Brouillon en cours.
Toutes vos réactions seront les bienvenues pour corriger, compléter et/ou développer mon propos.
Je ne me relis même pas et je compte sur vous!
En cette année 2013, le duel au sommet Honda-Yamaha est plus exacerbé que jamais.
Chaque team d'usine comporte un élément solide, respectivement Pedrosa et Lorenzo, et un joker, Marquez et Rossi.
Depuis le début de saison, les circuits ont alternativement avantagé l'un des constructeur, puis l'autre et, pour la belle qui se déroule à Jerez aujourd'hui, bien malin celui qui peut nommer le vainqueur à l'avance, tellement les performances sont proches les unes des autres.
Proches en apparence, certes, en l'occurrence au vu des chronos, mais si l'on creuse un peu, elles sont réalisées de façon bien différentes.
Derrière l'écran, on s'en rendait peu à peu compte mais, ces derniers temps, plusieurs éléments sont venus rendre évidents ce que l'on commençait seulement à entrevoir comme, par exemple, le changement de style de plusieurs pilotes dont Rossi.
A commencer par Bradley Smith qui a généreusement expliqué le pourquoi de ses performances assez modestes et, par contre-coup, la différence fondamentale de pilotage entre les deux marques japonaises.
Ces informations sont reportées par l'excellent site Motomatters, dont on ne dira jamais assez de bien.
Bradley Smith:"J'ai l'habitude d'attaquer à 100% en 125 et Moto2, pour essayer de donner le meilleur de moi-même. Quand j'ai essayé de faire la même chose avec la Yamaha, cela s'est traduit par des erreurs et un temps plus lent.
L'astuce consiste à être aussi doux que possible lors des transitions et d'utiliser la puissance (ndlr: frein moteur?) de la moto pour l'aider à se ralentir en entrée de virage.
Lorenzo relâche les gaz avant moi, mais il attrape néanmoins la corde avant moi.
Quand j'essaie de faire pareil, je me sens comme un pilote du dimanche.
L'entrée de virage est la phase où la vitesse doit être gagnée, en gardant les roues en ligne.
Cela est l'opposé d'une Moto2, avec laquelle vous utilisez l'embrayage et le pneu arrière pour ralentir la moto et l'inscrire en virage.
L'absence d'électronique sur une Moto2 implique que la finesse est perdue en entrée de virage alors que c'est précisément cela dont la Yamaha a besoin.
Elle est comme une 125 qui aurait 250 chevaux. Rester coulé et garder les roues en ligne est tout ce qui est important"
Alors, même si le forum est rempli de pilotes ex-125, on décrypte un petit peu...
En 125, où la puissance est somme toute limitée, c'est le royaume de la finesse; on arrondi au maximum ses trajectoires pour garder la plus grande vitesse possible de passage en courbe et avoir le moins possible à se relancer. On rentre donc sur les freins, garde un filet de gaz en courbe et ré-accélère progressivement.
En Moto2, la puissance est plus grande et l'électronique absente. On a donc besoin d'avoir une moto plus droite pour ré-accélérer. On va donc la relever le plus vite possible et, pour cela, casser la trajectoire qui sera plus tendue, avec une vitesse de passage moins grande.
Conséquence de tout cela, des freinages de trappeur dont la fin est souvent spectaculaire avec la roue arrière qui balaie la piste dans tous les sens avant de terminer par un contre-braquage destiné à faciliter la mise sur l'angle.
En MotoGP, même si l'électronique permet de choisir le type de pilotage que l'on souhaite, on a longtemps cru que le meilleur choix consistait à casser encore davantage la trajectoire pour pouvoir ré-accélérer le plus vite possible et profiter des 250 chevaux tout au long de la ligne droite...
Et cela semblait confirmé chez Honda où, si Pedrosa adopte toujours un pilotage assez pur, Stoner arrivait à quasiment se passer de l'électronique en se battant avec la moto, avec un succès certain.
Aujourd'hui encore, il suffit de voir Marquez en piste pour constater que la Honda, se tortillant dans tous les sens, parfois sur la seule roue avant, est efficace avec des styles de pilotage parfois très différents.
Néanmoins, on constate que, d'une façon générale, les Honda utilisent bien des trajectoires plus cassées (comme Rossi quand il double) avec un temps passé sur l'angle maxi limité.
A l'inverse, comme Smith nous l'indique, la Yamaha n'est vraiment efficace qu'avec un pilotage extrêmement pur.
Et il sait évidemment de quoi il parle puisque chaque pilote Yamaha a accès aux datas de tous les autres.
En fait, on peut légitimement se demander si cela n'est pas inhérent à un léger manque chronique de puissance de la moto comparée à sa rivale ailée.
La Yamaha peut également être brusquée.... mais, dans ce cas, elle est souvent moins rapide que les Honda et/ou se retrouve souvent par terre, un peu à l'image du pilotage de Crutchlow.
Rossi est moins brusque que Crutchlow mais freine également tard, et avec des trajectoires un peu cassées.
Non, le seul qui exploite la moto à 100%, c'est bien Lorenzo, et les datas le confirment.
