[Oldies] L'incroyable univers du "Cheval"! (Part 1)

sortie au même GP de France
Gilles Schaefer

Pour la TZ de Bolle, la forme de la tête de fourche nous avait été inspirée par une certaine 500 "café Grand Mère" et la partie AR du dessous par certaines "Cheval".... Et l'entrée d'air du radia plus refermée.
Le tout, très bien réalisé par Philippe Henrion. Mais cela avait également demandé de faire des réservoirs spéciaux sur mesure avec des gros dégagement pour les bras et les genoux (John Person en Angleterre : 50£ à l'époque) et des radiateurs un peu différents en cuivre (fait au Mans).
Le tout avec des pots maison, cela donnait, en général cette année de GP (1982) souvent dans le tiercé de tête des vitesses de pointe. Pour un coût somme toute très raisonnable
Vous êtes gentils, ne parlez pas de poids. C'était, par rapport à certain, limite du porte avions ...

Mac

Suite à une rechute dans PLB ce soir, j'ai lu tout le sujet d'une traite.
C'est comme un bon bouquin, on ne peut pas s'arrêter quand on a mis le nez dedans, et l'avantage : ce n'est sans doute pas fini !
Encore, que je comble mes grosses lacunes dans "La grande Histoire de la Moto"

Photo mise sur Facebook par ICGP Racing (Éric Saul). Avec aussi Guy Bertin.
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Les années suivantes, dans le paddock de Montlhéry, Olivier sera, comment dire, un pilote en devenir, sympa, simple et disponible, comme un pote..................Et puis, il est toujours resté un pote , une référence, et c'est toujours émouvant de croiser Alain.....Les yeux..................

M.R Mars 1967, j'avais oublié!!!!

Cette photo de Thierry Espié, c'est au GP de France 1983.
L'hiver qui a précédé, nous avions travaillé sur l'aérodynamisme avec un spécialiste dont je ne me souviens plus du nom, mais qui avait travaillé notamment chez Alpine et que Fayard connaissait bien. Encore un gros avantage d'avoir été soutenu par Elf et son centre de recherche. Monsieur Aéro nous avait donc conseillé des modifications sur l'avant, sur les côtés et sur l'arrière, autrement dit sur l'ensemble de la carrosserie. L'aérodynamisme, c'est vraiment un ensemble de paramètres qui ne laisse aucune partie de côté. Grossomodo, il faut que le nez pénètre sans créer de remous, que les filets d'air longent en léchant les côtés sans se décoller, et que la partie arrière favorise le retour à la jointure de tous ces filets pour limiter la traînée. Nous avions aussi demandé des conseils sur l'entrée de l'air au niveau du radiateur et sur l'alimentation des boîtes à air.
Les modifications conseillées étaient suffisamment importantes pour nécessiter la réalisation d'un nouvel ensemble polyester complet (elle a bien dû participer à ça, l'autre vieillure de Chartres).
Il a fallu réaliser toutes ces pièces avec, pour certaines, différentes options, et puis quand tout est prêt, filer à la soufflerie de St Cyr à côté de Versailles. Soit dit en passant, il vaut mieux être bien prêt, parce que, c'est un rendez vous qui est pris longtemps à l'avance, pour une durée limitée et non extensible.
Il faut prévoir un support, spécifique à cette moto, qui ne soit pas perturbant pour l'aéro et qui permette de relier l'engin aux capteurs trois axes sous chacune des deux roues. Ne pas oublier son casque, et sa tenue complète.
Honneur au plus ancien, c'est moi qui vais grimper dessus le premier. C'est quand même un peu impressionnant, t'es dans un espèce de tunnel avec devant une grille avec des trous carrés de 10 x10 pour stabiliser le flux d'air. La même chose derrière avec en plus un très gros ventilateur dont on voit les pales à travers la grille. ça ne souffle qu'à 150 km h, mais ça fait un rafoin d'enfer, t'as beau être caché derrière la bulle, t'as l'impression que tout va s'arracher, que tu vas être avalé par le ventilo après être passé à travers la grille.
On bosse bien toute la journée, on teste toutes nos options, on vérifie les Fz et les points influents, les masses d'air à travers le radiateur, la pression dans la boîte avec différentes écopes.

