa porte.
Que pensez-vous qu’il arriva ? Ben voyons ! on s’est retrouvé en famille ! On m’a réservé un lit, avec un cosy magique. Je dis magique parce qu’il n’y pas d’autre explication : quand je suis arrivé ici, il y bien des jours maintenant, je ne compte plus, je n’avais pas un sou en poche, et ceux que j’ai honteusement gagnés le mois dernier en vous racontant des bêtises sont encore en train de naviguer entre Paris et Alep.
Gîte, couvert, aucun problème puisque je suis chez un ami, mais j’étais angoissé par les clopes. Eh oui les clopes, parce que je suis un membre du club des « un paquet par jour », je voyais en cette matière la disette profiler son spectre décharné sur la page blanche des jours non encore vécus.
Bien sûr, ici, on n’allume jamais une cigarette sans en offrir à la ronde, mais que fumerai-je quand je serai tout seul, comme maintenant ? ( Je mens, d’ailleurs, je ne suis pas seul, à la table où j’écris, il y a les deux petits frères de Mamoun, Zacharie le plus jeune à ma droite qui repasse sa leçon de géographie et Mohamed en face qui fait du canevas, mais ils ont vingt quatre ans à eux deux et ils ne fument pas).
C’est là où je me suis aperçu de l’existence du cosy magique. Figurez-vous que ce cosy a le pouvoir de fabriquer des paquets de clopes. En arrivant ici, j’y ai mis mon dernier paquet avant constat de faillite. Je suis sorti, quand je suis revenu, il y avait deux paquets.
Le lendemain, quatre. Depuis, j’ai beau fumer et offrir des cigarettes à tout ce qui bouge, il y a toujours des paquets de cigarettes dans le cosy. Aujourd’hui, il y en a six. C’est magique, y’a pas ; comme tous les trucs magiques, ça ne marche que quand on ne regarde pas. Les paquets de clopes se multiplient uniquement quand je ne suis pas là.
Il y aussi la patère magique. Deux fois déjà, y ayant accroché mon blouson, j’ai ensuite trouvé dans mes poches de l’argent que je savais, et pour cause, ne pas y avoir mis. J’ai eu beau questionner toute la maisonnée, personne n’avait mis de l’argent dans mes poches. La magie restait la seule explication possible.
Maintenant, dans la maison, nous sommes dix résidents officiels :Mamoun, ses parents, sa femme, ses trois frères, Cham la chatte, Puce et moi. A vrai dire, les recensements sont difficiles à faire : la population de la maison évolue chaque seconde, du rare vide complet jusqu’à trente personnes.
Sur la porte, il y a un heurtoir en cuivre qui fait « tactac » sans consommer d’électricité. Toute la journée, on l’entend tactacquer, pire que dans une samba brésilienne.
Sept heures du matin, tactac ! c’est la voisine du dessus . Vous n’auriez pas du café ? Tfaddali, entre ! On lui donne un sachet, justement les lève-tôt sont en train de prendre leur café « à la turque », ne pars pas tout de suite, prends une tasse avec nous ! On boit le café, les cigarettes circulent, on bavarde, tactac ! Ce sont deux copains d’Abdo, le frère ainé, entrez ! On refait du café, on bavarde, tactac ! tiens en voilà un que je n’ai jamais vu, tfaddal, entre ! On me le présente « c’est le beau-fils de la cousine de ma tante Naala, tu te souviens, celle qui est venue avant-hier soir ? ».
Toute la journée, c’est comme ça, tactac, il arrive des gens de toutes parts. Les femmes ne travaillent pas au dehors, les enfants n’ont que des demi-journées de classe (matin ou après-midi par roulement) c’est le va-et-vient continu.
L’immeuble où l’on vit est une espèce de communauté. A une heure du matin, on vient encore s’emprunter du pain. L’autre jour, on fêtait l’anniversaire de Zacharie, le benjamin, qui entrait d’un pied vaillant dans sa onzième année d’existence.
Côté musique, on n’était pas très outillé, ici l’on n’a qu’un transistor de poche que l’on pose sur l’embouchure d’un verre vide pour amplifier le son. Alors, les enfants sont allés faire tactac chez les voisins pour revenir avec deux de ces énormes radio-cassettes stéréo qui font la joie du monde arabe, des trucs gros commak bourrés de gadgets style vu-mètres, trouillomètres et multiples indicateurs lumineux qui ne servent pas toujours à grand-chose, mais les rendent diablement imposants.
Ici, on ne cherche d’ailleurs pas à savoir à quoi tout ça peut servir, on laisse les vu-mètres dépasser la zone rouge et les indicateurs de crête à LED clignoter comme des sapins de Noël, ça donne du 99% de distorsion par harmonique, à priori un abominaffreux supplice pour l’ex-hifiste que je suis, habitué aux taux de distorsion dont le chiffre commence par zéro virgule, mais on s’en tape, ici l’étalon en matière de haute fidélité, c’est le haut-parleur de la mosquée voisine, fidèle à 100% puisqu’il récite des chapitres entiers du Coran sans jamais omettre une syllabe.