Freinage à peine plus tôt, à peine moins puissant, utilisation du frein moteur (Lorenzo est celui qui fait le plus de flammes en entrée de virage) mais surtout aucun mouvement parasite et une moto qui parfaitement stable qui s'incline incroyablement pour trajectoire d'une pureté parfaite, l'impression étant renforcée par la position du pilote relativement droite sur sa moto, les bras serrés, comparée aux allures de batraciens de Stoner, Marquez ou même Rossi lors de ses derniers essais de modifier son pilotage ("tu as vu, moi aussi je touche le coude").
Carl Crutchlow, lors d'une interview à MCN, le confirme:" Comment peut-il prendre autant d'angle avec sa moto sans tomber? On ne sait pas. A chaque fois que l'on prend autant d'angle que lui, on tombe. Je tombe, Dovizioso tombait, Rossi tombe. Jorge, lui, le fait à chaque virage de chaque tour.
Il est très coulé et la Yamaha aime ça. Il a un style très économe et vous ne pouvez pas dire quand il freine parce qu'il n'y a pas de mouvement brusque sur la moto."
Bel hommage mais surtout réalité des faits!
Cela nous est clairement confirmé et, bien mieux, expliqué par Guy Coulon lui-même, un des très rares hommes pour qui les datas des Yamaha officielles ne sont pas inaccessibles.
Lors d'une interview très gentiment accordée pendant le Grand Prix de France, il a ainsi apporté quelques précisions particulièrement intéressantes sur le pilotage d'une MotoGP.
Comme tout le monde le sait, ces motos possèdent des aides indispensables vu leur puissance: Traction Control, anti-wheeling, etc.
Sauf que ces aides, moins on s'en sert et plus ça va vite!
Le moment où l'électronique se déclenche est donc repoussé autant que faire se peut par les pilotes rapides et, par exemple, dans le cas de Jorge, les datas montrent une remise des gaz très progressive à la poignée.
Guy mime alors un mouvement rotatif qui commence doucement avant avant de s'accélérer de façon asymptotique.
Tous les pilotes accélèrent plus ou moins de cette façon.
Mais là où Lorenzo se distingue nettement des autres, c'est qu'il utilise le mouvement exactement inverse au freinage, au lieu de couper tout net les gaz comme la majorité des ses concurrents.
Un exercice dont la douceur et la progressivité sont particulièrement difficiles à réaliser alors que le pilote est simultanément en train de "sauter" sur les freins.
Exercice très difficile, donc, mais gain évident obtenu immédiatement; une moto pas du tout déstabilisée par des mouvement parasites, bien assise sous la charge, qui peut donc prendre des angles inaccessibles aux autres.Lorenzo ne touche pas le coude lui, quasiment jamais.
Au contraire, sa position est atypique, une fesse à peine décalée sur la selle, avec souvent les bras rentrés à l'intérieur des jambes.
Il est le seul à faire ça et si le coude arrive parfois à toucher, c'est que sa moto est incroyablement inclinée et non pas qu'il est déhanché au maximum.
Cette position, que l'on peut physiquement schématiser par un centre de gravité plus haut et plus stable que ses concurrents, présente au moins deux avantages et un inconvénient.
Premier avantage, le déplacement moindre du centre de gravité limite encore les réactions parasites de la moto, et donc les éventuelles pertes d'adhérence, à l'inverse des déhanchements de plus en plus spectaculaires de ses collègues.
Beaucoup plus important, à cause de la largeur du pneu arrière, un centre de gravité plus haut nécessite de prendre moins d'angle à vitesse égale.
Ce qui permet à physiquement à Lorenzo, en prenant ses angles maximum (jusqu'à 62 ou 65°) de passer plus vite que ses concurrents déhanchés à outrance.
Seul inconvénient, cette stratégie implique d'avoir une immense confiance dans la physique........... et l'adhérence des pneumatiques!
En évitant les mouvements parasites et en étant plus coulé dans la phase de freinage, Lorenzo parvient par ailleurs à éviter les fameuses "pertes de l'avant" qui sont la conséquence de deux phénomènes opposés:
- trop de frein pendant la mise sur l'angle. La chute est extrêmement rapide et généralement assez violente.
- lâcher des freins trop rapide avec la perte de charge qui en résulte. La chute est beaucoup plus lente (c'est là où Marquez se rattrape parfois sur le coude) et se transforme en simple glissade généralement peu dommageable pour la moto et son pilote.
Avec son angle incroyable, sa vitesse de passage et sa fluidité, Lorenzo peut également ré-accélérer plus tôt et plus en douceur en évitant, une fois de plus, les phénomènes parasites comme, par exemple, l'effet de circonférence de pneu qui apparaît lorsqu'on redresse brutalement la moto.
Incidemment, cela lui permet également d'utiliser généralement un pneu arrière tendre et de le préserver plus longtemps que ses coéquipiers... quand ceux-ci ne sont pas obligés d'adopter un pneu dur et de se plaindre de son manque d'adhérence sur l'angle maxi!
Evidemment, à ce niveau, et chacun dans son style, on a affaire à des virtuoses et les différences au chronomètre sont extrêmement ténues.
Mais pour garder la comparaison avec la musique, on pourrait assimiler Lorenzo à un violoniste classique et Marquez.... à un Rocker!
Musique, Maestro!