Je rappelle, pour le fun et pour les nuls, que le Cx, dont on entend souvent parler, est un coefficient, obtenu par un résultat de calcul, il permet seulement de hiérarchiser la qualité aérodynamique sachant qu'un coéf 1 c'est à peu prés le Cx d'un cube donc profilé comme une armoire normande et qu'avec un coef de 0,05 on s'approche de la forme aérodynamique idéale. A noter que cette valeur ne prend pas en considération ni la taille, ni le volume donc, par exemple, une voiture quelconque a le même Cx que sa maquette de 10cm: maquette qui oppose pourtant une résistance à l'avancement bien plus faible. Seul le SCx intègre une notion de surface frontale qui permet de comparer la résistance aérodynamique de véhicules de tailles différentes.
On relèvera donc plusieurs types de valeurs avec les capteurs trois axes.
Le Fx (force de traînée) c'est en quelque sorte la force (résistante de l'air) horizontale qui freine, donc toujours du même signe, les Fz ce sont les forces verticales qui peuvent être positives ou négatives sur l'avant ou sur l'arrière suivant qu'elles écrasent ou qu'elles délestent. Le capteur trois axes donne aussi un Fy qui correspond à une force latérale, mais pour une moto il faudrait que celle-ci soit ou très tordue ou très dissymétrique.
Pour les boîtes à air, on utilise un petit capteur de pression et pour le radiateur un petit anémomètre.
Les résultats sont tout à fait significatifs, tous les points travaillés sont nettement améliorés, ça va faire mal!!
Quelques semaines plus tard, le temps de réaliser proprement les définitions choisies, et nous voilà ( ça ne s'invente pas) le vendredi 1°avril '83 au Bugatti pour ce GP de France.
Quand on arrive sur place, on est un peu l'équipe forte, les feux sont braqués sur nous. Quinze jours plus tôt, pour le premier GP en Afrique du sud, on a ramassé, avec Jean François et Didier, la pôle, le record du tour et les deux premières places et sans le problème de roulement de roue arrière, Thierry aurait certainement complété un tableau déjà quasi magique.
Il fait un froid de canard, on se pelle comme des morts. Tout n'est pas parfaitement terminé, les dzeus ne sont pas posés, il y a des ajustements à faire. Trop de pression, de tension! Didier en profite pour percuter, en prenant la piste au bout des stands, un attardé des 125 qui coupe sa ligne pour rentrer au paddock. Et d'en remettre une couche, avec la moto réparée, en en reprenant une, en démarrant (sur de l'huile?)devant les boxes! Les nouveaux carénages de Didier ont pris un sacré coup de vieux. Jean François, qui se déplace beaucoup sur la moto, trop engoncé dans ces formes, est mal à l'aise. Seul Thierry, peut-être par respect pour ce travail, et qui roule plus dans l'axe, insiste dans l'essai et donnera des infos importantes. La différence en perfos se fait sentir très tôt, dès le troisième rapport, par contre la moto a perdu énormément en maniabilité, il est difficile de l'inscrire dans la courbe, elle est comme lourde, un peu comme si elle évoluait dans quelque chose d'épais... En fait, on est allé trop loin, on n'évolue pas sur le lac salé. Pour être maniable et facile, une moto doit être turbulente, un peu comme si les filets d'air ne devaient pas rester collés sur les flans et la bloquer.
Pour détendre l'atmosphère, il va tomber quelques flocons de neige, et dans la nuit de samedi à dimanche, Dunlop va se faire cambrioler avec nos roues, heureusement notre atelier n'est qu'à soixante kilomètres. La course va être un peu caca, Didier sauvera les meubles avec une place de 4, Thierry finira 9 et Baldé cassera un pot. Cheval repartira avec la tête basse et la queue entre les pattes, jurant mais un peu tard...
L'efficacité d'une équipe tient souvent à un équilibre précaire, la mise au point pour une course occupe et retient toute son attention, perturber cette organisation avec des nouveautés trop complexes et la ruche s'affole. Tu le savais, bien fait pour toi!!!
Et comme dirait un «  peu probable futur philosophe »  que je connais bien mais dont je tairai le nom « en faire trop, c'est bien de la couille » ….le mieux est l'ennemi du bien!!

Aïe!! j'ai oublié de faire le lien avec la photo concernée...c'est, bien sûre celle postée par Yves Kerlo le 23 sept, qui en plus demande des explications.
1000 excuses!!

Merci

J'étais en apnée le temps de la lecture
Quelle expérience et quel récit !

Pour avoir vécu des expériences similaires il faut bien admettre que parfois, la passion et l'enthousiasme prennent le pas sur le raisonnable, avec les conséquences décrites plus haut.

Merci.

Je connaissais le Cheval "parlé", et je dois reconnaître que le Cheval "écrit" est du même tonneau...
Signé: La Vieillure de Chartres

En images la séance de poussière, disqueuse, et grattage à La Prazerie pendant... je sais plus!
On devine l'habillage initial sous la mousse, et les "caches mains" directement moulés sans gel coat, dans deux bouts d'alu.