On a fait une nouba de tous les diables, sans champagne ni vodka-orange, puisqu’ici on est musulman. Même avec seulement avec du thé à boire, notre nouba a été réussie, tactac ! tactac ! ça n’a pas désempli.
Chez nous, le soir, y’a pas la télé. Heureusement, parce qu’on est déjà assez nombreux à parler, si on mettait Guy Lux par-dessus tout ça, y’aurait plus qu’à tirer l’échelle. Le soir, soit on va veiller chez les voisins, parents ou amis, soit ce sont eux qui viennent veiller chez nous.
On parle, on joue aux cartes, au jacquet, aux échecs… je suis devenu une vraie bête au « konkin » qui chez nous s’appelle le rami.
Bref, comme des hommes préhistoriques ou comme des petits enfants, on s’amuse avec des bouts de bois ou de carton, ou même avec rien du tout, comme on le faisait il y a longtemps dans les pays modernes, où l’on reste terré chez soi devant 40 kilos de semi-conducteur qui débitent l’Evangile selon Saint Valéry.
Des hommes des cavernes qu’un est. On va vers l’homme lorsque l’on veut voir quelqu’un, alors qu’on pourrait le recevoir par voie hertzienne avec de belles couleurs sur un tube PIL, avec l’avantage de ne pas être gêné s’il a mauvaise haleine. Comme des bêtes on vit.
Pire que des motards qui s’échinent à se réunir dans des endroits pas possibles alors que chez eux, y’a Monsieur Thomson-CSF qui pourrait les emmener au bout du monde sans qu’ils aient besoin de se geler le nœud sur une moto. Franchement, c’est le moyen âge. Faut dire qu’ici, selon le calendrier coranique accroché au mur, on est en 1394…
Ici, y’a pas la télé parce que c’est trop cher, bien sûr y’en a qui l’ont, d’autres qui voudraient l’avoir, qui en rêvent, sont persuadés que ça changerait leur vie. La tentation de l’occident, la voiture, la télé miracle, transmutation, vie nouvelle.
Même si le voisin vous dit « j’ai essayé, ça ne marche pas, la télé c’est l’univers des paralytiques et l’auto est le fauteuil ghetto des culs de jatte, n’y va pas, c’est un piège ! », on fonce, on plonge parce qu’on n’est pas assez riche pour ne pas avoir l’envie, ni essayer sans avoir à se plonger jusqu’au cou.
On se retrouve comme un con avec une vie aussi vide qu’avant et deux ans de traites sur le dos, travaille fainéant ! Méfiez-vous, les gars, quand je vous parle de l’auto, c’est par racisme, mais la bécane 1300 Tartempion, si elle doit vous coûter un an de salaire, c’est le même piège. Ne laissez pas les marchands de melons vous faire devenir, comme disait Prévert, chauve à l’intérieur de la tête. Holà, holà, c’est qu’il deviendrait philosophe, le mec.
Tiens : « Mazoooot !... Mazooooot ! » Voilà le marchand de mazout.
Ici, pour les fournitures essentielles, il n’y a pas besoin de se déplacer : c’est le marchand qui passe dans les rues, en criant ce qu’il a à vendre : du « mazot », des fruits, du savon… Il y a aussi le fripier, qui achète les fringues usagées pour les retaper et les vendre sur le marché ou dans la rue.
Il y a énormément de boutiques à Alep, énormément aussi de marchés couverts, néanmoins la majorité de ce qui n’est pas encombrant se vend à ciel ouvert, dans la rue, à la criée. Ici, une exposition de chaussettes, comme ce n’est pas cher, le marchand crie le prix « Léra ou neuss ! » (1,50 F). A côté des cigarettes américaines de contrebande « Kent, Marlboro, Lerten ! » (2F).
Après, ce sont les pâtisseries, 25 centimes la petite portion, les graines de sésame qui sont le chewing-gum de l’Orient , les sandwichs œuf dur, salade, piment, un Franc, les fringues d’occasion, accrochées aux grilles d’un jardin public, les cireurs de chaussures, les bonbons, le savon, les journaux…
Il va de soi que dans ces conditions, la rue ne peut pas être d’une propreté de clinique suisse. Je vais vous avouer un péché honteux, non pas celui-là, un autre : j’aime bien les villes un peu crasseuses, parce que la crasse est une des manifestations les plus évidentes de la vie. La solution définitive pour avoir une ville propre, c’est la bombe à neutrons. Plus de vie, plus de crasse.