On peut aussi aller voir: http://www.pit-lane.biz/t1294-technique-aerodynamique-moto?highlight=aerodynamisme

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Avant, après... (déjà postée plus haut)

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Avec une démarche similaire, mais un peu hors sujet (encore que...) un certain Christian E, qui se sauve avec la cagnotte cachée dans sa bosse...


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Un récit génial de plus !

Merci !

Vraiment intéressant et bien écrit!
Immédiatement, on s'y croirait, trente années en arrière.
On comprend bien la désillusion lors de cette course mais qui pris la décision de continuer, ou pas, au moins partiellement, et pourquoi?

Vraiment biens ces "envers du décor" Chevaleresques.

PS : Ah, au fait, c'est sûrement un article comme celui de MR posté par Philwood qui m'a poussé à tanner mon father pour qu'il me permettre de participer à ma permière course des Jeunes Tigres en 1967.

Pour l'aérodynamicien de Cheval, je pense qu'il s'agit de Marcel Hubert, qui a beaucoup travaillé sur les projets Alpine, Renault, Elf, De Cortanze, du Mans à la F2 et F1 (l'A500 était de lui je crois).
En découvrant La Chevallier au GP de France où sortait aussi la Pernod (merci Yves), trouvant cela assez bien fait, j'avais tiqué un peu devant les similarités, mais avec le recul, quand on n'est pas parano, c'est assez logique.
C'était en fait transposer à la moto la rivalité de longue date entre l'équipe Alpine-Hubert et l'équipe Eiffel-Romani-Deutsch-Choulet.

Pour la bosse d'Estrosi, ça existait depuis très très longtemps comme le montre le dossier d'aéro linké par Yves, mais j'avais été content de remettre cela au gout du jour.

Enfin la morale de l'histoire d'Alain est que dans la pratique, dans un contexte où les ressources sont limitées, il ne faut pas trop charger sa barque et savoir avec sagesse ventiler (c'est le cas de le dire) ses efforts.
L'automobile de course est passée par les mêmes états :
- de 1960 à 1975, toute la F1 disait que l'aéro en soufflerie ne marchait pas
- puis progressivement tout le monde s'y est mis, d'abord avec des spécialistes internes
- à un moment vers 1985, il y a eu création, en parallèle de l'équipe d'exploitation (=de course) une équipe de développement qui n'est pas contrainte par le calendrier et par la sélection de ce qui marche mieux en instantané ; quand ça marche à 100%, on transfert les nouveautés techniques à l'exploitation.
- comme c'est devenu un des domaines les plus efficaces en "chrono/€" c'est devenu des équipes internes, très nombreuses (50 à 100 personnes pour les tops teams F1).

Extraordinaires récits J'y étais à ce GP de France au Mans (mon premier) j'avais pris une grosse claque visuelle et sensorielle qui ont peut être influencé le reste de ma vie professionnelle.
Cela fait du bien de lire les récits d'un des acteurs de cette époque. Merci beaucoup MONSIEUR CHEVALLIER
PS GP bizarre avec une victoire d'Alan Carter qui sortait de nul part, et une troisième place de Rapicault qui avait mené avant de rendre la main (pluie) .

Pour compléter ce post et répondre à Marc et Gilles le parigot.
La moralité de cet essai au GP de France, c'est bien qu'il ne faut pas trop charger la barque, parce que si tout ne va pas comme prévu, qu'on insiste une seule séance de trop, et bien on n'a plus le temps de régler la configuration habituelle, et la course est ratée!
Le nom de Marcel Hubert me dit quelque chose mais je vais demander à JC Fayard et je te le dirai.
Après cet essai, c'est moi qui ai décidé de reporter la suite à plus tard. Nous avons gardé certaines modifications concernant notamment la perméabilité du radiateur: autant en ce qui concerne la bouche, que les sections d'échappement ( c'est pas le tout de favoriser l'entrée, si le plus d'air censé passer ne peut pas s'échapper). Nous avons aussi gardé la position de bulle: hauteur et proximité au casque. Je pense que la forme et la position de l'écope de refroidissement amortisseur datent aussi de ces travaux.
Pour le reste, j'ai considéré que c'était l'ensemble qui était, à la fois, responsable de l'amélioration de perfs en ligne droite, et de la dégradation de comportement en entrée et au milieu de la courbe.( pour moi, à ce moment là, soit on prend tout soit on ne prend rien). J'étais, bien évidemment, très surpris de payer si cher en virage ce que l'on gagnait en ligne droite. Ça ne m'avais même pas effleuré l'esprit, et personne ne m'avais prévenu de ce risque. Cette lourdeur surprenante de l'avant réclamait une modification de géométrie, je savais très bien ce que cette modification risquait à son tour d'engendrer. Plus grave encore, plein angle, le comportement de la moto n'était pas net et pouvait laisser supposer une réaction à la proximité latérale de la piste. Il aurait fallu vérifier en soufflerie si l'axe Y moto n'était pas perturbé dans cette position. Cette année là, nous jouions le titre. Les pilotes n'étaient pas emballés. Le manque de visibilité sur le temps nécessaire, les solutions à apporter et le gain final imposaient de laisser tomber et éventuellement de revoir ça plus tard.....Plus tard n'est pas venu, parce que l'année suivante nous avons tenté la 500 et que dans cette aventure nouvelle, même avec du semi-classique c'est déjà pas de la tarte!!!