Ici, il y a des chevaux et des ânes, donc des crottins par ci, par là. On vend du chiche-kebab sur le trottoir, il y a donc des cendres, etc. Évidemment, tout ça donne à la ville un parfum épicé que d’aucuns trouvent choquant, mais j’aime bien : je trouve que les villes dites propres sentent la mort…
Je vais vous raconter une histoire de crasse qui n’a pas grand-chose à voir avec notre propos, mais qu’importe. Au printemps dernier, lorsque j’ai décidé de remettre les voiles avec la Puce, je l’ai mise en pièces pour la remettre en état.
Lorsque j’ai déposé le boîtier du filtre à air, j’y ai retrouvé une myriade de ces petites teignes végétales qui poussent dans les buissons du Sahel. Je suis resté deux heures à les regarder, fichées dans la mousse de la cartouche filtrante. Il y avait aussi du sable rouge et du gas-oil.
J’ai revu Bobo-Dioulasso, Ferkessédougou, Ouagadougou, Filingué, la piste de sable rouge, la panique des camions qui traînent un panache de poussière de trois kilomètres de long derrière eux, on en bouffe pendant un quart d’heure avant de les rattraper et de les doubler en risquant de partir à dame, complètement aveuglé.
La nuit passée dans le désert avec François 500 Ducati, des méharistes avaient dormi à côté de nous et nous avaient offert à bouffer une sorte de béton pimenté qui desséchait la gorge pas croyable. Cela nous inquiétait parce qu’on n’avait pas beaucoup d’eau avec nous… Souvenirs…
Tout ça pour cinq grammes de crasse retrouvés dans un filtre à air. Clop, clop, clop…
Mazoooot, mazoooot ! Le marchand de jus de pipeline s’en va. J’avais oublié de vous dire, c’est un cheval qui tire la citerne de fuel, eh, oui…
ALEP SAMEDI
Depuis ce matin, il pleut sur Alep. Rien à craindre pour la Puce qui couche à l’intérieur de la maison. Depuis que je suis arrivé à Alep, elle se repose, la pitchoune. D’une part parce qu’il fait bon marcher, à Alep, d’autre part parce que s’y promener à moto en attendant que les locaux soient de nouveau autorisés à chevaucher la plus belle création de l’homme, est à peu près aussi discret que se trimbaler à poil, peint en vert et avec des plumes d’autruche coincés entre les meules.
Sapé comme un Syrien moyen, je peux déambuler invisible dans la ville. Évidemment, je ressemble plus à Ho Chi Minh jeune qu’au président Hafez El Assad, mais on fait ce qu’on peut….Cela dit, il n’y a pas de Syrien type.
Quand on vit en Europe, on a un peu facilement tendance à imaginer tous les Arabes « pas franchement louches, mais franchement basanés ». Alors là, les mecs, je crie casse-cou : des Syriens, il y en a de toutes sortes, des bistres à cheveux noirs comme ceux de Coluche, mais aussi des tout clairs cheveux roux qu’on prendrait pour des Irlandais, des bruns-clair teint pâle qu’on croirait français, de tout, quoi.
Par ci par là, on trouve même des vieux qui ont été élevés chez les sœurs de Marie couche-toi-là, et jaspinent le françoziche comme vous et moi, sauf que du pays de la fine-champagne et du clos Vougeot, ils n’ont vu et ne verront que des cartes postales, ou les polychromes des bouquins d’histoire, nos ancêtres les Gaulois, etc.
Tiens, je vous avais dit qu’il faudrait que l’on parle de véhicules un de ces quatre. Eh bien parlons en, en partant du bas de l’échelle.
A la base de la pyramide, plus bas que terre, il y a le véhicule sans véhicule, je veux parler de l’homme. Ici, comme dans tous les pays où la motorisation en est relativement à ses débuts, le piéton n’est rien, moins que rien ; il n’a que le droit de sauver sa misérable vie comme il peut.
Ici, les feux rouges sont rares, rares aussi les passages cloutés qui de toutes façons ne donnent aucun droit effectif au bipède sans véhicule. Pour circuler en sécurité, il est bon de posséder une licence en tauromachie et, surtout, surtout ne pas être sourd.
L’automobiliste qui voit un piéton ne ralentit pas, il klaxonne. Si le piéton ne se pousse pas dans les plus brefs délais, c’est qu’il désire mourir, que son âme est pure et qu’il ira donc tout droit dans les jardins d’Allah. Ce ne sera pas un accident, mais une euthanasie, le chauffeur ne sera pas un chauffard, mais un envoyé du ciel.
A noter que la plupart des véhicules, ci, ne sont pas assurés. A quoi bon ? Si un automobileux envoyait un piéton dans les jardins d’Allah, là où il trouvera des jardins parcourus de courants d’eau et des femmes vierges de toute souillure, c’est encore l’écrasé qui serait redevable, non ?
Si le piéton avait une âme noire vouée à la géhenne où l’attendent des supplices éternels, c’est bien fait pour lui. Dieu sait ce qui est en nous…. Ne dramatisons pas. Depuis plus de trois semaines que je vis à Alep, je n’ai pas vu l’ombre d’un piéton écrasé.
Alep n’est pas Le Caire. Les Alepois, faute de conduire très très bien, le font au moins prudemment, et, avec l’aide de Dieu, écrasent très peu de monde, d’autant moins que les piétons connaissent bien la règle du jeu, et savent évoluer dans la circulation comme des toréros dans une arène.
Ensuite, il y a les vélos. Première caractéristique, ils sont au dessus de toute réglementation. Sens interdits, trottoirs jardins publics, le vélo donne accès à tout. Dans les marchés couverts où l’on se côtoie coude-à-coude, les vélos passent aussi, contournant individu après individu, signalant leur arrivée imminente à coup de sonnette, de pouet-pouet, ou simplement à grands coups de gueule.
Sans lois, mais sans droits également. Comme les piétons, les vélocipédistes sont généralement habiles comme des artistes de cirque. L’autre jour, Puce et moi abordions avec circonspection un rond-point dangereux. Un gamin à vélo nous a doublés à fond à fond et a abordé la place à vitesse V+N, une Mercedes noire est arrivée à toute vitesse sur sa droite. Je le voyais mort, le petit Eddy Merckx ; eh bien ballepeau ! A un poil de fesse du char d’assaut made in Stuggart, crac ! il a fait, à grand coup de rétropédalage, un arrêt en travers impeccable, sans oublier d’insulter copieusement le mercedesseux qui avait coupé son élan.
Ensuite, il y a les ânes, attelés ou pas ; c’est un véhicule peu cher à l’achat, économique, d’entretien réduit, et qui met dans la circulation urbaine une fantaisie de bon aloi . Comme chacun sait, cet étonnant véhicule avance généralement quand on veut le faire reculer, recule quand on veut qu’il s’arrête, et met de dix secondes à trois minutes à démarrer au feu vert, ce qui permet aux automobileux qui se trouvent dans la file de contrôler le bon fonctionnement de leur klaxon.
De plus, l’âne est parfois sujet à des rêveries érotiques érectogènes, qui permet à la foule d’admirer avec amusement ou/et envie le très généreux équipement phallique de ce vigoureux animal. Lorsque ce genre de songe le prend à l’occasion d’un arrêt à un carrefour, Ali-beau-rond refuse généralement de repartir au feu vert, pour ne pas interrompre son beau rêve.
D’où rigolade généralisée de la part des badauds au carrefour, flics inclus, et des passagers de la voiture qui attend derrière, au spectacle de l’asinus à cinq pattes. Il n’y a que les automobileux situés plus loin dans la file qui klaxonnent, probablement parce que leur position éloignée ne leur permet pas d’assister à cet édifiant spectacle.
Il faudrait que les zoologues se penchent sur ce phénomène particulièrement digne d’intérêt, à mon avis le copieux appendice zobinatoire de l’âne lui sert aussi de frein de parking.
Les motos…. Il n’y en a pas ou plutôt peu, à la suite de l’interdiction dont je vous ai parlé à Lattaquié. Les seules qui demeurent sont celles des flics et des employés d’état, reconnaissables à leur plaque d’immatriculation verte. Si, il y a une moto privée à Alep ; c’est une 72 cc Yamaha bleue, immatriculée en France dans les Haut-de-Seine. C’est Puce.
Les triporteurs. On en trouve deux genres différents, l’un propulsé par un 50 cc Sachs refroidi par turbine, l’autre par l’antique 500 Guzzi Falcone. Les premiers sont une plaie affreuse. Ils se traînent à quarante à l’heure en pleine colère dans un bruit d’enfer et, à la moindre montée, on les entend hurler à la mort à fond de régime en première, suivis par un nuage de fumée qui ferait pâlir d’envie un employé des P et T iroquois, ceci à la vitesse d’un cul de jatte qui dispute le championnat du monde des courses de lenteur.
Ces ratagaz ont une transmission directe par chaîne, sans différentiel, alors sur les pavés gras de la vieille ville, quand ils tournent un coin de rue, ils ont tendance à se mettre en travers.
Les gros triporteurs, avec le 500 Falcone, Dieu quelle classe ! Ils font résonner les murs de la ville de la noblesse de leur pom-pom. De plus, ils sont souvent décorés à l’arabe, et souvent chargés de fruits et légumes, ils sentent bon.