Merci, Alain, pour cette réponse somme toute logique.

TF1 Automoto Jean-François Dunac aux commentaires (sauf n°2).

[quote="Alain Chevallier"][Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Décidément, cette photo me rappelle bien des souvenirs...
Le barbu qui m'aide, c'est Pasquier de Nice, fils de bonne famille, son père est un riche propriétaire immobilier à Monaco. Lui, amoureux de la moto et du côté bohême de la course, fait partie de notre équipe et trime avec nous dans des conditions de confort qui n'ont rien à voir avec ce que sa famille peut lui offrir. En fait, il se fout de tout ce qui est matériel et veut seulement vivre ce qui le passionne. Il a donc atterri à la maison et loge dans une petite pièce à côté de l'atelier, dans un duvet sur un matelas, un petit radiateur électrique, l'eau courante au milieu de la cour. J'ai acheté cet atelier il y a deux ans, il y avait une maison attenante non finie de construire, ciment brut au sol, quelques murs avec du plâtre, mais pas tous, et l'électricité au bout des rallonges. Il veut faire une saison avec nous et préfère passer l'inter saison dans cette pièce, à côté de son lieu de travail et des motos qu'il bichonne.
Quelques années plus tôt, il a couru en 125 ou 50 avec des avions ex usines, il me raconte qu'un jour à Montlhéry, il a cassé la commande de changement de vitesses et doit donc les passer à la main, en tirant directement sur la petite tige, qui à l'époque sortait de l'axe de boîte. Il perdait un peu de temps, mais sa moto était si rapide qu'il était quand même en tête. À un moment, il loupe la tige et se brûle sur le pot d'échappement. Quelques instants plus tard, la bulle se couvre de petites taches de sang, il regarde ses doigts...oh merde, c'est pas le pot qu'il a attrapé, c'est le pignon de sortie de boîte. La chaîne lui a grignoté le gant, et surtout le bout des doigts. Arrêt au stand, hôpital et greffe, il a perdu, pour deux doigts, la moitié de la dernière phalange. Plus tard il me montrera sa main, et me dira en rigolant « en fait ce qui me gêne le plus, c'est pas tant que mes doigts soient trop courts, c'est qu'on m'a greffé de la peau de fesse, et j'ai deux poils qui poussent sur le bout de l'index, j'ai beau les couper, ou les arracher, ils repoussent sans arrêt, non seulement, ça pique, mais quand je me gratte le nez en plus ça poke!! »
Pilote, mécanicien, homme à tout faire, volailler-zingueur....Que de temps passé, depuis cette époque, j'en ai connu deux ou trois autres capables, comme lui, de tout laisser de côté pour vivre leur passion, avec passion, mais les mentalités changent, les moyens aussi, il n'y a plus trop de place pour ces vrais purs.

Le genre de gars à qui on hésite serrer la main...

Bonjour tout le monde,
La lecture de ce morceau de l'Histoire est un moment grandiose ... et encore, le poids des mots semble dérisoire pour pouvoir qualifier objectivement ce genre de récit. Pour rendre hommage à tous ces acteurs qui ont oeuvrés dans l'ombre à la construction d'un morceau de la "Légende de la Moto" et que l'on découvre (du moins pour le béotien que je suis) au travers de la plume magique d'Alain Chevalier, il serait opportun de lancé une souscription "spéciale Pit-Lane.Biz" auprès d'un éditeur (avec bien sur l'agrément d'Alain s'il peut trouver le temps d'écrire) pour en faire profiter le grand public. Ce livre serait bien plus qu'une simple histoire, mais le témoignage d'une époque révolue où presque tout était possible ... du moins pour les enragés de la course. Tiens, ce récit me rappelle une citation de Mark Twain: "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait!"