Après les triporteurs, il y a les Suzuki. Ce sont des mini-camionnettes de 550 kg de charge utile comme Honda a commencé à en importer en France. Des Honda, on en trouve ici aussi, mais peu ? Les p’tits Suzuki ont bouffé tout le marché, on en voit partout. Du coup, on n’appelle pas ce genre d’engin minivan ou mini-camionnette, on appelle ça un Suzuki, tout simplement. Ils sont vraiment jolis comme tout, ces Suzuki, tellement que les Syriens n’éprouvent presque pas le besoin de les personnaliser, c’est dire !
Les Honda sont tout beaux aussi, mais là où les Suzuki les écrasent, c’est pour le bruit. A la place du teuf-teuf du bicylindre quatre temps Honda, un trois pattes deux temps avec un échappement trois en un, je en vous dis que ça, mes chéris. Les concertos pour hautbois de Cimarosa, à côté, sont aussi moches à entendre qu’un duo de marteaux-piqueurs. De plus, pour moi, c’est pratique. Quand j’ai besoin d’huile 2 temps pour ma Puce, je demande …. De l’huile pour Suzuki.
Maintenant, nous allons aborder le véhicule roi des pays que l’on appelle par une douce euphémie « en voie de développement », comme on appelle « non voyants » les aveugles.
Hola ! N’allez pas croire que je regarde les gens d’ici de haut, fort du fait que de chez moâ à Pantruche je peux avoir au téléph’ la Californie ou le Japon en dix secondes alors que d’ici il faut une demi-plombe, si le vent est favorable, pour avoir Damas, qui est à 350 bornes.
Non ! Nous, on a le téléphone automatique, trois chaînes de télé en couleur où l’on peut voir Giscard à toute heure du jour, des machines à laver la vaisselle, mais on n’est pas plus avancé que ça.
Seulement, notre civilisation de riches pour les gens d’ici comme une vitrine de jouets pour un fils de pauvre. Il y a vingt ans, en France, il fallait avoir une automobile pour être quelqu’un, et les en-auto écrasaient les sans-auto de leur mépris de parvenus. Aujourd’hui, ça se calme. Disons qu’ici comme dans beaucoup d’autres pays, c’est comme en France il y a vingt ans.
Allons-y donc pour Sa Majesté l’automobile. Ici, une voiture sur deux est un taxi. Il n’est pas outrageusement difficile de devenir taxi en Syrie, il suffit d’avoir un permis de conduire et une automobile, quelqu’en soit l’âge ou l’aspect. Taximètres ou autres accessoires, fi donc ! On reconnait les taxis à leur plaque d’immatriculation rouge, et au fait qu’ils sont toujours pleins.
Ce sont des taxis « service », c’est-à-dire qu’ils ne prennent que rarement un seul client à la fois. Il y en a partout, quand vous en voyez passer un, vous lui faites signe et lui dites où vous allez. Si c’est vaguement son chemin, vous montez, ça vous coûtera de un à trois francs. Si vous voulez voyager seul, c’est évidement beaucoup plus cher et le prix se discute à la tête du client. Ici, on prend facilement le taxi pour de longues distances, si l’on discute bien, ça revient à dix centimes du kilomètre.
Les taxis longue distance se regroupent dans un point précis de la ville, les chauffeurs assis sur l’aile de leur bagnole, crient leur destination. Il n’y a qu’à s’installer, lorsque la voiture est pleine, on part….
En France, comme les tarifs des taxis sont imposés, si on a le choix, on prend la plus belle bagnole. Ici, c’est le contraire : plus la voiture est moche, plus on a des chances de faire baisser les prix, et des moches, je vous garantis qu’il y en a.
Des seringues de trente ans d’âge, ravaudées, rapiécées, restaurées, dont on se demande ce qu’elles font encore dehors à leur âge.
Sûr, il y en a encore de toutes belles, toutes neuves, des Chevrolet, des Cadillac dernier cri, des VW Golf flambant neuves mais, à cause des taxes d’importation énormes, elles sont si chères que la marché de l’occasion marche le feu de Dieu.
Tout ce qui a quatre roues et un moteur jeune ou vieux vaut son pesant de pierres précieuses. Une 504 Peugeot en bon état est un bijou sans prix. Une Opel Kapitan de vingt ans d’âge dont chez nous on proposerait quinze sacs en faisant la moue, arrive encore à coter ses cinq mille balles. La bonne vieille Ariane Simca est très cotée : beaucoup de place et consommation raisonnable.
Malgré le litre de « super » à 90 centimes, on y pense... Les vieilles américaines diesélisées par les bricoleurs dont l'Orient n'est pas avare, tiennent fermement la rampe, même si elles flirtent avec les trente printemps. Il faut que ça roule et qu'il y ait de la place. Il est aussi essentiel d'avoir un bon... Klaxon !!!
Ah ! Le Dieu Klaxon... Au fil des années, son royaume se restreint. Il est en train, par exemple, de perdre la Grèce. Etrange en effet, mais ces dernières années, les Grecs klaxonnent de moins en moins, c'est à dire encore beaucoup, mais tout de même nettement moins qu'avant.
En Orient, par contre, sa Majesté tient bon. Ici, si une bagnole crache un litre d'huile aux cent mètres par le pot d'échappement, on ne s'alarme guère. Si la moitié des pignons de la boîte gît au fond du carter en compagnie d'une bielle ou deux, tout est encore possible : ça peut attendre.
Mais si le klaxon tombe en panne, il faut se ruer séance tenante chez le réparateur : la patrie est en danger. Vous savez comment se dirigent les chauves souris : elles émettent des ultrasons, qui en se réfléchissant sur les obstacles, permettent de les détecter et d'en déterminer la distance.
Eh bien au Moyen-Orient, c'est comme ça que l'on conduit. Quand on débarque ici, surtout ne pas se dire « moi c'est pas pareil » et rouler en silence.
Si vous ne klaxonnez pas, on en déduira que vous n'êtes pas là, que vous n'existez pas. On vous coupera la route au carrefour, les piétons vous traverseront devant les roues, car avant de franchir une rue, ils ne regardent pas : ils écoutent. Silence égale voie libre.
J'ai essayé la tactique du silence au début. Après avoir failli me faire transformer en pâtée Ron-Ron par un semi-remorque, emmener sur mon garde-boue quatre hommes, sept femmes dont trois enceintes et une portant dix kilos de pain dans un panier en équilibre sur sa tête, onze enfants et un raton laveur, je me suis mis au diapason.
Ma corne de brume à gaz fonctionne à plein tuyau. Pôaâââh ! Pôôôââââh ! Je klaxonne pourtant très peu par rapport à la moyenne, mais si en France on m'entendait pooâââtiser de la sorte on me prendrait pour un dangereux maniaque.
Écoutez, c'est simple : les Syriens klaxonnent tellement... Qu'ils s'en rendent compte !!! Je m'en vais vous le prouver de façon indubitable par une anecdote que je vous garantis absolument véridique. Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer, comme disait la mère Giroud, même qu'une critique (du Nouvel Obs, je crois) disait qu'elle prenait fichtrement des risques...
Hier au soir, avec mon pote Kha-leb el Absi, on disputait une sacrement velue partie de « Konkin » (« rami » chez nous) on en était comme qui dirait à la balle de match. Khaleb a tenté un coup de Jarnac machiavélique pour me faire morfler cent points.
Sa tactique a foiré comme un filetage de bouchon de vidange en alu quand c'est Cassius Clay qui le revisse avec une clé à œil de deux mètres de long, et c'est lui qui a pris les cent points fatidiques dans les ratiches. Il s'est marré, puis il a jeté ses cartes sur la table en disant « ma zam-mar ! ». Ça veut dire littéralement « ça n'a pas klaxonné ».
Évidemment, je l'ai regardé avec des yeux gros commak, il m'a dit « Ben oui, ça n'a pas klaxonné, ça n'a pas marché, quoi ! Ici, quand ça marche, on klaxonne alors si ça n'a pas klaxonné, ça veut dire que ça n'a pas marché ! »... Ben oui... Évidemment quoi.
Holà ! Ça fait un bout de temps que je bavarde, voilà Naala, la femme de Mamoun, qui commence à mettre le couvert pour le repas du coucher de soleil. Chez nous, on dîne au coucher du soleil, et rebelotte vers onze heures si l'on n'est pas encore couché.
Ce sont toujours les femmes qui font tous les travaux domestiques, dans le coin je n'en connais aucune qui travaille à l'extérieur.Faut pas dramatiser la situation. Une famille de neuf personnes à entretenir pour deux femmes (la mère et la bru) ce n'est la mer à boire, je vous garantis que dans la journée elles trouvent largement le temps de se distraire, d'aller voir les copines, de taper le carton, ce n'est pas l'esclavage.
Mamoun, lui, bosse de 6 heures du matin à 16 heures, et n'a qu'un seul jour de congé par semaine, le vendredi... Ah, chouette ! Y'a du « Foui ». C'est l'un des plats populaires syriens, ça a l'air tout con, ce sont des fèves bouillies avec une sauce faite de lait caillé et d'huile d'olive. Au début, je trouvais ça plutôt bizarre, puis avec l'habitude, je me suis mis à aimer ça comme un fou.
Chez nous, en France, tous les repas tournent autour de la viande. Ici, c'est différent. On peut passer des jours sans en manger. Salade, fèves, gros radis, tomates, piments, on se sustente tranquillosse avec ça, des œufs aussi, soit bouillis soit brouillés et découpés en petits carrés.
Ma foi, jusqu'ici ça va... On mange aussi de la viande deux ou trois fois par semaine, entre autres du poulet. Oh mazette ! En France je n'aimais plus le poulet, parce qu'à force d'engraisser ces pauvres bestioles à toute vitesse avec des substances plus ou moins avouables, on a fini par les rendre totalement insipides ou plutôt insapides, pauvres bêtes !
Des fantômes de poulets. Pauvre Henri IV ! S'il avait pu prévoir, sûr qu'il aurait choisi un autre programme électoral, pauvre homme ! La première fois que j'ai becqueté du poulet ici, ca m'a rappelé une époque lointaine où j'étais vacher au pays basque.
On avait une armada de poultoks nourris au maïs, quand on s'en croquait un, on le faisait rissoler dans une vieille cocotte en fonte, sur les braises de la cheminée, pas avec de l'huile, oh non ! Avec du gras de jambon-maison.
Eh bien en mangeant du poulet à Alep je me suis rappelé que la viande de poultok pouvait avoir du goût. J'avais oublié. A vivre dans mon ghetto parisien j'avais, j'ai oublié des tas d'autres choses encore, j'ai oublié d'en apprendre d'autres, la Puce et moi avons mis la clé sous la porte pour les réapprendre ou les apprendre.
On essaiera de vous les faire partager le plus qu'on peut. Dans quelques jours, on va mettre les voiles d'Alep pour prendre le chemin de Damas.
De là on ira soit vers Bagdad (peu de chances, la frontière irakienne a l'air aussi ouverte au voyageur qu'une boutique de farces et attrapes un jour de deuil national), soit vers la Jordanie, l'Arabie Saoudite et les émirats du Golfe persique. A Damas reprendra notre guerre des visas.
Avec l'aide de Dieu, on passera...
Alep, samedi
Ça y est. Ce soir je vais quitter Alep. A vrai dire, je devrais être parti depuis avant-hier, puisqu'après cinq semaines de ping-pong entre banques, le fruit pognonesque de mon labeur du mois de janvier est finalement arrivé à la banque du coin.
Ça faisait cinq semaines que profitais de l'hospitalité de mes copains, il était tout de même temps.
Triomphalement, je suis revenu avec mon fric en poche. « Ce soir, je vous offre une nouba des mille et une nuits, et demain je pars à Damas ».
La mère de famille a tout de suite usé de son droit de veto : pas de nouba, tu auras besoin de ton argent pour voyager. Il ne faut pas partir demain, ce soir on est invité chez ma sœur, on va se coucher tard, tu seras fatigué demain. Tu as le temps...
Toute la soirée j'ai ergoté pour pouvoir leur offrir cette fiesta, mais maman Sarminy a été inflexible : « ici c'est moi qui suis ta mère, et ta mère dit de garder ton argent ».
C'est quelque chose, l'hospitalité syrienne... Ici, lorsqu'on invite quelqu'un, ne serait-ce qu'à prendre le café, l'hospitalité est totale. L'hôte, par exemple pose un assortiment de cigarettes sur la table, et il serait plutôt mal séant de fumer ses propres cigarettes.
Vous vous arrêtez pour prendre de l'essence dans une station-service, on vous y offre deux fois sur trois thé et cigarettes. Les Syriens ont l'air d'avoir l'hospitalité dans le sang, on passe presque autant de sa vie chez les autres que chez soi.
Ça les étonne beaucoup quand je leur dis que chez nous, ce n'est pas pareil du tout. Ils me regardent avec des yeux ronds, à part ceux qui ont fait des études en France. Ceux-là savent que Marianne, en s'enrichissant, est aussi devenue égoïste, et que beaucoup de gens y vivent repliés dans leur ghetto personnel, de peur que quelque intrus ne vienne détourner une parcelle de leur petit confort quotidien.
Ça y est ! Je refais ma crise... Je rêve de l'an 01 comme Gébé, le dessinateur, il y a dix ans. C'est vrai qu'il y a dix ans, c'était 68, l'espoir idiot d'une vie plus humaine dans un environnement fait pour l'homme, avec une administration qui soit au service de l'homme, n'importe quoi, quoi...
Des sociologues ont théorisé que le phénomène moto, du moins le « boom » de 1969, était l'une des conséquences de la révolution avortée de 1968. La révolution sur deux roues, quoi, le « pas-de-côté » dont parlait Gébé. Ils ont peut-être raison, les bougres.
C'est vrai que l'on vit dans un pays ghetto, et au lieu de dire qu'il faut humaniser la France, son environnement, son administration, ses flics, on parle de fric, on a Giscard et Babar, Laurel et Hardy, qui conduisent un pays comme on gère une société anonyme.
Merde, la gestion technocratique, ça va bien quand on vend des savonnettes ou des machines à rider les pruneaux, mais quand c'est de l'homme qu'il s'agit, c'est humain qu'il faut être, ventrebleu, au train où ça va, on va tous crever d'ennui, les potes !
Alors, on va faire une virée à moto et bavarder avec les copains pour oublier tout ça. Pourtant, tout ça, c'est fichtrement démocratique. On a voté. De la même façon, la plupart des motards titulaires de licences trouvent que la Fédération Française de moto, de même que son homologue internationale, est un ramassis de vieilles croûtes qui naviguent à côté de leurs pompes.
En fait, si on faisait le compte des officiels importants de la fédération qui font effectivement de la moto, on pourrait les compter sur les doigts d'un manchot lépreux. Pourtant, ils ont été élus, y'a pas ! Les dirigeants de la fédération moto ne font pas de moto, et, je suppose, les dirigeants d'état ne vivent pas, sinon il serait invraisemblable que ca marche aussi mal.
Faut-il supprimer la démocratie, puisqu'on vote aussi mal ? C'est une idée, mais quoi ? Un prophète ? Excellente solution, que ceux qui se sentent à même d'être le prophète du 21e siècle m'écrivent, ils ont gagné. Bon. La crise est passée, parlons d'autre chose, du « Boukra » par exemple...
Le dieu Boukra, est, avec sa splendeur le Klaxon, l'un des grands régents du Moyen-Orient. « Boukra » ça veut dire « demain ».
C'est le sens littéral. En fait, ça veut dire demain, après demain, dans une semaine ou même jamais ». Ici, dès que vous demandez quelque chose d'ennuyeux ou compliqué, on vous dit « Boukra », parce que demain, si Dieu le veut, la terre se sera mise a tourner dans l'autre sens, le soleil se sera rapproché de la lune, et la chose compliquée que vous demandez sera peut-être .. devenue simple.
Quand on vit en un lieu où la vie est plutôt douce, il serait tout de même dommage de se perturber la vie, de gâcher de précieuses minutes de songerie à résoudre le problème au fond sans importance d'un étranger frétillant qui s'affole pour un rien, comme si sa part de paradis en dépendait.
Si vous venez par ici un jour, il faudra apprendre à n'être jamais pressé. Pour ma part, je dois avouer que c'est ce qui ne donne le plus de mal. On ne change pas de civilisation comme ça.
Bon... La Puce est chaîne tendue et bien graissée, plein d'huile fait, j'ai changé mes I ampoules de phares... Tiens à propos, ça a été dur de trouver des lampes standard européen à Alep. J'en ai trouvé... Parce que les Syriens sont vraiment sympas.
Le second marchand chez qui je suis allé, n'en ayant pas, m'a « prêté » son petit commis, qui m'a pris par le bras pour me guider dans le quartier des mécaniciens, dans toutes les boutiques où je risquais de trouver des « culot Bosch ».
Ça nous a pris presque la matinée, car il me fallait aussi des ampoules de compteur et des bifilament arrière, le tout en 6 volts. Il ne m'a pas quitté avant qu'on ait tout trouvé et quand j'ai voulu lui donner un bakchiche, il l'a refusé d'un sourire...
Bref, la Puce est prête. Le chemin de Damas nous attend, on se retrouve là-bas...
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| | | dga
Nombre de messages : 2561 Localisation : 78 Date d'inscription : 12/01/2018
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 18:59 | |
| On ne s'en lasse pas... Merci Lucky ! |
| | | Joel Enndewell 2424
Nombre de messages : 3150 Age : 78 Localisation : LOT Date d'inscription : 02/03/2020
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 19:10 | |
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| | | bubu
Nombre de messages : 10177 Localisation : ile de france Date d'inscription : 15/02/2011
| Sujet: Re: Fred, t'es un enfoiré ! Mer 30 Nov 2022 - 19:33 | |
| on était partis pour rééditer la carte postale, en deux ou trois volumes, mais y'a eu qu'un premier tome, vu que Fred qui avait préparé tout ça y a laissé passer une énormité contre les juifs et Israel qui nous a valu un courrier outré - à l'époque où ça avait été publié, personne avait moufté, mais au milieu des années 90 c'était plus pareil. Bref Fifi le red chef a préféré couper court aux rééditions pour éviter tout autre ennui - j'ai toujours regretté que l'intégrale n'ait pu être ainsi publiée - il faudrait qu'un moine bénédictin ayant la collection de MJ fasse ce que lucky vient de faire et puis dans le fond en vous lisant je me dis que j'avais pas à exprimer mes opinions très orientées à propos de Tesson, d'une part parce que j'ai pas forcément raison d'autre part parce que ça n'avait rien à faire sur ce forum - dont acte bon et puis c'est promis on enterre le haschisch de guerre entre pitlénoeuds .... poil aux neux ! |
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